#Maroc_Impayés_bancaires: 80 milliards de DH et le pire est à venir...
C’est l’équivalent de 8,5% de l’encours des crédits bancaires. Un record jamais atteint par le système bancaire et qui cache encore la vraie casse dans le secteur, camouflée pour l’instant par les opérations de report des échéances consenties par les banques jusqu'à septembre.
Comme attendu, la crise de la Covid a eu un effet dévastateur sur la qualité du portefeuille crédit des banques.
Début janvier, les créances en souffrance enregistrées par le secteur étaient contenues à 69 milliards de DH. Dix mois plus tard, elles atteignent 79,6 milliards de DH, soit plus de 10 milliards de DH en moins d’une année.
+14% d’impayés de plus en dix mois
Les statistiques de Bank Al Maghrib arrêtées à fin octobre font ressortir ainsi deux records : le premier concerne l’évolution des créances en souffrance, le second porte sur leur niveau rapporté au stock des crédits (le taux des créances en souffrance, CES).
En termes d’évolution, les impayés ont progressé de 14% depuis le début de l’année. Du jamais vu dans le secteur bancaire.
Une évolution rapide aussi bien chez les entreprises que chez les ménages.
Avec un stock de 44,7 milliards de DH, les impayés des entreprises ont progressé de 11,7% depuis le début de l’année. Soit 4,7 milliards de plus, et ce malgré toutes les mesures prises pour entretenir la trésorerie des entreprises touchées par la crise.
Les ménages semblent dans une situation beaucoup plus délicate, avec une évolution des impayés de plus de 15%, soit 4,4 milliards supplémentaires pour un stock à fin octobre de 33,3 milliards de DH.
Deuxième record: le taux des CES qui est désormais de 8,5%, soit plus de deux points par rapport à la moyenne enregistrée sur la dernière décennie. Entre 2009 et 2019, période où le Maroc a été également frappé par plusieurs crises, celle liée aux subprimes, mais aussi aux bouleversements politiques et économiques du printemps arabe, le taux des CES affichait une moyenne d’à peine 6,2%.
Contactés par Médias24, deux banquiers nous disent qu’ils ne sont pas du tout surpris par ces chiffres de Bank Al Maghrib.
L’un d’eux nous confie même que les chiffres de BAM sont plutôt positifs.
"A 8,5% de taux de créances en souffrance, je pense qu’on n’est pas dans la situation dramatique que l’on prévoyait en avril", nous dit cette source du secteur qui s’attendait à un taux de CES d’au moins 10% à cette période et prévoyait une montée à au moins 13 ou 14% d’ici la fin de l’année.
Un sentiment que nous confirme notre deuxième source bancaire, en soulignant que les chiffres de BAM, qui peuvent paraître bons en comparaison aux prévisions alarmistes du début de la pandémie, ne reflètent pas encore la réalité des choses. Et ce, pour deux raisons, explique-t-il.
La première tient selon lui en la mesure préventive décrétée dès le début de la crise par Bank Al Maghrib et qui a permis aux entreprises et aux ménages en difficulté de pouvoir reporter le paiement de leurs échéances sur une durée de six mois. Ce délai de grâce a pris fin en septembre.
"Les chiffres de Bank Al Maghrib ne prennent en compte pour l’instant que les créances réellement impayées, mais ne comptabilisent pas les échéances reportées, car elles ne peuvent pas être considérées comme des impayés", nous explique-t-il.
Et selon lui, la grande majorité des entreprises et des ménages qui ont opté pour le report ne seront pas capables de reprendre un rythme de remboursement normal. Ceci n’est pas une hypothèse, mais un constat que nos deux banquiers ont fait entre septembre et octobre.
La vraie casse sera visible à partir de décembre
"Nous suivons de manière régulière la situation des clients qui ont fait le choix du report. Il s'agit d'entreprises ou de particuliers dont les comptes sont domiciliés chez nous et on voit les mouvements de leurs comptes. La plupart, surtout les entreprises, et certains ménages, seront incapables de rembourser leurs dettes. Il y a des entreprises qui font zéro chiffre d’affaires depuis avril. D’autres qui sont débitrices, surendettées et n’arrivent pas à décrocher les crédits de Relance garantis par la CCG. On constate aussi une baisse générale des mouvements sur le compte des particuliers, qui est due pour certains à des pertes d’emplois, ou à des baisses de salaires négociées avec leurs employeurs", explique une de nos sources.
La deuxième raison qui explique ce chiffre "minoré", selon notre source: les règles communément admises dans le secteur.
"Même s’il y a un impayé en septembre par exemple, il n’est pas comptabilisé systématiquement comme créance en souffrance. Les chiffres que nous faisons remonter à Bank Al Maghrib ne prennent pas donc en compte les impayés des mois de septembre ou d’octobre. Car il faut attendre au moins trois échéances impayées pour déclarer la créance en souffrance. Les vrais chiffres ne seront ainsi visibles dans les statistiques monétaires qu’en décembre, voire en janvier 2021", précise notre source bancaire.
Nos deux interlocuteurs nous confient que Bank Al Maghrib est consciente de tout cela. Et que des réunions et discussions spécifiques autour de la question sont tenues régulièrement. "Pour parler de la situation réelle des impayés qui n’est pas encore visible, Bank Al Maghrib a convenu avec le secteur bancaire de faire un point vers la fin de l’année pour analyser les choses en profondeur et voir ce qui peut être fait pour limiter les dégâts", confie une de nos sources.
Ce taux minoré des créances en souffrance est également biaisé par l’évolution des crédits bancaires depuis le début de l’année (+2,7%). Une progression tirée essentiellement par les prêts garantis par l’Etat. Ce qui gonfle l’encours des crédits et réduit de manière mécanique le taux des CES.
S’il n’y avait pas ces dizaines de milliards de prêts distribués par les banques aux entreprises (Oxygène et Relance), l’encours des crédits n’aurait pas progressé au vu de la situation économique et de la montée des risques. Et le taux des CES aurait été ainsi supérieur au 8,5% présenté actuellement dans les statistiques de BAM.
"Ces crédits faussent également la donne, car ils ont permis à des entreprises qui sont dans l’incapacité de régler leurs échéances bancaires de rester à flot. Mais combien cela va-t-il durer?", s’interroge un banquier qui affirme que "l’on ne peut pas continuer à maintenir des firmes censées mourir sous perfusion, sauf si une relance rapide de l’économie est entamée". "Ce qui ne sera pas le cas comme on le voit tous les jours et si l’on se fie aux déclarations et prévisions des responsables publics et des économistes un peu partout dans le monde", ajoute-t-il.
Le 01 décembre 2020
Source web Par : medias24
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