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Tifnit : ce beau petit village de pêcheurs va disparaître !

Tifnit : ce beau petit village de pêcheurs va disparaître !

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Un beau petit village de pêcheurs !

Internet ne tarissait pas déloges pour cet endroit si pittoresque et calme :

Tifnit est un lieu extraordinaire : une plage sauvage où l’on peut se baigner, mais aussi s’y promener. (lejardinauxetoiles.net)

Tifnit est un charmant petit village de pêcheurs situé à environ 40 km au sud d’Agadir, sur la route de Tiznit. (routard.com)

A une quarantaine de kilomètres, au sud d’Agadir, le village de pêcheurs, Tifnit, offre des paysages et une histoire vieille de plusieurs siècles. (monnuage.fr)

Tifnit, petit village aux airs bohémiens…. qui a bien d’autres mérites… des habitations troglodytes, une architecture non conformiste mais sympathique, des maisonnettes cubiques construites les unes collées aux autres (maroc-tourisme-rural.com)

Tifnit est situé au coeur du Parc Naturel Souss-Massa, entre l’estuaire de l’oued Souss et l’estuaire de l’oued Massa.(www.madein.city/)

Situé dans le sud du Maroc, le spot de surf Tifnit est un beach break exposé qui offre un surf très fiable et fonctionne toute l’année. (visitagadir.com)

“Sauvez Tifnit, sauvez ce lieu paradisiaque et unique en son genre dans le monde !” de l’aventurier français André Payraud (mapexpress.ma)

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Les paisibles habitants et pêcheurs de ce petit port ont pu prendre connaissance de cet avis daté du 06/12/2023 :

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Il faut savoir que les pêcheurs occupent ces lieux depuis 2 ou 3 générations (ou plus), que certains d’entre eux y hébergent leur famille, sans aucun autre endroit où aller !

Et on leur donne 5 jours pour trouver un point de chute, déménager et démolir leur maison eux-mêmes !

C’est inhumain !

Des engins sont arrivés sur place pour procéder aux démolitions

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Et, à la place de ceci,

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on va avoir ça : (photos prises aujourd’hui sur place)

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Il faut se rendre compte que cet endroit se trouve dans le Parc Souss-Massa, une zone protégée !

On y trouve l’Ibis Chauve, une espèce d’oiseau en danger critique d’extinction, du fait de ses faibles effectifs et de son aire de répartition réduite. Aujourd’hui, la dernière population sauvage reproductrice au monde occupe la bande littorale atlantique du sud-ouest marocain, au niveau du Parc National Souss-Massa.

 

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Le parc national de Souss-Massa, un dispositif juridique de protection au cœur de stratégies de développement

TEXTE INTÉGRAL

1- Etrange animal que l’ibis chauve, tête déplumée et corps noir. Ses vols sont pourtant exceptionnels. La dernière population mondiale niche au cœur du Parc national de Souss-Massa. On peut l’observer des rives de l’oued Souss ou de celles de l’oued Massa dans des paysages sauvages rares où les dunes de sables tombent dans la mer et où les fleuves Souss et Massa rejoignent l’océan. Ces embouchures sont de véritables niches écologiques regroupant dans des vasières nombre d’espèces ornithologiques, flamants roses et oiseaux migrateurs en escale. Difficile d’imaginer qu’un plan politique puisse envisager la réalisation d’hôtels de plusieurs milliers de lits au cœur d’un tel espace. Les entretiens réalisés avec les acteurs locaux viennent pourtant confirmer que non seulement un projet touristique est envisagé, mais plusieurs. La stratégie de développement touristique nationale prévoit ainsi la réalisation de sept projets d’aménagement touristiques dans différents sites du parc dont une station touristique à Tifnit. Le Parc national de Souss-Massa est également concerné par la mise en œuvre d’autres plans de développement, comme le plan Maroc Vert ou le plan Halieutis.

Un des premiers parcs nationaux du Maroc

2- Le Parc national de Souss-Massa a été créé par le décret 2-91-518 du 8 août 1991 sur la base du dahir du 11 septembre 1934 qui prévoit la création de parcs nationaux et montre l’engagement du Maroc dans une démarche de conservation de la nature. Ce dernier a effectivement ratifié l’ensemble des conventions internationales relatives à la conservation de la diversité biologique, notamment celles portant sur la protection des oiseaux sauvages qui font la particularité du Parc national de Souss-Massa.

