Changement climatique Enjeux géopolitiques et Cop 22
Dans les années 70-80, le monde assiste impuissant à une progression nette des déforestations, des désertifications et des fontes des glaces sous l’effet de la pollution (pluies acides, émission de gaz toxiques), de l’agriculture intensive et de la production industrielle. À cela s’ajoutent les catastrophes écologiques, comme en témoignent l’explosion de la centrale nucléaire de Tchernobyl en 1986, le nuage toxique de Bhopal en Inde en 1984, les marées noires de l’Amoco Cadiz en 1978, de l’Exon Valdez sur les côtes de l’Alaska en 1987, etc., ainsi que la destruction de la couche d’ozone. Parallèlement, la température moyenne de la terre a augmenté à hauteur de 0,6% sur la même période. Dès la fin des années 1980, le changement climatique est apparu dans l’agenda des négociations internationales et devient dès lors un problème politique.
Des études réalisées par différents instituts scientifiques sur le phénomène révèlent une montée significative de température depuis près de dix ans, en précisant que ces dernières années ont été les plus chaudes depuis près de 1400 ans. Ceci étant principalement dû à des émissions massives de dioxyde de carbone fossile estimées à peu près à 7,2 gigatonnes carbone par an depuis 2000. Un rapport de la NCDC (Global Surface Temperature Anomalies) enregistre de fortes hausses de température entre 2006 (+0,61) et 2015 (+0,89) et un réchauffement assez conséquent des eaux tropicales de +1,2 °C et +0,5 °C en moyenne pour les océans. À cela s'ajoute qu'on fait état de la montée rapide du niveau des eaux depuis 2003, avec +3,2 mm/an enregistrés, contre 2 mm/an durant le siècle dernier. Le pire reste à venir, parce que si la pollution atmosphérique ne cesse pas et si de nouvelles mesures de réduction de température ne sont pas prises, la hausse attendue à la fin du siècle serait probablement entre +3,7° et +4,5 °C. Le changement climatique est susceptible de bouleverser nos modes de vie, même s’il est difficile de prédire dans quelle mesure, tellement ses conséquences (géographiques, démographiques, sociales, économiques, géopolitiques…) sont nombreuses et intimement liées les unes aux autres.
L’impact géopolitique peut paraître surprenant. Potentiellement, des conflits régionaux pourraient naître à partir de disputes sur l’utilisation de ressources naturelles, raréfiées sous l’effet du réchauffement planétaire. La mise à l’ordre du jour du changement climatique au Conseil de sécurité des Nations unies, en avril 2007, tient de la nature de cette idée. Ces dernières décennies, de nombreux travaux et réunions internationales au plus haut niveau ont fait progresser, dans l’opinion publique, la prise de conscience des risques lourds que porte en germe le réchauffement climatique. Les changements climatiques, au-delà d’aggraver les effets néfastes de la dégradation environnementale, contribuent à l’augmentation de la pauvreté et à la marginalisation et engendrent des conflits violents. Instabilité politique, situation économique difficile, insécurité alimentaire et migrations massives sont citées par l’organisation internationale comme étant des facteurs de risque susceptibles d’engendrer la violence dans les pays en voie de développement.
Les différents pays sont, aujourd’hui, inégaux face au changement climatique : inégaux dans les émissions, dans les impacts et dans la négociation même. Car il y a une réalité à ne pas oublier, c’est que la pollution et donc le réchauffement climatique actuel est exclusivement le fait des pays, actuellement, développés et non celui des pays en développement. Ces derniers, et en particulier les pays émergents, estiment avoir le droit de continuer leur développement et donc de polluer encore un peu. Pour les pays les plus pauvres, la problématique se pose différemment puisqu’il s’agit de financer leur mise à niveau en termes de lutte contre le changement climatique. Le climat est devenu un terrain d’interactions complexes avec les relations internationales : le réchauffement global influe sur les relations entre les États et celles-ci à leur tour déterminent la coopération internationale sur le sujet.
