#Maroc_Code_de_commerce - Plan de sauvegarde: Attention aux faux pas!
Une procédure détournée pour cacher la faute de gestion
Le chef d’entreprise qui abuse de la loi risque des poursuites
Le tribunal de commerce a rejeté des demandes non conformes
«Jusqu’à février 2020, une quinzaine de sociétés ont demandé un plan de sauvegarde au tribunal de commerce de Casablanca. Des entreprises ont motivé leurs requêtes par les poursuites judiciaires engagées par leurs créanciers, d’autres par la perte d’un marché. Ces motifs ont été rejetés par le tribunal», rapporte l’avocate Nawal Ghaouti.
Les juridictions de commerce relèvent d’un arrondissement judiciaire. Chaque arrondissement est chapeauté par une cour d’appel et compte un tribunal de première instance qui reçoit notamment les demandes de plan de sauvegarde. Casablanca est le poumon économique du Royaume et la plus grande juridiction (Ph. L'Economiste)
Ce constat s’annonce comme un avertissement pour les brebis galeuses. A savoir ces opérateurs qui abusent du droit des entreprises en difficulté pour obtenir un délai de grâce de 5 ans. Profitant ainsi d’une situation sanitaire et économique très critique pour se soustraire à leurs engagements ou camoufler des fautes de gestion.
«La justice reste en alerte face à ces tentatives. C’est le cas à la juridiction de commerce de Casablanca. Elle examine minutieusement les documents comptables et financiers, l’état des actifs de la société et de ses dettes, le projet du plan de sauvegarde que propose le management... Le juge pose aussi des questions pertinentes au chef de l’entreprise lors d’une audition à huis clos. J’en ai fait personnellement l’expérience avec une société de textile», témoigne l’avocat d’affaires Kamal Habachi.
Sur le plan économique, la situation est critique. Le Haut commissariat au plan a constaté fin septembre que «l’arrêté des comptes nationaux fait ressortir au deuxième trimestre 2020 une contraction d’environ 15% de l’économie». Aussi bien les activités agricoles que non agricoles sont dans le rouge. Ces indicateurs renseignent sur les difficultés que vivent les entreprises. La mesure de sauvegarde offre ainsi une chance de survie. D’où l’intérêt de fournir des informations claires, exactes et crédibles au président du tribunal.
Par ailleurs, le code de commerce pose des conditions de fonds. Son article 561 par exemple exige qu’une société «ne doit pas être en cessation de paiement». Elle doit également «faire face à des difficultés qu’elle n’est pas en mesure de surmonter» sans un plan de sauvegarde. La notion d’urgence est donc capitale.
Pour y voir plus clair, le tribunal de commerce peut mandater un expert pour clarifier des données. Il peut réclamer également des informations complémentaires. «Le secret professionnel n’est pas opposable au tribunal», selon l’article 563 du code de commerce.
Il y a donc toujours une épée de Damoclès sur la tête d’un manager indélicat avec la loi. «Il faut aussi éviter d’aborder les sujets qui fâchent lors d’une audition comme le licenciement des salariés et penser à proposer des solutions alternatives au juge notamment l’augmentation de capital ou l’intégration de nouveaux associés», recommandent les praticiens.
L’une des sociétés bénéficiaires d’un plan de sauvegarde, Delattre Levivier Maroc (DLM), confirme: «Notre conseil d’administration a débattu en 2019 sur l’opportunité d’une telle démarche auprès de la justice. Plusieurs pistes ont été évoquées comme la recherche d’un partenaire ou les bienfaits d’un recours aux dispositions régissant les entreprises en difficulté», confie le directeur général de DLM, Eric Ceconello.
L’élaboration d’un projet de plan de sauvegarde est un exercice périlleux. Il scelle le destin de l’entreprise vis-à-vis des tiers au cas où son adoption est actée par la justice: créanciers, fournisseurs, clients, syndic judiciaire... L’éventualité d’un redressement ou d’une liquidation judiciaire n’est pas à écarter. De même pour la responsabilité pénale des administrateurs en cas de faute de gestion.
Le risque d'une reconversion en redressement judiciaire
L’octroi d’un plan de sauvegarde offre des avantages. En effet, le chef d’entreprise garde la main sur la gestion. Le paiement des dettes nées avant l’obtention de la sauvegarde est suspendu au même titre que les poursuites judiciaires engagées par les créanciers de la société.
Cette disposition a été introduite par la réforme du code de commerce en avril 2018. «Le législateur a prévu une reconversion du plan de sauvegarde en redressement judiciaire. Ce qui expliquerait les rares recours à ce dispositif. Il y a eu pourtant une levée de bouclier lors de l’adoption de ce parapluie judiciaire», se rappelle Me Naoual El Ghaouti durant une intervention sur «La procédure de sauvegarde, deux ans après la réforme: Diagnostic et recommandations»(1).
Les critiques avaient fusé à l’époque contre un projet de loi «bâclée», «ne garantissant pas assez les intérêts des créanciers» et «rallongeant inutilement les délais» (Cf. L’Economiste n° 5241 du 30 mars et n°5259 du 25 avril 2018).
Ces inquiétudes vis-à-vis du plan de sauvegarde restent d’actualité (Lire article).
Le nombre exact des entreprises ayant entrepris la même démarche auprès des juridictions de commerce demeure inconnu. «Difficile de faire un bilan actualisé», reconnaît la praticienne.
Nous faisons pratiquement face à une année judiciaire blanche depuis la déclaration de l’état d’urgence sanitaire en mars 2020.
Le 12/10/2020
Source Web Par L’économiste
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