3- Le décret n° 2-93-277 du 28 janvier 1998 porte règlementation générale du Parc. Il met en place un zonage qui distingue des zones de protection et des zones à utilisation traditionnelle. Dans les zones de protection la réglementation est très stricte. Il est interdit de « pénétrer, de circuler, de camper ou de se livrer à des recherches scientifiques » (art. 3). D’ailleurs, ces zones sont entourées de grillages et permettent des opérations de réintroduction d’espèces animales. Il importe de souligner également que les terrains des zones de protection relèvent majoritairement du domaine forestier et sont donc gérés par l’Etat. Dans les zones à utilisation traditionnelle, les droits de propriété qui préexistaient à la date d’adoption du décret doivent être exercés selon ce texte « sans que l’état et l’aspect extérieur de ces terrains tels qu’ils existaient à la date de la création du parc puissent être modifiés » (art. 5). De même, dans la zone maritime du parc qui s’étend sur une distance de 3 miles marins (environ 5 kilomètres), l’activité de pêche industrielle est strictement interdite. Ce parc, géré par le Haut-Commissariat aux Eaux et Forêts et à la Lutte contre la Désertification (HCEFLCD), s’étend sur 33 800 hectares et concerne 3 provinces et 8 communes.

4- L’importance de ce parc est reconnue à l’échelle internationale via l’inscription d’une partie de son territoire sur la liste de sites établie par la Convention de Ramsar relative aux zones humides. Signée à Ramsar le 2 février 1971, cette convention a pour principal objectif la conservation des zones humides, qui sont particulièrement riches sur le plan biologique mais également très menacées au niveau mondial. Le réseau des sites Ramsar, créé en application de cette convention, joue un rôle fondamental dans la protection des routes migratoires des oiseaux d’eau ainsi que dans la bonne gestion des processus et des fonctions écologiques des zones humides. Le parc compte deux sites Ramsar sur sa superficie, au niveau des embouchures des oueds Souss et Massa.

5- La nouvelle loi sur les aires protégées pourrait modifier le paysage institutionnel du parc. Cette loi n° 22-07 du 16 juillet 2010 vise à mettre en place un réseau d’aires protégées couvrant l’ensemble des écosystèmes naturels à travers le Maroc. Elle refond complètement le cadre juridique existant en instituant de nouvelles catégories d’aires protégées et en mettant l’accent sur l’association au processus de création et de gestion des aires protégées de l’administration et des populations concernées, y compris les associations et entreprises privées. La nouvelle loi rappelle également dans son préambule qu’il peut être procédé à la création d’aires protégées qui ont pour vocation, en plus de la conservation du patrimoine naturel et culturel, la recherche scientifique et la contribution au développement économique et social durable. Ce faisant elle ouvre un nouveau mode de conservation de la nature qui jusqu’alors n’existait pas au Maroc.

6- La loi distingue différents types d’aire protégée plus ou moins compatibles avec le maintien d’activités anthropiques. L’article 2 distingue : le parc national, le parc naturel, la réserve biologique, la réserve naturelle et le site naturel. Le parc national correspond à une « zone naturelle, terrestre et/ou marine, ayant pour vocation de protéger la diversité biologique, les valeurs paysagères et culturelles et/ou les formations géologiques présentant un intérêt spécial et d’offrir au public des possibilités de visite, à des fins culturelles, scientifiques, éducatives, récréatives et touristiques, dans le respect du milieu naturel et des traditions des populations locales ». Le parc naturel se distingue du parc national car sa définition législative met en valeur son double objectif en tant qu’espace visant à la fois à protéger et valoriser le patrimoine naturel tout en assurant le maintien de ses fonctions écologiques et l’utilisation durable de ses ressources naturelles (art. 5). Les réserves biologiques, quant à elles, ne peuvent être situées que sur un domaine de l’Etat et ont une vocation très forte de préservation de la diversité biologique. Ainsi elles doivent avoir comme objectif le maintien d’espèces ou de groupes d’espèces naturelles, végétales ou animales, ainsi que de leur habitat, en vue de leur conservation et de leur préservation. L’article 7 les distingue des réserves naturelles qui peuvent être instituées à des fins de conservation et de maintien en bon état de la faune, de la flore, du sol, des eaux ou encore des formations géologiques et géomorphologiques. Le texte précise que les réserves naturelles peuvent être terrestres ou marines. Le site naturel est une protection qui peut s’attacher à un ou plusieurs éléments naturels qui méritent d’être protégés du fait de leur rareté, de leur représentativité, de leurs qualités esthétiques ou de leur importance paysagère, historique, scientifique, culturelle ou symbolique, et dont la conservation ou la préservation revêtent un intérêt général.

