Où sont passés les 30 milliards de DH remboursés aux entreprises?

Le gouvernement a versé aux entreprises plus de 30 milliards de DH de crédit de TVA via un mécanisme d’affacturage auprès du système bancaire. A cela s’ajoute l’amélioration des délais de paiement de quelques grands donneurs d’ordre dans le secteur public.
Mais la majorité des opérateurs économiques interrogés par L’Économiste affirment ne pas en ressentir l’impact. Ils avaient attendu avec impatience cette manne inespérée pour se faire payer et peut-être recevoir de nouvelles commandes. Mais de l’avis de plusieurs opérateurs, cet argent n’a eu qu’un effet placebo. Chacun a sa propre explication, mais la plupart des personnes contactées par L’Economiste préfèrent garder l’anonymat.
«L’Etat a tellement mis de pression fiscale sur les entreprises que les hommes d’affaires n’ont plus envie d’investir. Ceux qui ont le courage de le faire sont confrontés aux problèmes des CRI dont la réforme n’est pas encore effective. De plus, pour lancer un projet, c’est le parcours du combattan. Les guichets électroniques ne sont toujours pas fonctionnels, parce que les personnes qui en sont responsables n’ont pas changé de logiciel», explique un chef d’entreprise membre de la Fédération du BTP.
Sur la question des dettes qui n’ont pas baissé malgré l’injection de milliards dans l’économie, l’homme d’affaires confie que «les opérateurs s’acquittent en priorité des dettes fiscales et bancaires, avant de penser à payer les fournisseurs».
Le chef du gouvernement appelle à la patience
Dans certains cas, l’on se demande si les impayés ne relèvent pas plutôt de l’indiscipline, qui n’est pas sans rappeler le paiement des impôts toujours à la dernière minute. Mais difficile de badiner avec les créances fiscales, car les retardataires risquent gros.
«Ce sont surtout les grandes entreprises qui ont profité du remboursement de TVA, sauf qu’au lieu de régler leurs fournisseurs, elles ont préféré garder l’argent bien qu’elles n’aient pas de problème de trésorerie. Par conséquent, nous ne ressentons aucune amélioration des délais de paiement. Et les impayés se répercutent sur tout l’écosystème. D’ailleurs, les derniers indicateurs de Bank Al-Maghrib ne se sont pas améliorés», précise un dirigeant d’une entreprise de messagerie.
Pour l’opérateur, l’argent de la TVA est utilisé à d’autres fins. «Certains opérateurs gardent les fonds soit pour se constituer un stock de foncier à des fins spéculatives, soit pour financer de nouveaux projets, mais pour eux, le remboursement des dettes n’est pas une priorité».
Le paiement des dettes est fonction de la nature du produit ou du service et des rapports de forces entre les parties prenantes. Dans certains cas, les approvisionnements sont suspendus en cas de non-paiement. Dans d’autres, les opérateurs préfèrent courir le risque d’impayé plutôt que de ne pas vendre, d’autant que la demande solvable est rare.
«Pour certaines entreprises qui s’étaient endettées vis-à -vis des banques à cause de l’allongement des délais de paiement, le remboursement de la TVA a juste permis de soulager la trésorerie. Dans certains secteurs comme l’aviculture, c’est la demande qui conditionne la relance, et l’état général de l’économie globale», précise Karim Noureddine, consultant en nutrition animale et ex-président de l’Association des fabricants d’aliments composés (AFAC).
Lors de la dernière séance à la Chambre des conseillers, le chef du gouvernement a affirmé qu’il faut attendre quelque temps encore avant de ressentir l’impact du remboursement de TVA.
Les agents économiques restent globalement sceptiques. «La majorité des PME ont un sérieux problème de fonds de roulement. Par conséquent, toute entreprise qui bénéficie d’un remboursement du crédit de TVA l’utilise d’abord pour améliorer son fonds de roulement, payer les salaires en retard, les arriérés de cotisations sociales, d’impôts… Elle va commencer par ces dettes qui lui génèrent des majorations», signale Yassine Rhanmouni, président d’Entourage, filiale du groupe Menara.
L’allongement des délais de paiement est une maladie insidieuse qui attaque tout le système nerveux des entreprises. Pour faire face à leurs dépenses régulières, elles sont obligées d’en appeler aux banques. Celles qui ont déjà des crédits demandent des rallonges. La facture est souvent lourde. Et les établissements de crédit sont intraitables en matière de garanties via des titres fonciers.
«Quand une entreprise dépasse sa facilité de caisse, elle a droit à un taux bonifié. Il correspond au taux négocié majoré de 2%. Aujourd’hui, je paie 9% d’intérêt sur la facilité de caisse. Soit 330 DH par jour parce que nous avons dépassé notre facilité de caisse», déclare Rhanmouni. Pour lui, «cette situation est attribuée à la mauvaise foi des donneurs d’ordre et aux banques qui en ont profité».
Des pénalités de retard au forceps
«Le gouvernement aurait dû intégrer dans la loi de finances 2019 une disposition pour obliger les entreprises à payer leurs fournisseurs via une pénalité de 15% du montant de la facture au-delà d’un délai de 90 jours. Et en parallèle, un abattement fiscal en faveur des créanciers ayant un compte client dépassant 90 jours pour leur permettre de récupérer une partie de leurs frais financiers», signale un chef d’entreprise. Un dispositif censé pallier les failles de la loi sur les délais de paiement puisque les PME n’appliquent pas les pénalités de retard de peur de perdre leurs clients. La particularité de cette mesure, c’est qu’elle sera appliquée par l’administration fiscale et non pas l’entreprise.
Le 07/03/2019
Source web : l’Economiste
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