Cahier tendances du Welcome City Lab : Tendance 12, Pour un tourisme du futur au rythme du passé

I- Tourisme et Le Quotidien du Tourisme vous proposent de découvrir en feuilleton la dernière édition du Cahier tendances du Welcome City Lab. Douzième tendance : Pour un tourisme du futur au rythme du passé.
Cette crise sanitaire, sans précédent, a mis en avant la fragilité de nos écosystèmes urbains que ce soit sur notre territoire, ou bien au-delà de nos frontières. Nous avons ainsi tous pris conscience de la nécessité de rendre durables nos modes de vie.
Pour voyager plus responsable et consommer moins d’énergie aujourd’hui : inutile de forcément tout inventer ex-nihilo. Il reste aussi possible de s’inspirer des inventions ou des tentatives d’inventions du passé ! Sachons lâcher un peu nos smartphones, privilégions les mobilités douces et observons avec nos yeux, tout en étant attentifs à l’expérience sonore en milieu urbain, considéré comme étant un environnement clé pour une société plus durable.
Mais quel est finalement le rôle de l’innovation dans ce cheminement ? Low Tech ne signifie pas forcément absence de technologie, car certaines solutions intègrent des éléments très techniques mais orientés basse consommation. Il s’agir d’aller vers une société plus frugale.
Commençons par un rapide préambule (très personnel) à propos de la low tech. Le premier réflexe pourrait être d’opposer high et low tech. Rapide et classique clivage entre anciens et modernes, entre gentils et méchants. Duel immémorial : je vous invite à relire « pourquoi j’ai mangé mon père de Roy Lewis ». Une approche plus constructive pourrait être de simplement apprendre à utiliser de façon sobre et plus appropriée les nouvelles technologies. En tout état de cause à questionner, systématiquement leur raison d’être, leur utilité et leur impact global. La low tech a pour ambition de nous apporter ce dont nous avons besoin en minimisant la consommation de ressources et l’impact social.
Retrouvez le touriste éclairé qui sommeille en vous
Vous avez peut-être vu cette photo étonnante de John Blanding d’une foule amassée contre une barrière, chaque personne brandissant son smartphone pour prendre une vidéo, une photo de l’événement invisible à nos yeux. Autant de visages masqués par l’objet numérique, autant de regards voilés par l’instrument qui leur permettra d’immortaliser cet instant ou plus surement de dire à leurs réseaux : « j’y étais ». Et au milieu de ces visages numériques, apparait un visage humain, radieux, souriant d’une petite dame âgée. Si menue, fragile, si rayonnante. Dans ses yeux, l’instant vécu l’est pleinement, pour elle-même objet de joie. Je ne peux que l’imaginer ensuite décrivant avec ses mots, sans photo, à ses petits-enfants, la scène à laquelle elle avait participé, pleinement. Cette dame, dans sa capacité à vivre sans intermédiaire l’instant, nous invite à remobiliser nos sens pour vivre en profondeur l’expérience touristique.
A la reconquête de nos sens
La technologie a permis de vivre de façon nouvelle la relation à l’art, à l’urbain, aux sites touristiques. De vivre des expériences touristiques enrichies ou en tout cas différentes, de partager nos émotions avec nos proches, d’accéder à des inaccessibles. Mais cette technologie nous a aussi fait perdre les sens, nos sens. Je vais m’arrêter sur l’un d’entre eux, si perturbé par nos technologies : la vue. La vue, si souvent déformée par un « smart photophone ».
Faire une photo d’un coucher de soleil est un acte destiné à garder trace d’une émotion, souvent pour pouvoir la partager. En prendre une, comme si la pellicule argentique était encore là, avec son nombre restreint à 24 ou 36, oblige à observer, à cadrer, à guetter cet instant unique que l’on va graver, à mobiliser son esprit pour comprendre ce qui s’offre à notre regard. Le souvenir qui restera sera tout autant celui de la photo que celui de sa prise de vue. Prendre en rafale, avec des filtres et des retouches, écarte de cette relation avec l’espace, avec le lieu, il nous rend méprisant de sa beauté, ultra consommateur pressé.
Je vous invite à faire ce test, à en faire un jeu avec vos enfants, vos proches, celui de ne pas prendre plus de 2 photos d’un sujet, pas plus de 10 photos par jour. S’autoriser ce temps pour cerner le sujet, équilibrer le cadre, la lumière, aller parler avec la personne que l’on souhaite prendre en photo, lui demander son accord pour capter son intimité. Vous pourrez abandonner cette forme de peur de ne pas avoir tout gardé en mémoire, votre smartphone devenant votre auxiliaire. Vous n’aurez qu’une photo, mais vous aurez gagné des souvenirs.
Se réapproprier l’espace-temps, s’autoriser à ne pas tout voir
Prendre un peu de retrait avec la technologie dans notre vécu touristique c’est aussi se réapproprier l’espace-temps. La préparation d’un voyage est presque devenue un moment anxiogène tant le nombre d’informations auquel nous avons accès dépasse nos capacités d’absorption. Guides touristiques en ligne, forum de partages d’expériences, recommandations automatiques, autant d’outils remarquables mais susceptibles de nous pousser à une optimisation impossible de notre parcours. Nous nous surprenons à dresser des listes infinies de « choses » à voir, des incontournables recommandés par ces moteurs aveugles. Et notre voyage n’est plus qu’une succession de points de passage, sans cohérence parfois entre eux, ou en tout cas sans compréhension des liens les unissant. L’excès de ces solutions technologiques rend le voyage frénétique, détaché de l’espace et du temps, ne permet plus au corps et à l’esprit de vivre le chemin parcouru.
Il y a un objet du passé dont nous avons trop souvent perdu l’usage et qui permet de renouer ces liens. Un objet de haute technologie ayant mobilisé des compétences pointues, riche d’informations insoupçonnées, un révélateur de territoires. Cet objet, c’est la carte routière. Ouvrez-la en grand sur la table, regardez les couleurs vous dire le relief, les forêts, les lacs, les villages, observez les symboles de lieux remarquables, ou de curiosités, mot magique, parcourez routes et chemins en calculant les kilomètres, les dénivelés, les temps.
Elle ne tombe jamais en panne de batterie, n’affiche pas le fastfood le plus proche, ne trace pas automatiquement le chemin le plus court. Elle permet de se perdre, elle permet le hasard souvent propice aux surprises.
Elle autorise surtout cette reprise en main de la connaissance complète par la visualisation globale d’un espace et des distances entre les sujets. Tel village n’est pas là par hasard, telle forteresse trouve sa raison d’être dans la vallée ouverte devant elle, même le dessin des rues, le plan d’une ville redevient un sujet d’émerveillement, de plongée dans l’histoire des hommes qui les ont bâties.
Pour un voyage apaisé
Loin de moi la volonté de considérer le passé comme meilleur que l’avenir, de penser qu’il faut fuir tout progrès technologique, que nous devons retourner à une expérience touristique des années 60. Mais si votre seule angoisse sera de savoir comment replier correctement cette carte routière ou de savoir si votre photo du jour ne sera pas floue, plutôt que de savoir si vous trouverez du WiFi ou un chargeur pour votre smartphone, alors je me dis que nous aurons fait un grand pas vers l’avenir, vers un tourisme apaisé.
Le 02.04.2021
Source web Par : quotidien du tourisme
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