7- Concernant le Parc national de Souss-Massa, l’avènement de cette nouvelle loi pourrait avoir un certain nombre de conséquences. En effet, elle abroge le décret de réglementation générale du parc de 1998 (précité) qui précisait le zonage du parc et les règles de gestion du parc. Un nouveau texte relatif à la réglementation du parc devra être élaboré suite à l’adoption des décrets d’application de la loi de 2010. Cependant, la question se pose de savoir quelle sera la catégorie dont relèvera le Parc national (ancienne version) puisqu’il semblerait que le parc puisse soit garder le statut de parc national, soit devenir un parc naturel, ce qui pourrait modifier les mesures de gestion. D’ailleurs, actuellement, le parc ne possède pas à proprement parler de plan de gestion car, dans l’attente de l’adoption des futurs décrets de la loi de 2010, l’administration se contente d’utiliser des plans triennaux de gestion qui sont de simples documents internes.

Un parc convoité par des plans sectoriels de développement

8- Le Maroc a lancé des politiques de développement sectoriel qui se traduisent par l’adoption de plans et stratégies notamment dans les secteurs du tourisme, de l’agriculture et de la pêche en vue de relancer la croissance économique du pays. Ces plans et stratégies sont des documents politiques qui, théoriquement, doivent respecter le droit en vigueur. Cependant, l’exemple du Parc national de Souss-Massa illustre bien l’existence d’objectifs difficilement conciliables et met en valeur le caractère protecteur des dispositifs législatifs face à des textes politiques très axés sur le développement économique.

9- Le plan de développement touristique, appelé Plan Azur dans un premier temps (2000-2010) puis Vision 2020 (2011-2020), intéresse particulièrement le Parc national de Souss-Massa puisqu’il projette la création de zones touristiques en plein cœur du parc. Le Plan Vision 2020 prévoit une augmentation ambitieuse de la capacité litière. Alors qu’en 2010 la région compte 34 500 lits, il est prévu d’en rajouter 75 200 dans la seule région touristique du Souss-Sahara atlantique pour porter le nombre de lits à 109 700. Cette « région touristique » Souss-Sahara atlantique comprend tout le Sud littoral du Maroc d’Agadir à Dakhla.

10- Au sein du parc, plusieurs sites de projets touristiques ont été identifiés par le Plan Azur. Cependant, la cohérence des projets avec le statut d’aire protégée du parc national a suscité nombres de débats au sein des administrations compétentes. En 2007, pour tenter de pallier ces incohérences, le Haut-Commissariat aux Eaux et Forêts et à la Lutte Contre la Désertification (HCEFLCD) en charge des aires protégées au Maroc a signé avec la Société nationale d’aménagement de la baie d’Agadir (SONABA, désormais Société marocaine d’ingénierie touristique, SMIT) une convention-cadre de partenariat visant à limiter l’extension touristique des projets dans le parc. C’est ainsi que sept sites ont été identifiés. Les projets touristiques ne doivent pas dépasser 1 000 hectares de superficie en totalité, et chaque projet ne doit pas s’étendre au-delà de 200 hectares. Les échanges entre les deux administrations ont également permis de limiter le nombre de lits, chaque projet étant restreint à 250 lits maximum, en dehors du projet spécifique de Tifnit qui s’est vu autorisé un maximum de 1 200 lits dans un premier temps puis de 3 000 si le projet fonctionne et remplit un certain nombre de critères. La convention précise que les projets devront obéir à des cahiers des charges « Environnement » indicatifs établis par l’administration des Eaux et Forêts et qui, une fois l’étude d’impact environnemental réalisée, deviendront des cahiers de charges « Environnement » définitifs sur la base desquels l’avant-projet sera réalisé. Cependant, cet encadrement via une convention inter-administrations paraît relativement peu contraignant, d’autant que d’autres stratégies de développement ont un impact important sur le parc.