Sur le plan régional, l’Afrique, qui jusqu’ici était marginalisée par la communauté internationale, est aujourd’hui l’objet de convoitises.
Ce continent se présente comme le réservoir de la neutralité carbone. L’Afrique possède un atout supplémentaire, elle peut se développer dans le respect de l’environnement en investissant dans des projets de compensation carbone permettant la réduction vérifiée d’émissions de gaz à effet de serre à travers le développement des énergies renouvelables, la restauration du couvert forestier, la distribution d’équipements d’efficacité énergétique…
En 2016, l’Afrique accueillera la COP 22. Futur organisateur de cet événement, le Maroc est un acteur engagé de la cause environnementale. Le pays a bien compris que le développement durable avait de nombreux avantages et ne cesse de multiplier les projets dans ce sens. Le plus connu est bien sûr celui du Complexe solaire d’Ouarzazate, mais il est accompagné d'autres projets structurants tels que le projet de la décharge communale de Fès dont le biogaz permettra de produire de l'énergie pour gérer l'éclairage public ou encore le projet pilote de réduction des gaz d'échappement des véhicules de la flotte nationale. Autant d'initiatives qui placent le Maroc parmi les leaders du continent en matière de développement durable et en matière de lutte contre le réchauffement climatique.
Pour marquer plus les esprits et bien ancrer l’image de leader africain et d'acteur incontournable de la croissance verte sur le continent, le Royaume ne devra ménager aucun effort pour que la COP 22 ne soit pas qu’une étape de la lutte contre le réchauffement climatique, il doit en faire un tournant décisif. La COP 22 se doit d’être la plateforme de la mise en place des mécanismes efficaces pour obliger aussi bien les États que les acteurs non gouvernementaux à respecter leurs engagements et de l’établissement d’un mode opératoire efficient pour évaluer, suivre et contrôler les actions, pour qu’au-delà des mots, on passe à du concret.
Changements climatiques, crises et conflits
Alert, dans son rapport intitulé «Climate of Conflict», mentionne que 2,7 milliards de personnes vivant dans 46 pays s’exposent à des risques élevés de violence à court terme à cause des répercussions des changements climatiques qui alimentent les tensions économiques, sociales et politiques existantes. Une équipe de chercheurs des universités de Princeton, de Berkeley et du Bureau de recherche économique de Cambridge a établi une forte corrélation entre les événements climatiques et les conflits humains. Les résultats sont saisissants, d’ici au milieu du XXIe siècle, le risque de guerre civile pourrait augmenter de plus de 50% dans beaucoup de pays. Marshall Burke, coauteur de l’étude, rajoute même qu’une hausse standard de la température entraîne la probabilité que les violences individuelles augmentent de 4% et les conflits entre populations d’un même pays de 14%. D’ici 2040, une augmentation globale de seulement 2 degrés équivaut à une hausse des conflits entre habitants d’une même nation de 50% (Hsiang, Solomon M., Marshall Burke, and Edward, Miguel, 2013, «Quantifying the Influence of Climate on HumanConflict», Science, 10.1126/science 1235367).
La Responsabilité sociale des entreprises pour la sauvegarde du climat
À côté du problème de la responsabilité et donc de la volonté des pays de suivre les accords, il y a celui de leur mise en pratique du côté des entreprises. Il est vrai que nombreuses sont celles qui, parmi ces dernières, affichent des volontés environnementales marquées : dans le domaine du textile habillement par exemple, des compagnies comme H&M ont créé la collection «Consciencious», tandis que Puma a créé la collection «Incycle», des collections basées sur le recyclage. La majorité reste cependant encore sceptique et voit ses intérêts aller à l’encontre de la bonne volonté climatique. C’est pourquoi de nombreux discours ne sont pas suivis par des actes, notamment chez les entreprises qui polluent le plus. Ainsi, dans son édition du 29 septembre 2015, «le Guardian» révélait un document interne de Shell, le géant pétrolier, qui envisage une hausse de la température terrestre de 4°C d’ici à 2100, suivie d’une hausse de 6°C dans les années après 2100.
