En détresse, les petits agriculteurs se débarrassent de leur bétail

Sécheresse, flambée des prix des aliments et effondrement des prix du bétail. C’est la dure réalité que vivent les petits agriculteurs, contraints de se débarrasser de leurs bêtes à prix bradés pour réduire leurs charges.
Le bétail, c’est la banque, l’épargne du petit agriculteur. C’est aussi un outil de production. Mais ce sont également des bouches à nourrir. Quand il y a sécheresse, il devient plus un boulet qu’une source de revenus.
C’est le cas actuellement. La campagne agricole 2019-2020 connait un déficit pluviométrique important sur la majorité des régions agricoles, et vient après une campagne 2018-2019 également difficile.
Le bilan fourrager est déficitaire, d’où une flambée des prix des aliments, surtout dans les régions éloignées des zones de production de paille. Au Souss-Massa, la botte de paille se vent au moins à 25 DH contre un prix normal de 7 à 12 DH, rapporte Dr. Yassine Jamali, vétérinaire et agriculteur-éleveur. Idem pour l’orge, le son de blé et le pain sec dont les prix ont flambé.
« Ce n’est plus rentable pour les petits agriculteurs d’acheter les aliments de bétail à ce niveau de prix », affirme Abdelmoumen Guennouni, ingénieur agronome.
Face à cette envolée des prix et à la situation défavorable des cultures, nombre d’agriculteurs sont contraints de vendre une partie de leurs chèvres, moutons ou encore leurs vaches ou veaux pour ceux qui en ont.
D’où un effondrement des prix, l’offre ayant sensiblement augmenté face à des acheteurs très peu nombreux. Exemple : une chèvre « beldi » qui se vend normalement à 600 DH ne trouve pas preneur aujourd’hui à plus de 250 DH, ajoute Dr. Jamali.
Précisons que malgré cette situation, le prix de la viande rouge chez le boucher n’a pas baissé. « Il faut distinguer deux marchés, celui de l’élevage d’engraissement qui approvisionne les abattoirs et celui de l’élevage de pâturage qui fait vivre les petits agriculteurs. C’est ce dernier marché qui est lourdement sinistré », explique M. Guennouni.
Un problème structurel
Le petit agriculteur accepte donc des prix qui ne lui permettent pas de faire vivre le reste de son bétail très longtemps. « Alors que vendre une chèvre permet normalement d’acheter jusqu’à 60 bottes de paille, cela ne rapporte aujourd’hui que 10 bottes, sachant qu’une botte permet de faire vivre une chèvre pendant 10 jours », se désole le vétérinaire qui précise que la paille, avec un apport nutritionnel faible, sert plus à remplir l’estomac qu’à assurer la croissance des bêtes ou une production laitière.
Que faire face à cette situation ? Le gouvernement doit-il lancer un programme d’appui à l’alimentation de bétail comme en 2018 à cause de la vague de froid ?
Pour Abdelmoumen Guennouni, ce genre de programmes n’a aucun impact sur le petit agriculteur. « De faibles quantités d’orge subventionnée sont distribuées par les autorités locales aux agriculteurs sans tenir compte de la taille du cheptel. De plus, le bétail a besoin d’une alimentation diversifiée », affirme-t-il.
Dr. Jamali est moins catégorique : « Cela réduit un peu l’angoisse des agriculteurs, renforce l’offre et atténue la hausse des prix de l’orge ».
Mais pour les deux spécialistes, l’année est compromise malgré toutes les mesures qui peuvent être prises. Et la corrélation entre situation des petits agriculteurs et croissance économique est forte. On risque donc d’enregistrer un taux de croissance bien inférieur aux différentes prévisions, d'autant plus que les effets du Coronavirus sur l'économie devraient être importants.
Dr. Jamali estime qu’il faut trouver des solutions à un problème structurel, celui du stress hydrique : « l’eau disponible par habitant a chuté à 600 m3 par an. Il faut réfléchir à des solutions réalistes, qui tiennent compte de ce que la nature peut offrir. Dessaler l’eau de mer à un coût convenable peut constituer une solution mais seulement pour les zones situées sur la façade maritime. Il faudra penser aux zones reculées ».
Le 03 Mas 2020
Source web Par Médias 24
Les tags en relation
Les articles en relation

Lorsque l'approvisionnement en eau devient limité : le niveau du barrage Bin El Ouidane atteint seu
Confronté à une sécheresse persistante, le barrage Bin El Ouidane voit ses réserves diminuer de manière alarmante, atteignant désormais seulement 7,7% de ...

Le Maroc face à la pire sécheresse de son histoire
Le Maroc est en train de succomber à une sécheresse longue de plusieurs années. Après avoir asséché les puits dans les campagnes, elle menace les villes. ...

Maroc : des semences résilientes face au climat avec ICARDA et INRA
Bien que toutes les variétés enregistrées au catalogue n’aient pas trouvé d’utilisation directe, il est estimé qu’au cours de 40 ans d’enregistreme...

Le Maroc envisage des coupures d’eau
Face au grave déficit hydrique provoqué par six années de sécheresse, le Maroc met en œuvre des mesures strictes, dont une rationalisation draconienne de l...
.webp)
Le soulèvement de Meknès en 1937 : entre révolte populaire et spoliation des ressources hydrauliq
Le soulèvement du 2 septembre 1937 à Meknès dépasse rapidement le cadre local pour s'étendre à travers le Royaume. Ce mouvement est enraciné dans une...

Aïd al-Adha au Maroc : Impact de l’éventuelle annulation sur les éleveurs et l’économie
Alors que l’Aïd al-Adha approche, des rumeurs circulant au Maroc évoquent une possible annulation du sacrifice, provoquant une vive réaction dans tout le p...

Opération Aïd Al Adha : 8,6 millions de têtes disponibles
Le prix moyen oscillera entre 2.200 et 2.300 dirhams L’évaluation prévisionnelle de l’offre et de la demande à l’occasion de l’Aïd Al Adha fait r...

Le Maroc veut irriguer 71?000 hectares de terres agricoles avec de l’eau de mer dessalée
(Agence Ecofin) - Le Maroc est confronté à une 5ème année de sécheresse consécutive. Le déficit hydrique qui en résulte constitue un casse-tête dans le...

Les Prévisions de Croissance du Gouvernement pour 2025 : Une Optimisme Sous Contrôle ?
Dans le cadre du projet de loi de finances 2025, le gouvernement marocain prévoit un taux de croissance de 4,6%. Ce chiffre dépasse largement les estimations ...

Pluies bienvenues au Maroc : Une opportunité pour une gestion durable de l’eau face aux défis cl
Les pluies tant attendues ont enfin fait leur retour au Maroc, apportant avec elles un soulagement bienvenu après plusieurs années de sécheresse persistante....

Sécheresse historique : le barrage Al Massira à seulement 0,4% de sa capacité
La grave sécheresse et la demande croissante en eau ont provoqué une chute drastique du taux de remplissage du barrage Al Massira, le deuxième plus grand du ...

Sécheresse: Le Maroc va utiliser les eaux non conventionnelles pour sortir de la zone de risque
Au moment où les ressources en eau potable de rarifient, l’utilisation des eaux non conventionnelles devient un enjeu capital pour assurer la sécurité des ...