Barrages : 1,6 milliard de m3 des réserves d’eau inexploitables à cause de l’envasement

Face à la pénurie d’eau, il devient urgent d’atténuer l’envasement des barrages. Les récents appels d’offres sur les études relatives à l’envasement des barrages illustrent l’accentuation de ce phénomène aux multiples conséquences.
Durant ce mois de mars, les agences des bassins hydrauliques de Draa Oued Noun Guelmim, du Bouregreg et de la Chaouia, ont lancé des appels d’offres pour évaluer et contrôler l’envasement des barrages relevant de leur périmètre.
Les barrages Mansour Eddahbi, Sultan Moulay Ali Cherif, Sidi Mohamed Ben Abdellah, Tamesna, El Mellah, Hessar, El Himer, Mazer et Koudiat El Guern feront l’objet de plusieurs études au cours des prochains mois. Elles permettront de connaître précisément les quantite?s de vase de?pose?es dans les retenues d’eau, et par conséquent d’e?valuer leur capacite? utile de stockage.
Ces marchés, pourtant récurrents et routiniers, ne sont pas anodins dans un contexte de grave stress hydrique qui réduit la disponibilité de l’eau au Maroc. Car, lorsque les statistiques quotidiennes affichent un taux de remplissage des barrages de 33,4% (voir ci-dessous notre tableau de bord sur la situation des barrages), soit une réserve de 5,38 millions de mètres cubes (Mm3), celle-ci n’est finalement pas entièrement exploitable. D’où la nécessité d’e?valuer leur capacite? utile de stockage.
Les réserves d’eau réelles en deçà des statistiques officielles
Quand le barrage Mansour Eddahbi affiche un taux de remplissage de 18%, soit l’équivalent de 80 Mm3, quelle quantité de cette eau est réellement mobilisable et exploitable ?
Début mars, Nizar Baraka, ministre de l’Equipement et de l’eau, a déclaré que 30% du stock d’eau (5,3 milliards de m3) retenue dans les 148 barrages du Royaume était inexploitable à cause de la vase, soit l’équivalent de 1,6 milliards de m3 (MMm3). Par conséquent, la quantité d’eau mobilisable depuis les barrages est de 3,7 MMm3 seulement.
L’envasement des barrages est causé par le dépôt de la boue, consécutif à l’érosion des sols dans les bassins versants. Ces derniers constituent des zones géographiques de collecte des eaux par un cours d’eau et ses affluents.
Ce phénomène naturel n’est pas récent. Il accompagne chaque barrage après sa mise en service. « Mais il s’est accentué ces dernières années à cause d’une mauvaise répartition temporelle des intempéries et de leurs fortes intensités », affirme Abdelkrim El Majoudi, chef de la Division de la conservation des eaux et des sols et de la protection des forêts, à Médias24.
D’après les estimations de la Cour des comptes, jusqu’à présent sur l’année 2022, le volume envasé a atteint 14% de la capacité des barrages, estimée à 16 MMm3. En 2018, les données des agences des bassins hydrauliques avaient évalué ce volume à 12,7%.
En termes de moyenne, l’envasement des barrages est de 18 Mm3 par année. Il varie selon la nature morphologique des bassins hydrauliques et la couverture végétale.
Des ouvrages en danger
Outre la diminution de la capacité de retenue des barrages, qui est de l’ordre de 75 Mm3 annuellement selon un rapport de la Cour des comptes (2020), « l’envasement peut entraîner des forces hydrostatiques sur les barrages et avoir pour conséquence une démolition des édifices », prévient Abdelkrim El Majoudi.
Si notre interlocuteur regrette l’impossibilité de stopper l’envasement – « on ne peut que l’atténuer » -, la problématique principale réside selon lui dans l’aménagement des bassins versants.
« Nous réalisons des études pour l’aménagement de bassins versants. Elles nous permettent d’identifier les zones à traiter en priorité, c’est-à-dire celles qui produisent le plus de sédiments en direction des barrages », indique Abdelkrim El Majoudi.
Et d’ajouter : « Le problème se pose lorsque les zones prioritaires sont situées sur des terrains agricoles privés ou se réfèrent à d’autres statuts juridiques relatifs aux terres, ce qui nous empêche d’intervenir. »
Il en veut pour preuve le fait que les objectifs définis dans le Plan national d’aménagement des bassins versants n’ont pas été remplis. Selon le dernier rapport de la Cour des comptes, seulement la moitié de la surface programmée (1,9 million d’hectares) a été traitée au cours de la période prévue (1996-2016), soit 950.000 hectares.
Favoriser une approche écosystémique
« Lorsqu’une zone prioritaire n’est pas traitée en totalité », reprend Abdelkrim El Majoudi, « c’est comme si rien n’avait été fait. Il faut traiter l’ensemble de la zone avant d’évaluer l’efficacité du traitement, sinon l’évaluation n’a pas de sens », indique-t-il.
Une convention-cadre a été signée entre les principaux départements (eau, agriculture et forêt), précise notre interlocuteur. Un premier pas en faveur de l’approche écosystémique recommandée par la Cour des comptes, qui se veut un trait d’union entre l’ensemble des départements concernés par le phénomène de l’envasement des barrages.
Même si certaines méthodes sont plus efficaces que d’autres, « des études ont prouvé que le génie biologique était plus efficace que le génie civil. Celui-ci opère en aval des barrages, alors que le génie biologique traite la problématique à la source en essayant de réduire l’énergie cinétique de l’eau afin de diminuer l’impact sur le sol ».
Le 04 avril 2022
Source web par : medias24
Les tags en relation
Les articles en relation

