Article 14 du projet de loi sur l’organisation judiciaire : la logique et la protection du justiciable l’emportent !

Le texte a été finalement amendé en commission de sorte à reconnaître aux parties en litige le droit de produire leurs documents en langue étrangère tout en conférant aux juridictions la possibilité d’en demander traduction.
Du nouveau dans le très controversé dossier de l’article 14 du projet de loi relatif à l’organisation judiciaire (Cf: Les Inspirations ÉCO du 8/07/2021). L’examen de l’article, qui était au cœur des débats de la Commission de la Justice, législation et droits de l’Homme de la première Chambre, durant pratiquement toute la semaine dernière, a finalement débouché sur un heureux dénouement 100% consensuel, jeudi dernier.
En effet, le texte a été amendé en commission de sorte à reconnaître aux parties d’un litige le droit de produire leurs documents en langue étrangère, tout en conférant aux juridictions la possibilité d’en demander traduction. Il faut dire qu’il y avait unanimité des membres de cette commission sur la nécessité de sa refonte. C’est ainsi que lors de son examen, les députés n’ont pas manqué de souligner la polémique qu’a suscitée ce texte, les risques encourus par son application, l’incohérence de sa rédaction et l’effet néfaste qu’il aurait sur le processus judiciaire lui-même. Sans remettre en cause le caractère officiel de la langue arabe, ils ont néanmoins relevé la réalité des langues usitées dans la pratique quotidienne et ont reconnu l’impact négatif du projet initial autant en termes de délais qu’en incidence financière sur le citoyen. Les députés ont, en somme, brandi les mêmes arguments que ceux brandis par le Collectif d’avocats qui s’est farouchement et rapidement opposé à cet article. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que ces arguments ne laissent personne de marbre.
Un combat gagné de haute lutte par un collectif d’avocats…
Pour rappel, les membres de ce collectif avaient dénoncé cet article parce que, estiment-ils, il allait alourdir les délais et processus judiciaires, notamment les délais de traitement des procédures car la décision d’acceptation de documents non traduits (ou de rejet de documents non traduits et donc d’exigence de documents traduits) ne pourrait intervenir qu’à un stade avancé de la procédure au moment de l’étude des pièces versées au dossier, ce qui implique un retour à la case départ avec d’office un allongement des délais. En effet, le tribunal saisi n’examinant les documents produits, en pratique, que lors de la mise en délibéré du dossier, le tribunal devra remettre le dossier au rôle pour inviter la partie à produire la traduction des documents, ce qui ne manquera pas de rallonger les délais de procédure. La partie adverse peut invoquer l’irrecevabilité de la demande de sorte que le dossier fera l’objet de plusieurs renvois successifs en attendant la production des traductions. Le Collectif a également déclaré que l’article 14 allait produire des goulots d’étranglement en raison des capacités numériques actuelles de traduction très limitées (volumétrie de documents à traduire/délais requis) à l’échelle nationale: 406 traducteurs assermentés pour 2.782.048 affaires judiciaires en 2020.
… contre l’aveuglement des défenseurs de la langue arabe
Ainsi, mécaniquement, les traducteurs assermentés, quelles que soient leur célérité, leur efficacité et leur mobilisation, ne pourront humainement jamais faire face dans des délais recevables et acceptables pour le justiciable à l’énorme flux qui serait généré par l’adoption de la loi en l’état et notamment de son article 14. Les membres du collectif ont aussi pointé du doigt le surcoût considérable qu’aurait induit l’application de cet article pour les citoyens dans la prise en charge de leurs procédures judiciaires. Sans oublier l’entrave à l’accès des citoyens de conditions modestes à la justice de leur pays. Cet article allait condamner de manière certaine, l’égalité d’accès à la justice aux citoyens en raison du surcoût systématique et préalable pour toute personne qui souhaiterait faire valoir ses droits et/ou se défendre. C’est ainsi que, par exemple, un citoyen salarié pour avoir accès à la justice de son pays dans le cas d’un litige avec son employeur, devra préalablement traduire son contrat de travail, ses bulletins de salaire et ses attestations de travail. Donc, un citoyen en difficulté, bien que bénéficiant de l’aide juridictionnelle devra préalablement débourser une somme importante avant de prétendre faire valoir ses droits, quel que soit le type de litige ou de juridiction.
Le 12 juillet 2021
Source web Par : les eco
Les tags en relation
Les articles en relation

La TVA discutée en Conseil de gouvernement
Un Conseil de gouvernement se tiendra jeudi sous la présidence du chef du gouvernement, Saad Eddine El Othmani. Au début de ses travaux, le Conseil examine...

#MAROC_GENERALISATION_PROTECTION_SOCIALE: La loi sur la généralisation de la protection sociale ad
Généralisation de l’AMO, des allocations familiales et de la pension de retraite. La mise en oeuvre du chantier social, annoncé en juillet 2020, peut déma...

Charte de l'investissement: les détails du projet de loi-cadre adopté en Conseil des ministres (do
On en sait plus sur le contenu de la nouvelle Charte de l’investissement, dont le projet de loi-cadre a été adopté en Conseil des ministres présidé, merc...

Zéro Mika: la chasse aux sacs plastiques continue
Du nouveau dans la loi sur l’interdiction des sacs en plastique. Comme le rapporte L’Economiste dans son édition du jour, le gouvernement vient d’introdu...

Charte des services publics: le projet de loi adopté à l’unanimité par la Chambre des conseille
La Chambre des conseillers a adopte?, mardi 15 juin en ple?nie?re et a? l’unanimite?, le projet de loi n° 54.19 portant charte des services publics, pre?sent...

Un vrai cadre légal pour les actions caritatives et la générosité publique
Sauf de rares cas, seules les associations sont habilitées à faire appel à la générosité publique et distribuer des aides aux nécessiteux. Des actions cu...

SANTÉ : LES PERSONNES INACTIVES BÉNÉFICIERONT DE L’AMO
La commission des affaires sociales à la chambre des conseillers a approuvé, mercredi dernier, le projet de loi qui permet aux personnes inactives et capables...

#MAROC_ETAT_D_URGENCE_SANITAIRE_MAROC_01_12_2020: La prolongation (ou pas) de l’état d’urgence
Un Conseil de gouvernement se tiendra jeudi sous la présidence du Chef du gouvernement, Saad Dine El Otmani, indique lundi un communiqué du Département du ch...

Justice. Où en est le chantier législatif de réforme ?
Plusieurs projets de loi entre les mains du ministère de la Justice doivent bientôt être introduits dans le circuit législatif et d’autres nécessitent dâ...

Evaluation de l’impact sur l’environnement: Le nouveau dispositif examiné
Instaurer l’obligation de réaliser des évaluations de l’impact sur l’environnement est l’un des principaux apports du projet de loi présenté hier à ...

Protection du consommateur : Ce qui va changer dans la loi
La loi pour la protection du consommateur entrée en vigueur en 2011 subira bientôt d’importantes modifications. Pas moins de 60 amendements sont prévus dan...

Code de la route: permis, mise en fourrière, contraventions… ce qui va changer
De nouveaux changements sont en vue dans le code de la route, entré en vigueur depuis 2010. En effet, le ministre délégué chargé du transport, Mohamed Naji...