Contexte de crise et conflit géostratégique: La presse espagnole se lâche contre le Maroc
La presse espagnole a tout l’air d’être quasi-unanime : le Maroc fait du chantage à l’Espagne via le dossier de la migration irrégulière en exploitant le contexte de la guerre Russie-Ukraine. Selon les médias espagnols, en se basant sur des sources de renseignement, les deux dernières tentatives de franchissement de clôture de Mellilia et les flux enregistrés dernièrement vers les îles Canaries seraient orchestrées par les autorités marocaines pour faire plier le gouvernement de Sánchez dans le conflit au Sahara.
Pression migratoire
Selon le site du journal espagnol La Razón (journal de droite, nationaliste, royaliste et catholique), Rabat redoublerait donc la pression migratoire aux frontières espagnoles comme prétend ladite publication, en attesteraient les dernières tentatives d'entrées qualifiées de « massives» de migrants subsahariens aux Iles Canaries et dans les deux présides occupés. Le même journal pousse l’excès de zèle jusqu’à confectionner ce qu’il estime être un message constant de Rabat : « L'Espagne n'est toujours pas à la hauteur d'une prétendue alliance stratégique. Nous attendons beaucoup plus d'elle, et sans notre coopération, avec un Sahel au bord de l'explosion, la situation aux frontières espagnoles et européennes serait chaotique ».
De son côté, le journal numérique indépendant Theobjectif a indiqué que «l'arrivée massive» des migrants irréguliers subsahariens, à la clôture de Mellilia, n'est pas « une coïncidence » et que la guerre en cours dans la Mer noire est le facteur déclencheur de cette nouvelle crise entre le Maroc et l’Espagne en relatant différentes sources de sécurité et de renseignement, affirme Theobjectif.
Óscar Jaime-Jiménez, spécialiste des questions de sécurité intérieure et de lutte contre le terrorisme et professeur de sociologie à l'UNED, interrogé par Theobjectif, a souligné que « l'entrée incontrôlée d'immigrants a un effet très précis et ciblé, c'est-à-dire axé sur la production de dommages très localisés là où le Maroc est intéressé». Mieux, soutient Jaime-Jiménez, le Maroc espère par telle action «générer une tension supplémentaire face à la négligence internationale du problème migratoire» et «rendre la tension autour de cette question profitable à ses intérêts». Pour cet expert, il ne fait aucun doute que l'arrivée de milliers d'immigrés à Mellilia, la semaine dernière, était en réalité un «missile» marocain «d'une grande précision», focalisé sur le conflit qu'il entretient avec l'Espagne à propos de Sebta et Mellilia et ses propres querelles internes. "Plus ces problèmes seront importants, plus grande sera la pression que Rabat exercera sur nous", prévient-il.
Rabat assimilé à Moscou !
Óscar Jaime-Jiménez va plus loin. Il soutient que le Maroc a un profil «effroyablement similaire» à la Russie et Madrid observe une position d’inertie, à l'instar de ce qui s'est passé en Europe. Il «considère que les liens sont suffisamment importants et la dépendance économique trop intense pour que l’Espagne soit tentée de rompre unilatéralement». Pour lui, «l’attitude de l'Espagne envers le Maroc rappelle en partie celle de l'Union européenne envers la Russie». «Nous devons être capables de visualiser le pire scénario et refuser d'y penser. Le contraire peut nous coûter cher car toute imprévoyance en la matière a un coût très élevé. Il est important que l'Espagne fasse preuve de clarté d'idées et de force sur la question ukrainienne car le Maroc nous regarde et connaît bien mieux nos faiblesses que nous ne connaissons les siens », a-t-il alerté.
Un climat de tension
« L’ensemble de ces propos ne reflètent pas la position officielle de l’Espagne. Il s’agit plutôt d’une campagne qui traduit certaines craintes et obsessions chez certaines catégories de la société espagnole», nous a indiqué Abdellah Rami, chercheur au Centre marocain des sciences sociales. Et de préciser : « Cela signifie que la crise entre les deux pays persiste encore et ladite campagne médiatique contre le Maroc n’est qu’une manifestation de cette crise ». A ce propos, notre interlocuteur nous a rappelé que certaines composantes de la société espagnole n’arrivent toujours pas à digérer pourquoi le Maroc refuse jusqu’à présent de rétablir ses relations avec Madrid comme ce fut le cas dernièrement avec Berlin et cela malgré les signes positifs envoyés par l’Espagne. « Il est sûr que les relations entre les deux Royaumes ne correspondent pas à celles entre le Maroc et l’Allemagne. L’Espagne est un voisin proche qui a son poids et avec qui nous avons des relations profondes. Aujourd’hui, le Maroc exige des conditions pour rétablir ses relations puisque sa confiance a été ébranlée, notamment après la crise diplomatique en relation avec Ibrahim Ghali », nous a-t-il expliqué.
Tous les coups sont permis
Pour ce dernier, il est logique dans ce contexte de crise qu’il y a de la pression de part et d’autre. « Nous sommes face à un conflit géostratégique qui se joue également en catimini et où toutes les cartes sont utilisées. Aujourd’hui, le Maroc redoute un rapprochement Algérie/Espagne-UE puisque ces derniers cherchent de nouvelles ressources pour s’approvisionner en gaz et Alger se positionne idéalement dans ce conflit avec la carte des énergies. Rabat ne peut pas rester dans l’expectative et doit réagir », a-t-il souligné. Et de poursuivre : « Le Maroc a aussi ses cartes à jouer pour les négociations, notamment dans une région où les rapports de force sont en déséquilibre entre Rabat, Alger et Madrid. A noter que chaque chose qui se passe dans cette région a des répercussions sur la carte géostratégique desdits pays. Bref, la région est en gestation et chacun fait valoir ses cartes de jeu ». En outre, Abdellah Rami nous a rappelé que le Maroc a toujours déclaré qu’il ne joue pas le rôle de gendarme d’Europe. « Rabat ne reconnaît pas les frontières à Sebta et Mellilia et soutient que ce qui se passe dans ces zones ne relève pas des accords entre Etats mais des consensus non contraignants. Du coup, la question de la migration est une carte utilisée, de temps à autre, par le Maroc afin de modifier les rapports de force », a-t-il précisé. Et de conclure : « La situation est actuellement confuse. Nous vivons dans une période trouble et chaque Etat cherche à assurer ses intérêts. Notamment dans un contexte de guerre dans la Mer noire dont l’impact est senti même dans notre région. Aujourd’hui, la question de la sécurité énergétique et alimentaire se positionne comme priorités sur l’agenda des décideurs qu’il faut assurer à n’importe quel prix».
Le 09 mars 2022
Source web par : libération
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jeudi 10 mars 2022
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