Est ce vraiment un résultat au regard des consequences sur le stress hydrique constaté pour la plu
La pastèque marocaine cartonne à l’étranger. L’année dernière, les exportations ont connu une hausse de près de 300%, après déjà une très bonne an...

Errachidia-Tinjdad : un contrat de nappe pour protéger les eaux souterraines face à la sécheresse
Pour faire face au stress hydrique croissant dans la région aride d’Errachidia-Tinjdad, l’Agence du bassin hydraulique du Guir-Ziz-Rhéris a lancé une ét...

Chichaoua : Nizar Baraka accélère les projets d’infrastructure
Le ministre de l’Équipement et de l’Eau, Nizar Baraka, a effectué une visite de terrain dans la province de Chichaoua, lundi, afin de superviser l’état...

Le Maroc Accélère la Construction de Grands Barrages pour Renforcer sa Capacité de Stockage d'Eau
Le Maroc intensifie ses efforts pour augmenter sa capacité de stockage d’eau à travers la construction de 17 grands barrages, visant une augmentation de 5,6...

Marrakech : Coup d’envoi de la 1ère édition du Hackathon Water Show (VIDEO)
Le coup d’envoi de la première édition du Hackathon Water Show, un événement phare dédié à mettre l’innovation au service de l’eau a été donné m...

Lancement des travaux d'un nouveau barrage à Foum Zguid pour lutter contre le déficit hydrique
Le gouverneur de la province de Tata, Salah-Eddine Amal, a récemment inauguré les travaux de construction d'un nouveau barrage dans la commune de Foum Zgu...

#Maroc_Stress_Hydrique_Alerte: Aleete est donnée sur le taux de remplissage des barrages au Maroc
Le taux de remplissage actuel des barrages n’est que de 24% contre 34,5% au cours de la même période de l’année dernière. Cet article est une revue de p...

Le plus grand barrage des provinces du Sud presque achevé
Les gros œuvres sont déjà finalisés et le barrage, d’une capacité de 79 millions de mètres cubes, sera livré avant la fin de l’année. Une revue de p...

Les barrages du bassin d’Oum Er Rbia en déficit hydrique pour la quatrième année consécutive
Malgré les précipitations enregistrées ces dernières semaines dans plusieurs régions du Maroc, un certain nombre de barrages manquent cruellement de ressou...

Stress hydrique : les actions réussies de la Radeej
Depuis l’annonce de l’état d’urgence, en raison de la pénurie d’eau, la Régie autonome Intercommunale de distribution d’eau, d’électricité et d...

Climat 2024 au Maroc : année la plus chaude jamais mesurée
Le Rapport plaide également pour l’innovation technologique au service de l’adaptation, en misant sur le renforcement des réseaux de surveillance terrestr...

La sécheresse, une leçon à retenir
En ces temps de dérèglement climatique, le Maroc ne peut plus compter sur la régularité des saisons de pluies. Il doit faire preuve d’imagination et trouv...