Syrie: après la défaite annoncée de Daech, le retour d'Al-Qaïda?
L'Etat islamique (EI) bientôt défait? Cette victoire déjà claironnée par certains optimistes pourrait surtout signifier, en Syrie, le retour sur le devant de la scène d'Al-Qaïda, via sa branche locale du Front al-Nosra.
"Il faut relativiser avec beaucoup de prudence les succès par ailleurs partiels remportés ces dernières semaines contre Daech" (acronyme arabe du groupe Etat islamique) en Irak et en Syrie, met en garde Jean-Pierre Filiu, professeur à l'Institut d'études politiques à Paris.
"Tant qu'une alternative arabe et sunnite crédible ne sera pas soutenue sur le terrain en Syrie comme en Irak, Daech maintiendra l'essentiel de ses positions et pourra même regagner une partie du terrain perdu, comme on l'a vu à l'ouest de Palmyre", estime ce spécialiste du Moyen-Orient.
Si l'hypothèse d'un reflux militaire majeur de Daech reste encore bien lointaine, c'est en Syrie où elle est peut-être la plus envisageable, car "l'emprise populaire de l'EI y est moindre qu'en Irak, véritable coeur du califat d'al-Baghdadi", observe sous couvert d'anonymat un expert syrien du conflit.
Une défaite d'envergure, voire la perte de Raqqa - capitale de l'EI dans le nord de la Syrie - n'entrainerait pas pour autant la fin des jihadistes dans le pays.
Car en quatre ans d'un conflit sanglant qui a fait près de 280.000 morts, le Front al-Nosra s'y est imposé comme un fer de lance de la rébellion face au régime, et un rival dangereux de l'EI, tout en ménageant les autres groupes rebelles islamistes, notamment les salafo-nationalistes d'Arhar al-Sham.
"Dans un premier temps, beaucoup de combattants défaits de l'EI - Syriens et étrangers - viendront tout simplement gonfler les rangs d'al-Nosra", estime l'analyste syrien.
"Al-Nosra va ensuite capitaliser encore un peu plus sur le sentiment d'abandon des sunnites dans les régions sous son contrôle dans le nord-ouest de la Syrie", poursuit cette source.
Faute de négociations de paix crédibles, les populations de ces zones (Idlib, ouest d'Alep et une partie de la province de Lattaquié) n'ont toujours aucune perspective de solution politique dans ce conflit sans fin.
Au quotidien, elles continuent de subir les ravages des bombardements aériens russes et du régime, avec des massacres réguliers d'enfants et de civils, dans la plus parfaite indifférence internationale.
"Tout concourt aujourd'hui à radicaliser encore un peu plus ces populations des zones rebelles, qui se sentent totalement abandonnées", déplore la source syrienne.
Les rebelles islamo-nationalistes d'Arhar al-Sham, puissamment implantés localement, y restent pour l'instant la première force militaire. Mais al-Nosra n'a eu de cesse ces quatre dernières années de s'y enraciner et d'accroitre ses capacités militaires, note Charles Lister, chercheur au Middle East institute, dans un récent article pour la revue Foreign Policy.
Surtout, "Al-Qaïda a de grandes ambitions en Syrie" et travaillerait à faire de ce pays son nouveau fief, dans une stratégie au long terme, avec "l'avènement d'un émirat, premier Etat souverain d'Al-Qaïda", selon M. Lister.
Anticipant la défaite de l'EI dans la terre mythique du Sham, l'organisation d'Ayman al-Zawahiri, réfugiée dans les confins de l'AF-Pak (Afghanistan-Pakistan), aurait envoyé depuis trois ans plusieurs dizaines de ses cadres dirigeants en Syrie.
Figurerait parmi eux, toujours selon M. Lister, l'Egyptien Saif al-Adel, insaisissable vétéran du jihad mondial et l'un des premiers compagnons de route d'Oussama ben Laden. Sa tête est mise à prix 5 millions de dollars par Washington. Sa présence en Syrie n'a néanmoins jamais été confirmée.
