Terres collectives: Cinq questions au Gouverneur directeur des affaires rurales Abdelmajid El Hankari

Casablanca - La nouvelle stratégie agricole repose sur la mobilisation d'un million d'hectares de terres agricoles collectives, au profit des investisseurs et des ayants droit.
Dans un entretien accordé à la MAP, le Gouverneur directeur des affaires rurales, Abdelmajid El Hankari, revient sur les dispositifs de cette opération, son fonctionnement et son impact sur la relance de l'économie nationale.
1- En quoi consiste cette opération et comment peut-elle être mise en place?
La mobilisation d'un million d'hectares de terres collectives à vocation agricole évoquée par Sa Majesté le Roi que Dieu l'Assiste dans son dernier discours constitue effectivement un grand pilier de la stratégie agricole. En effet, les terres collectives d’une superficie d’environ 15 millions d’hectares regorgent d’opportunités pour l’investissement dans différents secteurs.
Sur les 15 millions d’hectares, environ 1,5 million d’hectares sont exploités directement et librement par les ayants droit. Le défi à relever par la tutelle est de mobiliser 1 million d’hectares supplémentaires de terres à vocation agricole, libre de toute exploitation individuelle pour le mettre à la disposition d’investisseurs ayants droit et privés.
La première étape consiste d’abord, avec l’aide des autorités locales et provinciales concernées à répertorier et géo-référencer ces terres tenant compte de tous les facteurs requis pour la conduite des projets agricoles notamment, le niveau de fertilité des sols, la disponibilité de l’eau superficielle ou souterraine, la superficie minimale viable, les accès, etc.
Une fois ces terrains répertoriés, ils seront lotis en parcelles économiquement et techniquement viables et mis en location par voie d’appels d’offres avec cahiers de charges tel que prévu par les textes en vigueur.
La totalité des revenus financiers récoltés seront mis à la disposition des collectivités propriétaires pour décider librement de leur sort. Soit les réinvestir sous forme de projets de développement pour tous les membres de la collectivité, soit les distribuer entre les ayants droit sur la base d’une liste respectant les critères prérequis.
2- Quel sera l'impact de cet investissement sur le moyen et long termes, notamment en matière d'emploi ?
Le budget qui sera consacré à moyen terme à ce projet sera consommé sous forme de formules incitatives d’encadrement et d’aide à l’investissement et à la protection sociale qui profiteront, de prime à bord, à une classe rurale d’ayants droit menacés par l’exclusion d’accès et d’utilisation rationnelle du foncier collectif et par conséquent une classe menacée par la précarité et la pauvreté.
Cette classe rurale bénéficiera non seulement des avantages prévus dans le cadre de l’agriculture solidaire portée par le programme Plan Maroc Vert mais également de la stratégie "Génération Green 2020-2030".
Quant à l’impact et aux résultats directs escomptés, ceux-ci sont nombreux à savoir, l’amélioration des revenus, la création d’opportunités d’emploi, la pérennité des projets, l’essor d’une nouvelle génération de jeunes entrepreneurs, l'émergence de nouveaux regroupements ou coopératives, et la création d’activités génératrices de revenus.
A cela, s'ajoutent les effets indirects qui ont un impact significatif sur l’amélioration de l’Indice de Développement Humain (IDH) via l’amélioration de la santé, la scolarisation, la réduction d’exode rural et d’habitat insalubre et la réduction du taux de criminalité.
3- Comment concilier la complexité du régime des terres collectives avec les impératifs d’une agriculture moderne ?
L’histoire de la complexité du statut des terres collectives trouve son explication dans la culture orale et de la pure méconnaissance de l’environnement juridique concernant ce statut. En effet, les terres collectives sont facilement accessibles pour la réalisation des projets agricoles aussi bien pour les ayants droit que pour les personnes privées morales ou physiques.
En plus de la loi 62/17 et son décret d’application, la tutelle a produit des guides et des circulaires pour encadrer et accompagner les autorités provinciales et locales et les investisseurs pour faciliter la réalisation des projets.
A titre d’exemple, la superficie totale portant sur des investissements agricoles s’élèvent à plus de 100.000 ha de terres collectives qui concernent des projets modernes d’olivier, de palmier dattier, de rosacées, d’agrumes et de fruits rouges, ainsi que d'autres nouveaux projets.
4- Qu'en est-il du processus de la privatisation des terres collectives et quels sont les programmes et les politiques entrepris par l’Etat dans ce sens?
C’est une question qui est souvent posée à différents niveaux d’intérêt. En effet, nombreux sont ceux et celles qui pensent que les terres appartiennent à l’Etat ou aux collectivités territoriales.
Certes, la tutelle sur les terres collectives est confiée à l’Etat en la personne du ministre de l’Intérieur et que ce statut est appuyé par des dispositions juridiques de protection et des privilèges similaires aux biens publics, mais la réalité juridique fait de ces terres des biens privés appartenant aux collectivités ethniques. Ces collectivités sont composées d’ayants droit, hommes et femmes qui exploitent ces terres dans l’indivision.
En conséquence et au sens strict de la législation en vigueur, la question de privatisation ne peut être évoquée pour les terres collectives car elles le sont déjà.
Les dispositions des nouvelles législations sur les terres collectives ont facilité la réalisation de programmes tels que l’ouverture de 1 million d’hectares à l’investissement, l’encouragement des coopératives d’ayants droit, l’accélération du chantier de "Melkisation" des terres collectives situées dans les périmètres d’irrigation, l’ouverture sous condition d’investissement, des terres collectives Bour à la Melkisation au profit des ayants droit, sans pour autant oublier les différents projets de développement réalisés et financés par les fonds collectifs.
5- Quel cadre juridique pour la protection et la valorisation de ces terres collectives ?
Comme cité auparavant, le législateur a doté le statut des terres collectives d’une protection pour le prémunir de toute tentative d’appropriation par les tiers.
Les dispositions des nouveaux textes ont renforcé cette protection pour garantir une valorisation transparente qui profite en premier lieu aux ayants droit de manière directe ou indirecte.
A titre d’exemple, la location et la cession des terres collectives sont opérées selon des cahiers des charges imposant la contrainte de valorisation réelle et réfléchie afin d'entraver le cours aux tentatives de spéculation.
Le 23 Juin 2021
Source web Par : map news
Les tags en relation
Les articles en relation

