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Gouverner, c’est prévoir : Les effets annoncés du changement climatique interpellent les pouvoirs publics

Gouverner, c’est prévoir : Les effets annoncés du changement climatique interpellent les pouvoirs publics

Augmentation des températures, précipitations en baisse, élévation du niveau des mers, accentuation du stress hydrique, dégradation des sols, recul de la biodiversité… C’est le scénario catastrophe que le Maroc pourrait voir se réaliser d’ici 2050 si  rien n’est fait pour s’adapter aux changements climatiques. C’est du moins ce qui ressort d’un récent rapport de l’Institut Royal des études stratégiques (IRES) intitulé «Les enjeux planétaires de la biosphère».

D’après ce document, le Royaume est appelé à connaître une élévation des températures, à l’horizon 2100, de +1°C à +6°C par rapport à la période de référence 1960-1990 et une baisse des précipitations d’environ 20% à 50%, en moyenne, d’ici la fin du siècle, par rapport à la même période. Il y aura également une élévation du niveau des mers pouvant entraîner, d’ici 2050, la submersion des côtes basses, une érosion côtière qui pourrait (d’ici 2050), emporter près de la moitié de la superficie des plages (72% à l’horizon 2100), la salinisation des estuaires ainsi que des transformations biogéochimiques. A ceci s’ajoute une hausse des températures dans les zones oasiennes de l’ordre de 1 à 2,2°C, avec une augmentation du nombre de vagues de chaleurs estivales (de 15 à 25 jours par an).

Et la situation risque d’empirer, selon l’IRES, si rien n’est fait. Les projections de cet Institut prévoient  une accentuation du stress hydrique entraînant des coûts de production et d’exploitation des ressources en eau qui seraient de plus en plus élevés et une baisse de la productivité agricole. Le rapport prévoit aussi une chute du capital en eau par habitant à moins de 500 m3/habitant/an en 2050, selon le scénario moyen.

« Cette baisse serait plus prononcée pour les cultures pluviales et celles pour lesquelles les progrès technologiques ne seraient pas à même de permettre de renverser la tendance. Un accroissement des besoins en eau des cultures irriguées est aussi prévu. En conséquence, la sécurité alimentaire du pays serait affectée et sa dépendance aux aliments importés serait amplifiée », précise le rapport. Une situation des plus compliquées puisque la dégradation des sols pourrait réduire la surface agricole utile à 0,22 et à 0,15 hectare par personne en 2025 et à l’horizon 2050 contre 0,24 actuellement.

Des atteintes à la biodiversité sont également attendues avec un recul des espaces forestiers.  Le rapport anticipe une augmentation des températures dans les différentes régions du pays provoquant un déplacement des étapes bioclimatiques vers le Nord. Par conséquent, à l’horizon 2050, 22% de la flore et plusieurs espèces d’oiseaux et de mammifères pourraient disparaître.

A noter qu’à fin décembre 2012, près de 1.200 espèces vivant au Maroc se trouvent sur la liste rouge de l’Union internationale pour la conservation de la nature dont 9% sont quasi-menacées d’extinction, 7% vulnérables et 7% en danger ou en danger critique d’extinction contre 70% qui constituent une préoccupation mineure.

Quant à la fragilité excessive du littoral, elle aura comme conséquence une élévation du niveau des mers et l’accroissement de la salinité modifiant la faune et la flore ainsi que l’accentuation de l’érosion des plages marocaines et la menace des habitats et des infrastructures longeant la côte.  Même constat pour les espaces oasiens qui seraient confrontés aux risques de sécheresse, d’invasion acridienne et d’incendie. Les activités touristiques seraient ainsi impactées par les extrêmes climatiques.

Il faut s’attendre également à des impacts notables au niveau de la sécurité sanitaire et alimentaire et de la migration. Ainsi, le rapport prévoit-il des risques importants sur la sécurité sanitaire, avec la résurgence de maladies d’origine hydrique et le développement de maladies émergentes ainsi qu’une menace sur la sécurité alimentaire sous l’effet, notamment, du rétrécissement de la base productive de l’agriculture et du renchérissement de la facture alimentaire. L’exposition aux impacts de la migration climatique induira également une accentuation de l’exode rural et une intensification de l’immigration subsaharienne.

Faut-il s’alarmer ? « Il s’agit bien d’un scénario et celui-ci n’est pas forcément la réalité. Il est dressé selon l’état actuel de nos connaissances et élaboré selon des modèles globaux qui, tout en étant  d’accord sur l’évolution de la température, divergent au sujet de l’interaction entre l’augmentation de la température et l’évaporation de l’eau. C’est pourquoi les projections de la biodiversité imposent de savoir si ces dernières ont été faites selon le modèle qui prédit qu’il n’y aura pas d’eau ou celui qui augure du contraire », nous a précisé Mohammed-Saïd Karrouk, professeur de climatologie et membre du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC). Et de poursuivre : « La réalité ne répond pas au choix des modèles puisqu’elle pourra évoluer dans un sens comme dans l’autre et, du coup,  il faut prendre ces scénarios en tant que tels, c'est-à-dire comme de simples estimations et prévisions ». 

Et qu’en est-il de la réaction des pouvoirs publics face à cette situation ?  « Tout le monde est convaincu que les changements climatiques sont en cours et que leurs effets sont palpables mais dans la réalité, les choses sont plus complexes vu les enjeux. En effet, les politiques ne suivent pas immédiatement les scientifiques et ces derniers sont contraints de développer leurs propres moyens de communication avec  les politiques. Il y a vraiment un décalage de temps entre les deux », nous a répondu notre source. Et d’ajouter : « A cela, il faut préciser que la nature agit selon ses propres lois et ne prend compte ni des politiques, ni des scientifiques,  ni des économistes. C’est elle qui orchestre tout et les scientifiques ne sont là que pour en comprendre les phénomènes ».

Mohammed-Saïd Karrouk estime également qu’il n’y aura pas de résultats immédiats puisque la science a besoin de temps et que le décalage entre l’événement et sa compréhension est considérable. D’après lui, la réponse aux effets climatiques doit passer par l’élaboration de plans stratégiques par les pouvoirs publics. Mais avant d’en arriver là, il estime qu’il faut commencer par la sauvegarde  de l’existant en impliquant l’ensemble des parties puisque ce sujet concerne tout le monde. « Il n’est pas acceptable que les scientifiques travaillent seuls loin du monde de l’économie et des politiques. La nature évolue plus rapidement et tout le monde doit être impliqué », a-t-il conclu. 

Le 17 Décembre 2016
SOURCE WEB Par Libération

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