Après l’école inclusive, l’université inclusive?
Après l’école inclusive, on est en train d’assister aujourd’hui à l’université inclusive. L’objectif est de garantir une employabilité des lauréats à besoins spécifiques. Dans ce cadre, l’Université Mohammed V de Rabat a organisé, ce mardi 8 octobre, une rencontre sous le thème : « Quels métiers émergents pour les lauréats en situation de Handicap ? ».
Au tout début, a expliqué Mohammed Rhachi, Président de l’Université Mohamed V de Rabat, l’objectif de cette initiative « n’était pas d’essayer de trouver des adaptations au niveau des programmes pédagogiques, car les programmes pédagogiques au départ c’est tout un processus d’accréditation qui était assez lourd à gérer, à modifier et à adapter ».
Et de confier à Hespress FR que « l’initiative dans les années 90 était surtout d’essayer côté logistique, côté accessibilité, côté prise en charge en terme social, recherche de logement, transport. C’était surtout dans ce cas d’appui ou de soutien. Mais par la suite, ce projet a pris d’autres ampleurs en termes d’aller au-delà d’uniquement un appui et un soutien je dirais logistique ou bien de mobilité à l’intérieur du campus« .
Ainsi, poursuit notre interlocuteur, nous avons commencé à chercher « quelles sont les technologies qui vont permettre à l’université d’adopter un genre d’interface d’adaptation entre les étudiants à besoins spécifiques et les cours d’enseignement », mais sans toucher le côté TP.
« En effet, avec l’avancée incroyable dans le domaine des technologies de l’information, on a pu déjà, soit à travers des supports ou des logiciels et au niveau des facultés des sciences, des sciences et de l’éducation et la faculté des lettres, à mettre en place nombre d’actions, de salles et de centres qui ont permis à des étudiants de différents types de besoins spécifiques, d’intégrer, de suivre des formations et d’être diplômés ce qui est intéressant et je dirais même, d’être diplômés avec des niveaux de compétence très élevés« , a-t-il affirmé au micro de Hespress Fr.
Des mesures qui les ont « encouragés à aller encore plus de l’avant » souligne Mohammed Rhachi. « On a signé une convention avec la fondation de la princesse, on a signé nombre de conventions avec plusieurs associations. Et je pense que le processus est lancé, reste que, pas uniquement les universitaires et les universités, pas uniquement les associations et les fondations, mais il faut que les institutionnelles puissent au-delà des cadres institutionnels, officiels et réglementaires, aller et s’impliquer dans des financements de certaines actions avec une approche beaucoup plus souple et plus prospective », estime-t-il.
Comment intégrer les personnes en situation d’Handicap dans le milieu du travail ?
Lors de cette rencontre qui s’inscrit également dans le cadre du projet PACES (progression des centres d’accessibilité dans l’enseignement supérieur pour les étudiants en situation de handicap en Afrique du Nord) et le programme ERASMUS+, Hespress Fr a interrogé le Directeur général de l’Agence Nationale de promotion de l’emploi et des compétences (ANAPEC), Abdelmounime El Madani, sur les mesures d’insertion des personnes en situation de handicap dans le marché du travail.
Dans un premier temps, le DG de l’ANAPEC nous a expliqué que « le rôle de l’ANAPEC est d’écouter le milieu de l’entreprise, d’identifier ses besoins et de venir auprès du milieu des chercheurs d’emplois, d’identifier les profils et les améliorer pour qu’ils puissent être adaptés aux besoins de l’entreprise. Pour cela l’ANAPEC dispose d’un certain nombre de mesures qui sont mises à sa disposition par le gouvernement et on les utilise pour rapprocher au mieux le profil du chercheur d’emploi aux exigences du poste de travail qui est offert par l’entreprise ».
Pour les personnes en situation de handicap, notre interlocuteur souligne qu’« il y a encore des efforts à faire. Non seulement il faut rapprocher le jeune en situation d’handicap de l’entreprise, mais il faut recommander des orientations pédagogiques, des orientations en termes de contenus, des cursus, pour tenir compte des métiers qui seraient le mieux adaptés aux personnes à besoins spécifiques, et ce, pour réduire la différence, parce que le handicap est une différence qu’il y a entre une personne normale et une personne en situation de handicap ».
Dans ce sens, Abdelmounime El Madani fait valoir que « là est la particularité à développer et l’université est appelée à y contribuer par la recherche et la réflexion et surtout par l’orientation des jeunes. L’orientation, mais aussi l’accompagnement pour leur permettre de se trouver au moment de prétendre à l’insertion, sans grande différence par rapport à leurs confrères et consœurs ».
