Etape 3 : sur les pas de Charles de Foucauld De Fès à Taza
La vue du djebel Zalagh m'annonce la fin du Gharb. Je quitte une région agricole opulente où la verdure des jeunes pousses de blé, des champs de bettraves et de tabac cède la place aux pentes arides et parfois sans végétation du massif calcaire qui me sépare de la plaine du Saïs. En suivant le chemin de Foucauld j'aborde le Zalagh sur son flanc ouest c'est alors "qu'apparaît Fâs, émergeant comme une île blanche de la mer sombre de ses immenses jardins" (Reconnaissance au Maroc, par 18).
Je traverse la ville pour gagner le Mellah où Charles de Foucauld et son compagnon Mardochée passèrent un mois. Ils furent accueillis dans la maison de M. Bensimon où un épitaphe signale leur passage.
Je trouve l'hospitalité chez un religieux italien, le père Matteo, qui me fait découvrir le camp des migrants qui vivent près de la gare de Fès. Sur son propre denier il offre une soixantaine de repas chaque jour aux plus nécessiteux. Les archives de la paroisse conservent un poème daté de 1946 qui fait l'éloge de la capitale spirituelle du pays.
"Lentement le soleil descend vers l'horizon,
Par le vent du désert l'atmosphère alourdie
Laisse voir la cité, de torpeur engourdie
Immense tapis blanc tacheté de gazon.
Entre les minarets, splendide floraison,
Quand l'haleine du soir s'est à peine attiédie,
Comme l'encens, vers Dieu, monte une mélodie,
Chant joyeux du labeur, en fervente oraison.
C'est la voix des âniers réclamant le passage,
Moutchous de Mahomet martelant le message,
Marchands, muezzins, meskins, tolba et ouléma.
Fès nous offre d'antan cette vivante image,
Que ne sauraient bâtir ni roman ni cinéma,
Sous nos yeux renaît du passé le plus bel âge."
Il me faut ensuite gagner Tazaa en trois jours. Je retrouve à la sortie de Fès l'oued Sebou qui serpente au milieu des marnes calcaires au pied des derniers contreforts du Rif. Là les montagnes sont toutes nues et consacrées à la céréaliculture. Elles offrent à la pluie un terrain de jeu gigantesque où l'eau érode le sol comme un château de sable.
Pas un arbre, pas une terrasse qui ne puisse retenir la terre contre le fléau de l'érosion. Les conséquences de cette culture intensive jalonnent mon chemin. Les ravinements et les glissements de terrains se multiplient sur le versant nord de la vallée du Sebou.
Je passe la nuit dans une ferme où je prends un repos bien mérité. Le lendemain mon chemin longe les 6 mille hectares du lac Idriss. L'itinéraire exact de Foucauld se trouve probablement sous l'eau se cette gigantesque retenue artificielle.
La route fut encore longue ce jour là avant de trouver un hôte providentiel dans les environs d'Ouad Amlil. 'Omar m'accueille généreusement dans son auberge d' In Salah qui est un véritable petit paradis niché dans la montagne à quelques kilomètres du chemin de Foucauld.
Il faudra encore le lendemain franchir le col de Touhar avant d'arriver à Tazaa. Une fois parvenu là haut je rencontre Jamal qui sera mon guide pour découvrir les environs. Avant la construction du tunnel la voie ferrée, qui relie Rabat à Oujda, passait autrefois par le col.
Le 19 Janvier 2018