11- Le Parc national de Souss-Massa est également situé dans une région où l’agriculture intensive domine. Les cultures de la plaine irriguée du Souss constituent 69 % de la production nationale de cultures maraîchères primeurs (chiffres 2010 du ministère de l’Agriculture). Le Plan Maroc Vert adopté en 2008 ambitionne d’accroître la productivité du secteur agricole en encourageant l’initiative privée et les exportations. Son objectif est d’attirer les investissements estimés à 10 milliards de dirhams par an et, ce, en augmentant le PNB relatif à l’agriculture à 100 milliards de dirhams d’ici 2020. Or, l’intensification de la production agricole et son augmentation exacerbent le stress hydrique dans certaines régions littorales où l’activité touristique constitue pourtant un autre pilier, menacé, du développement. C’est le cas du Parc national de Souss-Massa et plus globalement de la région d’Agadir. Cette situation conduira, si rien n’est fait, à la disparition progressive de la nappe phréatique et à la perte des revenus issus de l’activité agricole intensive (Van Cauvenbergh et Idllalène, 2012). C’est ainsi que le dessalement de l’eau de mer a été proposé comme remède à la raréfaction de l’eau. Un projet dans ce sens est envisagé dans l’enceinte même du parc, ce qui pose la question de sa compatibilité avec le régime juridique de protection de cet espace naturel. Plus généralement, les textes adoptés pour traduire la vision du Plan Maroc Vert focalisent sur l’investissement et l’exploitation (loi sur l’agrégation, loi sur l’interprofession, loi sur les signes géographiques), plutôt que sur la protection de l’environnement.

12- Le Parc national se situe également à quelques kilomètres du port d’Agadir, qui est un des premiers ports du pays et donc particulièrement concerné par le Plan Halieutis. Cette stratégie de développement et de compétitivité du secteur halieutique vise d’abord à mettre en valeur un secteur vital pour l’économie du Maroc. Elle compte augmenter le nombre des emplois directs en 2020 à 115 000, contre 61 650 actuellement, et accroître la valeur des exportations des produits de la mer à plus de 3,1 milliards de dollars, contre 1,2 milliard en 2007. L’axe « développement durable » de ce plan est limité et ne prend en considération ni l’interaction des espèces avec leur milieu ni, plus globalement, l’approche écosystémique, qui figure pourtant parmi les objectifs de la convention sur la diversité biologique ratifiée par le Maroc. En ce qui concerne la pêche aux abords immédiats du Parc national de Souss-Massa, elle est limitée dans la bande des trois miles marins à la pêche artisanale. Cette disposition n’est toutefois pas spécialement protectrice puisqu’elle correspond à la réglementation des pêches sur l’ensemble du littoral marocain et n’apporte donc pas de mesures de conservation supplémentaires (article 16 du dahir portant loi n° 1-73-255 du 23 novembre 1973 formant règlement sur la pêche maritime).

13- Les effets des plans et stratégies de développement actuels pourraient donc à court terme porter atteinte de manière significative au Parc national de Souss-Massa et, plus généralement, au littoral marocain, d’autant plus que le droit de l’environnement en vigueur ne permet pas toujours de contrer l’engouement pour les gros projets de développement suscités par ces plans.