L’objectif et donc, de « démontrer les forces intrinsèques à la personne en situation d’handicap en tant que valeur économique qui doit être recherchée par l’entreprise. C’est sur ça qu’il faut travailler, parce que c’est certain que chaque personne en situation de handicap a quelque chose de plus et non de moins. Ce plus n’a aucune valeur s’il n’est pas apprécié par l’entreprise », insiste notre interlocuteur.
Pour lui, « l’université doit donc travailler sur cela et porter cette valeur dans le milieu de l’entreprise pour que le besoin en personnes en situation d’handicap puisse naître chez l’entreprise et donc offrir de l’emploi ».
Récemment, Hespress Fr s’est entretenu avec plusieurs personnes en situation de Handicap qui se sont vu refuser leur candidature auprès des entreprises, soit à la porte par les agents de sécurité, soit au vu du nombre de fois où leur CV n’a même pas dépassé le bureau d’accueil.
Interrogé sur la question, notre interlocuteur est catégorique. « L’exclusion à la porte est intolérable. Le milieu de l’entreprise est un milieu rationnel. C’est pour cela que l’inclusion des personnes en situation d’handicap doit être faite par la démonstration de leur force. Il faut que l’entreprise soit convaincue que cette personne n’est pas une charge et que c’est une valeur prometteuse ». C’est justement, dit-il, l’idée dont il faut convaincre les entreprises. Mais comment?
« C’est le travail de tous », rétorque le DG de l’ANAPEC. « Lorsqu’un laboratoire de biotechnologie par exemple démontrera à une entreprise X, qu’une PSH (personne en situation de handicap) ça promet plus de productivité et une valeur ajoutée, l’entreprise, étant rationnelle, ne va pas rejeter l’idée. Maisl’entreprise n’est pas briefée de tout cela, parce qu’elle n’est pas censée maîtriser la technicité de l’insertion de la personne en situation de handicap, et on n’imagine pas que chaque entreprise dispose d’un spécialiste de l’insertion dans son staff pour pouvoir insérer des profils de PSH ».
Notre interlocuteur conclut donc que « c’est tout l’effort qui doit être porté et déployé par le milieu éducatif en général et l’université en particulier. Peut-être qu’on a déjà commencé (…) L’université est engagée sur cette voie et je pense que l’avenir sera meilleur ».
Témoignage
Hajar Boukhli, est une non-voyante. Malgré son handicap, elle est en troisième année à l’école supérieure des instituteurs (ENS). Elle a fait part à Hespress Fr de ses ambitions de faire un master, ou de poursuivre à l’ENS ou carrément entamer une carrière de journaliste en poursuivant sa formation à l’ISIC.
«J’ai l’immense désir de réaliser toutes mes ambitions. En même temps je pense postuler dans l’enseignement, en espérant être admise», nouas a-t-elle confié avec un grand sourire plein d’espoir.
Interrogée sur les différentes difficultés qu’elle a pu trouver au sein de l’ENS, aucune!, affirme-t-elle. « Les personnes qui se trouvent au sein de mon école sont respectueuses, ont su apprécier mes efforts et mon travail, m’ont permis de montrer mes capacités et m’ont surtout fait confiance. Sincèrement, elles se sont comportées avec moi en tant que personne productive. Et c’est une chose que j’ai adorée et je souligne par la même occasion qu’il faut se comporter avec la personne en situation d’Handicap en tant que personne productive et non pas comme une personne consommatrice» insiste Hajar.
Ainsi, notre jeune interlocutrice a tenu a adresser au micro de Hespress Fr un message fort : « Il faut donner de l’espoir aux PSH, leur ouvrir les perspectives de l’avenir, leur dire qu’elles sont capables de produire par elles-même et c’est à elles de trouver une solution à leur situation au sein de la société. Le plus important est que la société s’ouvre à ces personnes parce qu’elles ont beaucoup à donner, et sont ambitieuses. Et j’espère que l’Etat les aidera à réaliser ces ambitions. Parce que si on nous offre les outils nécessaires on pourra aider notre pays et on ne sera pas un poids de plus sur ses épaules».
Les travaux de cette journée se sont articulés autour de plusieurs panels relatifs à l’Employabilité des lauréats à besoins spécifiques et les emplois émergents qui pourraient être dédiés à ces lauréats. De multiples acteurs y ont pris part, notamment des institutionnels, des recruteurs/employeurs relevant des secteurs public et privé, des associations, des formateurs et d’autres instances.
Le 09/10/ 2019
Source web Par Hespress
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