Les régimes de retraite en danger
En 2018, les régimes de retraite ont collecté 50,5 milliards de dirhams de cotisations, soit 4,4% du PIB, pour 4,6 millions d’actifs cotisants représentant 42,3% de la population active occupée
Le dernier rapport sur la stabilité financière au titre de l’exercice 2018 publié par Bank Al-Maghrib, l’Autorité marocaine du marché des capitaux (AMMC) et l’Autorité de contrôle des assurances et de la prévoyance sociale (ACAPS) alerte sur la situation critique des régimes de retraite au Maroc. En 2018, les régimes de retraite ont collecté 50,5 milliards de dirhams de cotisations, soit 4,4% du PIB, pour 4,6 millions d’actifs cotisants représentant 42,3% de la population active occupée. Les prestations servies par ces régimes se sont élevées, quant à elles, à 56,7 milliards de dirhams, soit 5% du PIB. Les réserves constituées par ces régimes ont enregistré une augmentation de 5,5% par rapport à 2017 pour se situer à 310 milliards de dirhams. Les placements des régimes de retraite ont atteint 305,9 milliards de dirhams, en hausse de 4,8% par rapport à 2017. La structure de ces placements est caractérisée par une prépondérance des titres obligataires avec une part de 70% du total actif.
CMR : Un horizon de viabilité très réduit
Le cas de la Caisse marocaine de retraite (CMR) est préoccupant. Le rapport signale qu’en dépit de la réforme paramétrique ayant concerné le RPC-CMR en 2016, qui a permis d’équilibrer la tarification de ce régime pour les droits acquis après la réforme, le poids de ceux acquis auparavant continue de peser sur la viabilité du régime. Son déficit global s’est creusé d’un milliard de dirhams par rapport à celui enregistré en 2017. Ses réserves se sont réduites de 1,7 milliard en moyenne sur les deux dernières années. Le rapport signale que le régime reste confronté à deux problématiques majeures, à savoir un horizon de viabilité très réduit (date d’épuisement de ses réserves dans un délai maximal de 10 ans) et l’ampleur de ses engagements non couverts estimés à 346,4 milliards de dirhams sur un horizon de 60 ans.
RCAR : Les engagements non couverts estimés à 129,5 milliards DH sur 60 ans
Le Régime collectif d’allocation de retraite (RCAR) est aussi en danger. Certes, les cotisations du RCAR ont enregistré une forte augmentation de 24,9% en 2018 grâce notamment à l’accroissement de l’effectif des cotisants du régime de 20,5% par rapport à 2017. Les réserves du régime se sont appréciées de 7,3% entre les deux exercices suite à la poursuite des opérations d’intégration des régimes de retraite internes. Cependant, si l’augmentation de la population cotisante participe à améliorer la situation financière du régime sur le court et moyen termes, cette évolution combinée à la sous-tarification des droits acquis augmente les engagements non couverts du régime à plus long terme. Ces engagements, estimés à 129,5 milliards de dirhams sur 60 ans, constituent un montant considérable par rapport à la faible population couverte par le régime. «Ces évolutions réduisent les marges de manœuvre dont disposent les deux régimes (CMR-RPC et RCAR) pour redresser leur pérennité en particulier avec le retard enregistré dans la mise en place de la réforme systémique», note le rapport. Et d’ajouter : «Cette réforme, en plus de l’instauration d’une tarification équilibrée des droits acquis dans le cadre du pôle public, doit également résoudre la problématique des sources de financement permettant de résorber les dettes importantes cumulées par les deux régimes au titre des droits passés ».
CNSS : L’épuisement des réserves dès 2040
La situation est moins préoccupante pour la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS). Avec un rapport de 8,8 actifs pour un retraité en 2018, la dynamique démographique du secteur privé permet à la branche long terme de la CNSS d’enregistrer des soldes technique et global excédentaires. Cela dit, cette dynamique risque de s’estomper durant les prochaines années. La montée en charge des prestations conduira à un premier déficit global de la CNSS en 2024. Ce déficit pourra être financé par les réserves jusqu’en 2040. Les auteurs du rapport estiment que les mesures à prendre pour redresser la pérennité de cette branche seraient moins sévères que celles qu’il faut entreprendre dans le cadre du pôle public en raison de la dynamique démographique observée dans le secteur privé. Ainsi, à titre d’exemple, une augmentation du seul paramètre du taux de cotisation à 13,9% au lieu de 11,9% en vigueur actuellement permettrait de retarder l’épuisement des réserves jusqu’en 2078. Cela montre que la révision de plusieurs paramètres de fonctionnement de la branche dans le cadre de la réforme systémique permettra ainsi d’assurer sa pérennité sur le long terme.
CIMR : Un équilibre technique tributaire de nouvelles adhésions
La Caisse interprofessionnelle marocaine de retraite (CIMR) ne sera pas impactée par la crise. Malgré l’enregistrement d’un solde technique déficitaire sur la période de projection, le régime continuera à enregistrer des soldes globaux excédentaires et à accumuler des réserves sur toute la période. Cependant, avec un rapport démographique de seulement 2,8 actifs pour un retraité en 2018, ce régime complémentaire du secteur privé ne bénéficie pas, à l’instar de la CNSS, d’une forte dynamique démographique. De ce fait, son équilibre technique se retrouve tributaire de l’importance des nouvelles adhésions au sein du régime.
Le 11 août 2019
Source web Par Aujourd'hui Le Maroc
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