Un droit de l’environnement pour l’instant peu protecteur

14- Le droit en vigueur contient un certain nombre de dispositions protectrices qui paraissent en déphasage avec les plans et stratégies de développement et qui semblent avoir du mal à contenir les projets basés sur les différents plans de développement. Le Parc national de Souss-Massa est au cœur de cette problématique qui met face à face un droit conservateur et des politiques de développement. Le Parc est une aire littorale protégée qui, partant, est concernée par de nombreuses dispositions juridiques issues du droit de l’environnement. Les textes adoptés en la matière remontent au début du XXe siècle. Les premières lois couvraient surtout le domaine de la protection des ressources (lois relatives à la pêche de 1973 et de 1982, à la chasse et à la forêt de 1923 et de 1917). A partir des années 90, de nouveaux textes sont adoptés et disposent des règles modernes, adoptant une approche intégrée, relatives à la conservation de l’environnement (loi sur l’eau de 1995, loi de protection et mise en valeur de l’environnement de 2003, etc.). Cependant, le Parc national, à l’instar de l’ensemble des côtes marocaines, ne bénéficie pas d’un droit spécifique du littoral, puisque le projet de loi littoral n’a pas encore été adopté. En effet, le cadre juridique relatif à la protection de l’environnement marin et côtier au Maroc est un processus qui n’est pas encore achevé. Les textes qui visent directement le milieu marin manquent encore de cohérence et contrastent dans leurs dispositions avec les conventions internationales en la matière pourtant ratifiées par le pays. Dans ce sens, les principes de base du droit de l’environnement ne sont pas tous pris en compte par les textes applicables à la protection de l’environnement marin au Maroc. De même, en l’absence d’un statut juridique de l’espace littoral, il est difficile de garantir une véritable protection des écosystèmes côtiers contre les effets des plans sectoriels de développement. Le littoral bénéficie des dispositions de la loi sur l’urbanisme de 1990, des différentes lois sur la protection de la nature (loi sur les forêts de 1917, loi sur les aires protégées de 2010), des lois sur la prévention des pollutions (décret relatif à la préparation et à la lutte contre les pollutions marines accidentelles de 1994) et la gestion des ressources marines (lois sur la pêche de 1973 et de 1982). Cependant, ces textes disparates ne favorisent pas une gestion intégrée de cet espace, qu’ils ne reconnaissent pas en tant qu’entité spécifique (Mekouar, 1988, Idllalène, 2009). Par ailleurs, ils sont souvent vétustes et rencontrent de nombreuses difficultés d’application. Cette ineffectivité du droit apparaît clairement dans la faiblesse du contentieux environnemental.

15- Dépourvus de véritables garde-fous environnementaux, les plans sectoriels de développement peuvent desservir l’objectif de développement durable qu’ils déclarent pourtant poursuivre et conduire à terme à la surexploitation et à la destruction de l’environnement marin et côtier du pays. Or, s’agissant d’un territoire d’une valeur écosystémique et économique indéniable, le littoral fait classiquement l’objet, dans les droits nationaux comme en droit international, d’une gestion intégrée.

Les espoirs d’un droit du littoral en construction

16- Le Maroc a ratifié le 21 septembre 2012 le protocole sur la gestion intégrée des zones côtières établi dans le cadre de la convention pour la protection de la mer et du littoral de la Méditerranée dite « Convention de Barcelone ». Ce protocole définit la gestion intégrée des zones côtières comme un « processus dynamique de gestion et d’utilisation durables des zones côtières, prenant en compte simultanément la fragilité des écosystèmes et des paysages côtiers, la diversité des activités et des usages, leurs interactions, la vocation maritime de certains d’entre eux, ainsi que leurs impacts à la fois sur la partie marine et la partie terrestre » (article 2f du protocole pour la gestion intégrée des zones côtières de la Méditerranée adopté à Madrid le 21 janvier 2008). Cette ratification permet d’espérer qu’un « nouveau » droit marocain de l’environnement reconnaisse à court terme l’importance de la gestion intégrée du littoral, et ce, au-delà des seuls rivages de la mer Méditerranée.

17- Bien que non défini en droit, le concept de gestion intégrée des zones côtières est utilisé par la loi relative à la protection et à la mise en valeur de l’environnement de 2003. Son article 35 dispose que « pour la protection, la mise en valeur et la conservation du littoral, des dispositions législatives et réglementaires sont prises pour assurer la gestion intégrée et durable de l’écosystème du littoral et la prévention de toute dégradation de ses ressources ». Dans le même sens, le préambule de la loi sur l’eau de 1995 précise son rôle en tant que « moyen efficace de lutte contre la pollution des eaux », étant entendu que la réalisation de cet objectif nécessite, par ailleurs, un travail législatif supplémentaire en matière de gestion du littoral.