Le géant se base sur des chiffres de l’Agence internationale de l'énergie. Et Shell n’est pas la seule entreprise à penser que les 2°C sont tout simplement inatteignables, mais comme d’habitude, personne ne le dit.
COP 21 : Agir pour la planète !
La conférence de Paris (COP 21) espère non seulement trouver un accord et renouveler le protocole de Kyoto, mais aussi et surtout limiter le réchauffement climatique à 2°C maximum d’ici à 2100. Le chiffre de 2°C maximum n’a pas été choisi au hasard. Il est le résultat des nombreuses études scientifiques qui ont démontré que ce niveau maximum de température était indispensable pour éviter la multiplication des catastrophes naturelles majeures dans les années à venir. Ces catastrophes, nous les voyons déjà se multiplier avec l’amplification d’El Nino, les dernières coulées de boue au Brésil ou encore les montées des eaux observées dans plusieurs régions. Et si les 2°C ne sont pas respectés, ces phénomènes se multiplieront et cohabiteront avec les fortes pluies, les inondations, les sècheresses ou encore les saisons extrêmes. Si, sur le papier, cette réalité est bien assimilée, son opérationnalisation pratique pose plusieurs problèmes. Et le premier d’entre eux est certainement le niveau de responsabilité que chaque État souhaite porter dans la lutte.
Réchauffement climatique : menace environnementale nuisible à la planète
Dès l’Antiquité, Platon évoquera la survenue d’un modèle économique ne présentant pas que des avantages. L’Homme commença déjà à exercer une forte pression sur les milieux naturels par le développement de nouvelles techniques agricoles, entrainant déforestations massives et assèchement de marécages. Quelque vingt-quatre siècles plus tard, les progrès technologiques sont tels que la consommation d’énergies fossiles sera multipliée par six conduisant à une recrudescence des catastrophes environnementales.
En septembre 2014, le Sommet sur le climat organisé par les Nations unies s’est ouvert dans un contexte alarmant. Cinq jours plus tôt, l’Agence américaine océanographique et atmosphérique confirmait que sur une période de 150 ans, depuis le début des relevés de températures en 1880, août 2014 a été le mois le plus chaud de la planète. Alors que la communauté internationale s’est réunie à Doha fin 2012, pour lancer la deuxième phase du protocole de Kyoto, trois publications du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD, 1. The Emission Gaz Report 2012 : A UNEP Synthesis Report, Nairobi, 2012), de la Banque mondiale (2. Turn Down the Heat : Why a 4°C Warmer World must be avoided, Washington D.C, 2012) et de l’Organisation météorologique mondale (OMM, 3. The State of Greenhouse Gases in the atmosphere based on global observations through 2011, WMO, n° 8, novembre 2012) confirment la dégradation avérée de la situation climatique mondiale.
Bouchra Rahmouni Benhida
Professeur à l’Université Hassan Ier, elle est aussi visiting professor aux USA, en France et au Liban. Ses travaux de recherche lui ont permis d’intervenir dans des forums mondiaux et des special topics dans des institutions prestigieuses à Hong Kong, en France, au Liban, aux Emirats arabes unis et en Suisse. Elle compte à son actif plusieurs ouvrages : «L’Afrique des nouvelles convoitises», Editions Ellipses, Paris, octobre 2011, « Femme et entrepreneur, c’est possible», Editions Pearson, Paris, novembre 2012, « Géopolitique de la Méditerranée », Editions PUF, avril 2013, «Le basculement du monde : poids et diversité des nouveaux émergents», éditions l’Harmattan, novembre 2013 et de « Géopolitique de la condition féminine », Editions PUF, février 2014. Elle a dirigé, l’ouvrage «Maroc stratégique : Ruptures et permanence d’un Royaume», éditions Descartes, Paris, 2013.
Le 11 Mars 2016
SOURCE WEB Par LE MATIN
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