Leur mission? Renforcer le leadership local d'al-Nosra, dissiper les inquiétudes des groupes rebelles islamistes -pour l'instant très majoritairement opposés à la création d'un émirat -, et préparer le déménagement durable d'Al-Qaïda centrale de l'Af-Pak vers la Syrie, énumère le chercheur.
Al-Qaïda pourrait alors se présenter "comme le mouvement jihadiste le plus intelligent, le mieux structuré, le plus crédible", par contraste avec l'extrémisme de l'EI, ajoute M. Lister, pour qui cette "stratégie est susceptible de s'attirer une bien plus large sympathie dans le monde sunnite".
Dans ce contexte, une décision de classer Arhar al-Sham ou d'autres groupes armés islamistes comme organisations "terroristes", apparemment à l'étude dans plusieurs chancelleries occidentales, "serait une catastrophe", souligne l'analyste syrien. "Car elle précipiterait leur alliance avec al-Nosra, et finirait de jeter les populations de ces zones rebelles dans les bras d'Al-Qaïda".
Le 23 Juin 2016
SOURCE WEB Par Atlas Info
Les tags en relation
Les articles en relation
A Marrakech, l’arrestation d’un jeune pour des messages à connotation terroriste rassure le sec
A Marrakech, la nouvelle a franchi les remparts de la médina pour se répandre dans toute la ville. Jeudi 5 avril, les services de police relevant la préfectu...
Déclenchement d’un conflit entre sunnites et chiites à Larache
Le Maroc a été jusqu’ici épargné par les conflits fratricides entre sunnites et chiites que connaissent bon nombre de pays du Moyen-orient. Mais, il sembl...
Espagne : Nouvelles règles pour les touristes dès le 2 décembre 2024, avec un enregistrement obli
À partir du 2 décembre 2024, les touristes se rendant en Espagne sont soumis à de nouvelles règles mises en place par les autorités espagnoles. Ces mesures...
Le PLF muscle la lutte contre le blanchiment d’argent
Les sommes de plus de 100.000 DH feront l’objet d’une déclaration obligatoire à l’arrivée ou au départ du territoire national Cette disposition cou...
Crise du Golfe : le Qatar a-t-il été piégé par les Emirats arabes unis ?
L'émir du Qatar, cheikh Tamim ben Hamad Al-Thani, lors d'un réunion du Conseil de coopération du Golfe à Bahreïn en décembre 2016. (Crédits : Reu...
Lutte contre le terrorisme : Trois nouvelles arrestations
Le Maroc et l’Espagne ont interpellé trois personnes accusées d’avoir des liens avec le groupe terroriste Daech. Deux des mis en cause, âgés de 21 et 23...
Est-ce que le Maroc est un pays sûr pour un expatrié en 2019 – Partie 1 –
Est-ce que le Maroc est un pays sûr pour un expatrié en 2019 – Partie 1 – Le Maroc compte des centaines de milliers d’expatriés sur son territoire, ...
Terrorisme : Démantèlement d'une nouvelle cellule active à Essaouira
Le Bureau central d’investigations judiciaires (BCIJ) a procédé, jeudi, au démantèlement d’une cellule terroriste affiliée à Daech, composée de quatr...
Sale temps pour le secteur touristique à Marrakech: Nette baisse du trafic aérien et un taux de re
On a beau intensifier les opérations de promotion partout en Europe, voire en Amérique et dans les pays du Golf que les résultats restent faibles lorsqu’il...
Allemagne : Un homme attaque les passagers d’un train à la hache, une dizaine de blessés
Dix à quinze passagers d’un train ont été blessés lundi 18 juillet 2016 à coups de hache par un réfugié afghan de 17 ans, près de Würtzbourg, en Bavi...
#MAROC_USA: l'investiture de Joe Biden expliquée par un politologue marocain
L'investiture du président Joe Biden, mercredi à Washington, constitue une continuité de l'Etat, y compris s’agissant des relations entre les Etats...
UE-Afrique-Maroc: un forum contre le terrorisme en gestation
La tenue d’un forum consacré à la lutte contre le terrorisme dans sa dimension UE-Afrique-Maroc a été envisagée par le binôme en charge des questions de...


vendredi 24 juin 2016
0 
















Découvrir notre région