Étape 9 : de Tikirte à Tisint
En quittant Tikirte vers le sud on s'enfonce dans un désert de rocailles sombres qui se déclinent du rouge au noir. Pas une piste ni une rencontre pendant cette journée où je gagne l'oasis de Tagenzalt. C'est un émerveillement de découvrir la végétation, le chant des oiseaux, l'odeur des amandiers en fleurs après la chaleur du désert.
Il y a quinze jours encore le village était sous la neige, comme Ouarzazate tout proche, ce n'était jamais arrivé auparavant dans la mémoire des anciens de la maison où je dors. Le lendemain il faut parcourir une vingtaine de kilomètres pour rejoindre Ighels, entre les deux oasis rien sinon une piste excellente où je croise le premier camping car. Là aussi l'ancienne casbah demeure, dans une de ces maisons dormirent les explorateurs...
Le 26 février je rejoins Tazenakht à l'issue d'une étape très longue. J'ai reçu deux accueils mémorables dans les villages de Boughra et Tagentout, où chaque fois une multitude d'enfants me conduisit triomphalement dans la maison de leurs parents. Il ne reste presque rien de l'ancien Mellah de Tazenakhte à deux kilomètres de la ville actuelle. Le lendemain je marche jusqu'à Ifnouane, capitale du safran du pays Zenaga. J'y passe deux jours chez le président de la coopérative, le safran est dans tous les plats et même le thé ; c'est excellent. Nous partons le lendemain en expédition dans un village abandonné au sommet d'une montagne: Agadir Aït Ourelt Ifnouane. Les ruines d'une cinquantaine de maisons attestent de l'exploitation de l'argent dans la région il y a plus de 6 siècles selon mon guide.
Le jour suivant je quitte la boutonnière de Tazenakht pour traverser l'Anti Atlas. Il s'agit de retrouver Agni, seul petit hameau misérable que mentionne Foucauld sur les 50 kilomètres qui me séparent de Tanzida. Pour l'eau et les vivres je ne dois pas manquer mon coup. J'y parviens à 16h et constate que le village est abandonné. Une seule famille y vit en autarcie complète, sans électricité. Le fils, Mohammed, n'a jamais été à l'école, il n'a pas un seul ami et passera la soirée à regarder les photos de mon voyage sur mon téléphone avec beaucoup de curiosité.
L'étape du lendemain est plus difficile encore il s'agit de quitter la montagne et de traverser le désert de la Feija. Une quarantaine de kilomètres sans piste avec quelques dattes pour seules vivres. Après 2 heures et demie de marche la silhouette du Taimzour se détache, Tanzida est à ses pieds.
En réalité je n'y parviendrait pas ce jour là et à 22h je décide de passer la nuit au pied de l'oasis qui précède le village plusieurs kilomètres en amont croyant m'être perdu. C'est là que dans une "nature féerique" Foucauld exprima dans Reconnaissance au Maroc une certaine séduction pour l'islam, en évoquant Leila El qedr, où "tout ce qu'il y a d'inanimé dans la nature s'incline pour adorer son Créateur".
Le 25 mars 2018