Voici pourquoi le Maroc doit renforcer sa culture de Tournesol et de Colza
La culture du Tournesol et Colza devraient renforcer la souveraineté économique et alimentaire du Maroc. Ces deux cultures présentent 3 atouts majeurs. Da...

Les défis persistants de la stratégie Génération Green au Maroc : entre ambitions et réalités
La stratégie Génération Green 2020-2030, initiée dans la continuité du Plan Maroc Vert, visait à propulser le secteur agricole vers de nouveaux sommets. C...

Quoi qu’on dise, la responsabilité du gouvernement dans l’actuelle crise est plus qu’évident
Le gouvernement Akhannouch est-il responsable de la crise actuelle ? « Elle est évidente », réplique El Mokhtar Bedraoui, membre du Conseil national de l’...

Maroc : Sécheresse, effondrement du cheptel et réforme agricole
Le Maroc subit les conséquences dramatiques de sept années de sécheresse, entraînant une baisse historique du cheptel (-38?%) et une crise majeure dans les ...

Sud-Est du Maroc : Mesures d'urgence pour réhabiliter les infrastructures agricoles après les crue
Un diagnostic approfondi a été mené et des mesures d'urgence ont été immédiatement mises en œuvre pour remédier aux dommages causés par les crues t...

Vidéo. Irrigation de précision : L’israélien Netafim inaugure à Kénitra sa première usine en
D’UN INVESTISSEMENT INITIAL DE 5 MILLIONS DE DOLLARS, L’USINE PERMETTRA, À TERME, LA CRÉATION DE 150 À 200 EMPLOIS. LA PRODUCTION SERA DÉDIÉE AU MARCH�...

Déclin de l'emploi agricole au Maroc : une réallocation vers des secteurs à faible productivité
Les pertes d'emplois dans l'agriculture, aggravées par la sécheresse, ont principalement profité à des secteurs tertiaires à faible productivité, ...

Plan Maroc Vert: l’agriculture marocaine fait son entrée dans la cour des grands
Grâce au Plan Maroc Vert, l’agriculture marocaine a enregistré des résultats probants ces dernières années. Le ministère de l’Agriculture, de la Pêch...

Appui au Plan Maroc Vert par l’Agence française de développement : L’ADA procède à l’éval
Les projets lancés à ce jour dans le cadre de la première composante s’élèvent à 60 projets portant à terme sur un investissement de près de 501 milli...

#MAROC_Signature_à_Rabat_de_conventions_relatives_au_Programme_national_de_constitution_de_coopéra
Il s’agit d’une convention cadre relative au Programme national de constitution de coopératives agricoles nouvelle génération paraphée par le ministre d...
![[Entretien] El Mahdi Arrifi : L’ADA et la grande distribution main dans la main pour promouvoir les produits de terroir](/images/actualite/arrifi-entre.jpg)
[Entretien] El Mahdi Arrifi : L’ADA et la grande distribution main dans la main pour promouvoir le
Grâce à la mise à niveau des petits producteurs et des coopératives, le secteur des produits de terroir connait une belle percée comme en témoignent les c...

Rapport exclusif de l'OCDE: les failles structurelles qui empêchent l'émergence du Maroc
Compétitivité insuffisante, productivité peu élevée, inadéquation de la formation avec le marché de l'emploi et manque de cohérence des politiques...