Et demain ? Un Maroc interdit aux Africains ?!

A trop vouloir jouer les Cerbères de l’Europe, nos décideurs politiques et sécuritaires oublient le droit, la décence et l’intérêt suprême de la nation. Une mesure discriminatoire visant uniquement les Subsahariens par le biais d’un contrôle au faciès a déclenché une réaction en chaîne et un gros malaise.
Le scandale est né d’une affiche interdisant la vente de tickets de transport aux Africains (sic) sans titre de séjour. Plusieurs agences de la CTM mais aussi d’autres sociétés de transport notamment à Kamra, la gare routière de Rabat, ont mis en place cette mesure discriminatoire.
Evidemment la mesure ne s’appliquait pas aux Marocains qui sont tout aussi Africains que les Sénégalais ou les Ivoiriens. Eventuellement, un guichetier zélé pourrait exiger un titre de séjour à un Marocain de couleur puisque la mesure n’est appliquée qu’en fonction du faciès. Triste dommage collatéral, s'excusera-t-il immédiatement. Les étrangers blancs (touristes ou résidant au Maroc de manière régulière ou pas) quant à eux ne sont tout simplement pas concernés.
A croire qu’en matière de chasse aux migrants irréguliers, il y a les bons et les mauvais, un peu comme dans le sketch des Inconnus. D’ailleurs, il ne viendrait pas à l’idée de la compagnie de transport de contrôler un Sud-africain blanc. Seuls les Noirs –quelque soit la nationalité– sont donc visés par la vérification.
Sabotage !
Voilà une belle manière pour le Maroc de se tirer une balle dans le pied, alors qu’il vient de rejoindre l’Union africaine en 2017, qu’il ne ménage aucun effort pour appuyer son offensive diplomatique et économique sur le continent et qui se réjouit des excellentes relations avec une trentaine de pays l’ayant activement soutenu dans le dossier du Sahara occidental.
Voilà également une belle manière de saper le capital sympathie obtenu par les deux opérations de régularisation de migrants (très majoritairement originaires d’Afrique subsaharienne). Etrange situation, qui confine même à l’absurde, où le migrant récemment régularisé se voit exiger –parce que Noir donc présumé clandestin– de produire une pièce d’identité pour un simple achat de ticket de car.
Un guichetier d’une compagnie de transport ou un chauffeur de car se voit ainsi investi des fonctions dévolues à la police pour contrôler les flux migratoires. De pauvres agents qui n’ont rien demandé et qui pratiquent un métier déjà compliqué, ont la lourde tâche de jouer aux auxiliaires de police. La solution de facilité qui n’est évidemment pas une initiative des entreprises privées de transport (leur responsabilité est néanmoins engagée), constitue une insulte au travail de la police.
N’aurait-il pas été plus intelligent de pratiquer des contrôles aléatoires ou systématiques par un binôme de policiers au niveau de chaque gare routière pour contrôler les flux de migrants irréguliers (quelque soit la couleur de peau), mais aussi le trafic de drogue ou les cellules terroristes ? Une action de ce type, conforme au droit et à la constitution, est même susceptible de rassurer l’opinion publique au sujet de l’insécurité dont nos concitoyens se plaignent, mais aussi du risque terroriste de plus en plus prégnant à en croire les spectaculaires coups de filet du BCIJ.
Le gouvernement dénonce le racisme... du gouvernement ?
Le gouvernement lui-même a dénoncé toute pratique discriminatoire de ce type : «Si l’un des transporteurs marocains ou étrangers recourt à des usages racistes, nous le dénonçons totalement.» Pourtant, la responsabilité dépasse le cas unique d’une ou plusieurs sociétés de transports comme révélé par le document que Yabiladi a publié dès mardi. Le procès verbal de la réunion à Laâyoune organisée par la direction des Transports suite à une demande du wali engage directement la responsabilité du gouvernement et tout particulièrement des ministères des Transports et celui de l’Intérieur.
Si ce dernier n’était pas au courant d’une initiative sur un dossier aussi sensible par un ou plusieurs walis, alors ce dysfonctionnement est des plus inquiétants et devrait mener à des sanctions. S’il est lui-même l’auteur de la directive, son silence pose problème quant à la reddition des comptes, principe constitutionnel tout comme celui de non-discrimination des individus en fonction de la couleur de peau ou de l’origine ethnique.
Le Conseil national des droits de l’Homme (CNDH) a fait preuve de réactivité en annonçant une auto-saisine pour enquêter sur cette affaire. Il est de la responsabilités des élus au Parlement d’interpeller les ministres en question, voire de décider la constitution d’une commission d’enquête pour identifier l’origine de cette mesure discriminatoire. A laisser des dérapages de ce type laissant entendre que le Maroc est interdit aux Africains (sic), on prête le flanc à ceux qui voudraient voir demain le Maroc interdit d’Afrique.
Le 01/11/2019
Source web Par Yabiladi
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