Dessalement au Maroc : Une solution indispensable face à la sécheresse, mais à quel prix ?

Face à la sixième année consécutive de sécheresse, le Maroc redouble d'efforts pour trouver des solutions permettant de garantir l'approvisionnement en eau potable. Parmi ces solutions, le dessalement de l'eau de mer se distingue, malgré ses impacts environnementaux non négligeables. Un reportage depuis la station de dessalement d'Al Hoceima, au nord du Royaume.
Sous un paysage idyllique de plages de sable fin, montagnes et mer turquoise, se cache un réseau complexe de tubes installés à 90 mètres de profondeur. Située sur la plage de Sfiha, dans la province d'Al Hoceima, cette infrastructure pompe continuellement l'eau des nappes côtières à un débit impressionnant de 460 litres par seconde, soit l'équivalent de remplir une piscine olympique en moins de deux heures.
L'usine de dessalement, la seule sur la côte méditerranéenne du Maroc, est située à quelques kilomètres de là. Mise en service en juin 2020, elle produit jusqu'à 17 280 m³ d'eau par jour, fournissant de l'eau potable à environ 200 000 habitants de la province, soit 0,5 % de la population marocaine.
Le processus de dessalement commence par une filtration initiale au sable, suivie de la séparation du sel via l'osmose inverse, une technique qui retire également les minéraux essentiels à la santé humaine. Pour rendre l'eau potable, elle doit être reminéralisée avec du CO2 et de la chaux avant d'être distribuée dans les foyers.
Ali Haddi, le chef de l'usine, souligne l'importance de cette infrastructure dans un contexte de stress hydrique extrême : "Le dessalement n'est plus un choix, mais une nécessité." Avec un déficit pluviométrique de 70 % en janvier dernier, le Maroc se trouve en première ligne des pays touchés par les effets du changement climatique, et le dessalement apparaît comme une réponse incontournable.
Cependant, cette méthode n'est pas sans conséquences. La saumure, un sous-produit riche en sel et en produits chimiques, est rejetée dans la mer, ce qui peut affecter la concentration en sel des écosystèmes marins et réduire la quantité d'oxygène disponible, perturbant ainsi l'équilibre écologique. Bien que l'eau soit prélevée dans les nappes souterraines plutôt que directement dans la mer, ce pompage excessif fragilise également ces ressources naturelles.
Le dessalement est également une méthode énergivore. L'usine d'Al Hoceima consomme 3,1 kWh par mètre cube d'eau produite, contribuant ainsi aux émissions de gaz à effet de serre. À l'échelle mondiale, ce procédé représente une importante source d'émissions de CO2.
Pour limiter ces impacts, le Maroc explore de nouvelles technologies, comme l'usine de Casalanca en cours de construction, qui fonctionnera entièrement à partir d'énergies renouvelables. Cette station, la plus grande d'Afrique, devrait produire 300 millions de m³ d'eau potable par an à partir de 2027.
Cependant, selon certains experts, le recours au dessalement peut être perçu comme une "maladaptation" au changement climatique, aggravant les problèmes plutôt que de les résoudre. Des alternatives durables, telles que le retour à des systèmes traditionnels comme les "khettaras" ou l'adoption de nouvelles méthodes de gestion des ressources en eau, pourraient offrir des solutions plus respectueuses de l'environnement.
En dépit de ses inconvénients, le dessalement continue de s'imposer comme une solution incontournable pour répondre aux défis hydriques du Maroc. Mais pour éviter de se retrouver dans une situation encore plus critique, il est essentiel d'adopter une gestion plus durable et responsable de cette précieuse ressource.
Le 16/08/2024
Rédaction de l’AMDGJB Géoparc Jbel Bani
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