18- La gestion intégrée est également prévue dans le projet de loi sur le littoral, dont la dernière version de 2012 (projet de loi 82-12) adopte une approche intégrée en se basant sur des schémas régionaux d’aménagement, de protection et de mise en valeur du littoral. Ces schémas devraient être établis par régions littorales qui se distinguent des régions administratives, ce qui montre la préoccupation des rédacteurs du projet de loi de prendre en compte les éléments naturels et, partant, l’approche écosystémique au-delà des seules contraintes administratives. De tels schémas seraient susceptibles de réguler les usages sur l’espace littoral en arbitrant les conflits dont il peut faire l’objet. En ce sens, les dispositions de la future loi sur le littoral viendraient se superposer à celles de la loi sur les aires protégées pour consolider les mesures de protection sur le littoral et plus particulièrement sur le territoire du Parc national de Souss-Massa. Cependant, ce projet de loi existe depuis 1985 et n’a, à l’heure actuelle, pas été adopté.

19- L’absence d’une loi sur le littoral cumulée au retard d’adoption des décrets d’application de la loi sur les aires protégées pourrait favoriser la réalisation des ambitieux projets prévus par les plans de développement sectoriels sur le territoire du Parc ou à proximité immédiate. L’absence d’un zonage rigoureux, conséquence de l’attente des textes d’application de la loi sur les aires protégées, fragilise, actuellement, les mesures de conservation applicables sur le Parc. De plus, le fait que les zones prévues pour la réalisation de sites touristiques relèvent du domaine forestier pourrait, en l’absence d’un zonage, faciliter leur déclassement puisqu’elles sont gérées par l’Etat et pourraient être utilisées à d’autres fins. Même si, pour justifier le déclassement, il est nécessaire de démontrer l’utilité publique, la direction du Parc risque de ne pas avoir un poids suffisant face aux pressions de l’Etat et des collectivités locales qui font partie de la commission siégeant pour le déclassement. Une circulaire du 3 mai 2011 du HCEFLCD restreint toutefois la notion d’utilité publique pouvant justifier le déclassement du domaine forestier à un certain nombre de projets spécifiques (barrages, routes, établissement d’éducation nationale, hôpitaux et dispensaires et services administratifs publics) et conditionne le déclassement à la protection de l’environnement. En l’espèce, cela pourrait permettre de protéger les zones relevant du domaine forestier des convoitises touristiques. Néanmoins, il importe de noter que ce texte est issu d’une circulaire et pourrait donc être remis en cause par tout acte juridique pris par le gouvernement. En ce qui concerne les zones qui ne relèvent pas du domaine forestier (terres collectives, domaine privé de l’Etat, domaine public, etc.), le déclassement reste possible. La situation est encore plus critique lorsque les sites prévus dans le cadre du Plan Vision 2020 jouxtent le parc. Dans ce cas, les autorités gestionnaires n’ont pas de force de pression, même si, en principe, elles sont consultées dans le cadre de la procédure des études d’impact sur l’environnement prévue par la loi n° 12-03 promulguée par le dahir n° 1-03-60 du 12 mai 2003.

20- C’est ainsi que l’on peut craindre que le décret d’application de la loi sur les aires protégées qui préciserait le zonage du parc vienne corroborer les ambitions de la Vision 2020 en permettant l’urbanisation extensive de l’espace, ou même que le décret ne soit pas adopté avant la mise en œuvre du projet prévu par la Vision 2020 (dont les travaux commenceraient en 2015). D’autres projets ont ainsi déjà conduit à la destruction de sites écologiques précieux qui étaient classés sites Ramsar, comme le projet touristique Fadesa sur l’embouchure de l’oued Melouya.

21- L’adoption dans un avenir proche de la loi relative au littoral pourrait constituer un frein efficace aux ambitions des plans stratégiques de développement et pourrait permettre de conserver le patrimoine naturel exceptionnel du Maroc tout en autorisant un développement durable de cet espace. Comme dans de nombreux pays, l’établissement de « mille-feuilles juridiques » de conservation des espaces, en multipliant les couches de protection, peut permettre de réguler les effets des stratégies de développement peu protectrices de l’environnement et de pallier une certaine déficience de la hiérarchie des règles de droit.

Le 18/12/2023

Source web par : agadirmichelterrier

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