Le barrage Al Massira atteint son plus bas niveau historique
Le deuxième réservoir artificiel d'eau au Maroc est au plus bas. La forte chute de ses réserves avait déjà imposé l'arrêt de l'irrigation à partir de ce barrage. Maintenant, il ne reste que 180 millions de mètres cubes, dont une partie est peut-être composée de vase. Des mesures ont été prises envers les villes approvisionnées en eau potable à travers ce barrage.
En 2020, le barrage Al Massira avait encore une hauteur suffisante et un débit remarquable.
Son nom est emblématique, Al Massira. Après Al Wahda, Al Massira est donc le deuxième barrage marocain par la taille de son bassin de retenue, et donc par sa capacité.
Les courbes ci-dessous, reconstituées par Médias24, montrent la chute inexorable de ses réserves. Une chute ayant conduit, ces deux dernières années, à suspendre l’irrigation des Doukkala à partir de ce barrage. Priorité à l’eau potable donc ; il alimente Marrakech ainsi que la partie sud de Casablanca, et d’autres villes de la région.
En septembre 2020, vu du ciel, le barrage Al Massira apparaissait déjà asséché (ci-dessous : en bleu clair, la capacité normale du barrage).
Actuellement, il est à son plus bas niveau historique depuis que les statistiques sur la situation des barrages sont relevées dans le pays. D’après la Direction générale de l’eau, relevant du ministère de l’Équipement, le taux de remplissage du barrage est actuellement de 6,8% (180,3 Mm3), contre 12,3 % (328,1 Mm3) il y a un an, jour pour jour.
Pas de perturbation d’approvisionnement en eau potable
Alors qu’il alimente en eaux potables l’une des villes les plus peuplées du Royaume, Casablanca, faut-il s’attendre à de probables perturbations en termes d’approvisionnement ?
“Jusqu’au mois d’août 2022, aucune perturbation n’est à craindre”, assure Abdellah Bourak, directeur de l’Agence du Bassin hydraulique d’Oum Rabii, dont relève le barrage d’Al Massira. Et de prévenir : “En revanche, le barrage d’Al Massira risque d’atteindre un taux de remplissage de 4% ou 5%, et peut être même 3%, dans le cas où il n’y aurait pas d’apport au niveau de la pluviométrie et des écoulements avant le mois d’août. En conséquence, on sera peut être amené à mettre en place des mesures d’économies d’eau, en plus de plusieurs actions de sensibilisation contre le gaspillage dans les grandes villes.”
Ce qui constituerait une première, même en comparaison avec la sécheresse historique des années 1980. “À l’époque, les nappes phréatiques étaient encore pleines et pouvaient prendre le relais, notamment pour l’irrigation des champs agricoles. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas.”
“Des mesures d’anticipation ont été prises par le gouvernement”, nous a rappelé Abdallah Bourak. On peut citer, à moyen terme, l’usine de dessalement d’eau de mer de Casablanca, réalisée dans le cadre d’un partenariat public-privé (PPP) et dont la mise en service est prévue à l’horizon 2030. Ainsi que le projet d’interconnexion des systèmes pour alimenter Casablanca en eau potable, à plus court terme.
Casablanca-Sud est en effet alimentée par Al Massira. Et Casablanca-Nord par le barrage Sidi Mohamed Ben Abdallah (Bouregreg).
“Un projet a été lancé consistant en l’interconnexion des deux systèmes ; ce qui fait qu’à partir du prochain mois d’avril, date d’achèvement des travaux, on pourra alimenter Casablanca à 100% par les eaux de Rabat, où les réserves sont suffisantes”, nous décrivait une source. Et de préciser : « Sur le moyen terme, ce projet pourra régler une fois pour toute la problématique de l’eau à Casablanca.”
Aucune dotation accordée pour l’irrigation de Doukkala
De quoi alléger la pression subie par le barrage Al Massira. Ses réserves en eau sont utilisées pour l’approvisionnement en eau potable des villes de Casablanca, Settat, Berrechid, Sidi Bennour et Marrakech, selon Abdellah Bourak. Des réserves dont une partie était également affectée à l’irrigation des champs agricoles de Doukkala, en temps normal. “Mais nous n’avons accordé aucune dotation d’eau potable pour l’irrigation de Doukkala pour la deuxième année consécutive. Nous avons plutôt pris le parti d’irriguer les cultures arboricoles de Beni Amir et Beni Moussa, » nous a confié notre interlocuteur.
Pourtant, en dépit du déficit hydrique et de la suspension des dotations d’irrigation, la région de Doukkala, grenier du Maroc, ne se porte pas plus mal. Mais pour combien de temps encore, sachant qu’il existe des pratiques illicites profondément ancrées dans la région ? “Il y a des prélèvements illicites dans les Doukkala qui datent de vingt ou vingt-cinq ans de la part de fermes très anciennes, et dont les cultures ont une haute valeur ajoutée. D’ailleurs, on compte également mener auprès des exploitants des actions de sensibilisation pour l’économie de l’eau,” a indiqué Abdellah Bourak.
“Finalement, c’est une bonne chose que les gens s’inquiètent du niveau atteint par le barrage d’Al Massira. D’autant plus qu’on ne sait pas comment la situation va évoluer. Notre objectif est justement de mettre les gens face à la problématique, parce que l’eau potable est extrêmement importante dans les grandes villes.” Et de conclure : “La situation est alarmante. Et chaque personne qui ouvre un robinet doit être consciente que l’eau est devenue une denrée extrêmement rare.” Aussi rare que les réserves actuelles du barrage d’Al Massira.
Le 10 février 2022
Source web par : medias24
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