Tunisie : « Il n’y aura pas de touristes cet été »

Sur l’un des murs d’un cimetière de Kairouan, quelqu’un a écrit « hôpital ». Comme si la différence était mince. La mort d’un policier, devant l’établissement régional Ibn El Jazzar, s’asphyxiant à terre, a choqué une partie de l’opinion. Prouvant par l’image la véracité des chiffres alarmants communiqués par le ministère de la Santé : le taux d’occupation en réanimation a dépassé les capacités dans certaines régions du pays. La seconde ville du pays, Sousse, vit « une situation catastrophique », selon le directeur régional de la santé avec un taux d’occupation des lits de 96,9 %. En mars 2020, celui qui était alors ministre de la Santé, Abdellatif Mekki, avait alerté l’opinion sur le risque « de morts aux portes des hôpitaux, le recours à une médecine de guerre si une partie de la population persistait à ne pas respecter confinement et couvre-feu ». Lorsque cette mise en garde fut prononcée, le pays ne comptait que 596 cas et 22 décès. Quinze mois plus tard, 14 959 décès et 420 103 cas. « Hors de contrôle », « la situation déraille », les qualificatifs anxiogènes se multiplient. Et les solutions ne sont pas légion.
Un confinement économiquement
Avec 14 959 décès, la Tunisie a le plus sombre bilan des cinq pays qui composent le Maghreb (Mauritanie, Algérie, Libye, Maroc). Quand la situation semble maîtrisée à Alger comme à Rabat, Tunis traverse la pire des situations sanitaires. Le 30 juin, le taux de positivité dépassait les 35 % : 5 921 nouveaux cas en 24 heures, 116 décès, le plus haut journalier jamais enregistré depuis le début de la pandémie. Le nombre de tests pratiqués en une journée n’avait jamais été aussi important : 16 050. Plusieurs facteurs expliquent cette flambée : une campagne de vaccination limitée (le pays est dépendant des livraisons), moins de 5 % ont reçu les deux doses, des gestes barrières peu respectés, un système sanitaire inégal selon les régions, au bord de la rupture.
Mardi, un avion militaire tunisien se rendait en Allemagne pour rapatrier vingt-cinq respirateurs. Les autorités italiennes ont été sollicitées par la présidence de la République. Quarante tonnes de matériels médicaux français sont arrivées dans la foulée de la visite officielle de Jean Castex, dont 325 000 doses de vaccins. Le comité scientifique chargé d’appréhender la situation est réunie de façon permanente à l’initiative du président du gouvernement. Un couvre-feu courant de 20 heures à 5 heures du matin a été instauré jusqu’au 11 juillet. Nissaf Ben Alaya, porte-parole du ministère de la Santé, a indiqué qu’un confinement général aurait eu « besoin de six semaines pour être pertinent », efficace, ce que la situation économique ne peut tolérer. Les gouverneurs du Grand Tunis (2,2 millions d’habitants) ont opté pour un confinement du 1er au 14 juillet. Sauf raisons impérieuses, les déplacements seront interdits. Alors que le thermomètre s’affole, 36 °C minimum, ce début de grandes vacances risque de ressembler au précédent : atone.
« L’État n’a pas d’argent pour reconduire les aides »
Mouna Allani Ben Halima, directrice générale du Badira, un cinq-étoiles prisé à Hammamet, résume l’état d’esprit du secteur touristique : « Nous espérions équilibrer nos chiffres avec l’activité locale, mais s’il y a un confinement le secteur est cuit. » En creux, on comprend le dilemme auquel est confronté le gouvernement : un lockdown complet, comme celui pratiqué au printemps 2020, annihilerait l’économie, nécessiterait des aides en contrepartie.
Les mesures d’aides au tourisme ont cessé le 30 juin (prise en charge des cotisations patronales, chômage partiel) et ne devraient pas être reconduites. L’entrepreneuse note que « l’État n’a pas d’argent pour reconduire une aide quelconque ». Le tourisme intérieur, tunisien, pourrait éviter une faillite d’un secteur dont « 30 % des activités ont disparu en 2020 ». L’Organisation mondiale du tourisme a prévu « 50 % de mortalité des entreprises touristiques ». La haute saison – juin/août – fait vivre le pays, celui des côtes comme celui des terres. 14 % du PIB, 400 000 emplois directs et indirects selon le ministère du Tourisme, « c’est l’un des trépieds de l’économie tunisienne » précise-t-on à la banque centrale. Durement éprouvé depuis la révolution de 2011, le secteur a fait preuve d’une résilience stupéfiante malgré la vague d’attentats de 2015. Cette fois-ci, une restructuration importante va avoir lieu.
Une suite compliquée
En cas de nouveau confinement, la Kasbah était consciente qu’elle devait l’assortir d’aides sociales, ce qu’elle ne peut pas. Un hypothétique plan de type FMI ne semble pas d’actualité malgré les demandes officielles de la Tunisie. Un versement exceptionnel pourrait intervenir d’ici la rentrée. La Banque mondiale indiquait en octobre 2020 que « 800 000 Tunisiens allaient basculer dans la pauvreté ». Le chômage, non indemnisé, a bondi à 17,8 % au premier trimestre. Toutes les 24 heures, les chiffres du ministère de la Santé sont de plus en plus inquiétants.
Le 02/07/2021
Source web Par : le point
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