Benchaâboun: Ses recommandations pour relancer la croissance
Le privé doit relayer les efforts de l’Etat
Brexit, l’impact sur la demande minimisée
Une guerre commerciale aurait des effets négatifs
Mohamed Benchaâboun, ministre de l’Economie et des Finances: «La modernisation du tissu productif doit, inéluctablement, susciter la mise en place de politiques innovantes pour le renforcement de la compétitivité industrielle» (Ph. Bziouat)
Le Brexit n’aura pas un impact significatif sur la demande adressée au Maroc. En revanche, une guerre commerciale entre les grands pays se traduirait par une contraction de 4,9%. Mohamed Benchaâboun, ministre de l’Economie et des Finances, indique que l’économie retrouvera les sentiers d’une croissance plus forte à partir de 2021.
- L’Economiste: Le potentiel de croissance au Maroc est faible, il dépasse rarement les 3%, alors qu’il faut plus de 5% pour créer assez d’emplois. Comment dépasser cette faiblesse structurelle de l’économie?
- Mohamed Benchaâboun: Le potentiel de croissance économique de notre pays est effectivement bien supérieur. Notre objectif est d’œuvrer pour une croissance plus forte et plus inclusive. Un ensemble cohérent de mesures en faveur de la relance de l’investissement et de l’accès au financement est engagé. Il produira ses effets progressivement. Ainsi, nous avons prévu un taux de croissance oscillant entre 4,5 et 5% par an à partir de 2021. Pour cela, nous devons accélérer les réformes dont le pays a besoin.
- Comment réajustez-vous vos prévisions à la lumière du Brexit sans accord, risque qui pourrait ralentir la demande extérieure sur le Maroc?
- Je tiens, tout à bord, à souligner que les prévisions établies par le ministère de l’Economie et des Finances dans le cadre de la loi de Finances s’appuient sur une démarche scientifique rigoureuse qui tient compte des risques endogènes et exogènes à fortes incidences sur la croissance de l’économie marocaine.
Pour ne citer que les risques exogènes, nous avons tenu compte au niveau de nos prévisions au titre de l’année 2019 de plusieurs tendances dont notamment l’exacerbation des tensions commerciales, les perturbations des marchés des matières premières sur fond d’instabilité géopolitique au même titre que les incertitudes qui entourent le Brexit.
Justement pour le cas du Brexit, outre l’absence de consensus au sujet des impacts chiffrés qui en découleraient pour l’Europe et pour le monde, les incidences de la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne ne devraient pas induire un ralentissement significatif de la demande étrangère adressée au Maroc, vu le poids de ce pays dans notre commerce extérieur, qui est autour de 2,4%. En l’absence d’accord sur le Brexit, les échanges commerciaux entre le Maroc et le Royaume-Uni s’effectueront selon le système général de l’OMC (Clause de la nation la plus favorisée). Néanmoins, cela n’écarte pas la possibilité pour le Maroc de renégocier ses relations commerciales avec le Royaume-Uni pour élargir ses débouchés au niveau de ce marché porteur.
Par contre, la perturbation du système commercial multilatéral, sous l’effet une éventuelle guerre commerciale entre acteurs majeurs du système mondialisé, pourrait avoir un impact plus important. Les simulations d’impacts effectuées par le ministère des Finances laissent entrevoir que l’exposition de nos principaux partenaires à ce choc commercial d’envergure se traduirait par une baisse en volume de la demande étrangère adressée au Maroc de 4,5% en 2019 au lieu d’une hausse de 3,8% prévue dans le cadre de la loi de Finances 2019.
- Les secteurs confrontés à la compétition internationale redoutent un effondrement des marges. Sur quels leviers comptez-vous agir pour les rassurer?
- L’exacerbation de la concurrence internationale est un fait avéré. Aujourd’hui, le relèvement des défis concurrentiels s’appuie plus sur les atouts immatériels (capital humain, innovation…) que sur les considérations de coûts.
Dans le cas du Maroc, le profil de spécialisation a connu des évolutions positives comme en témoigne la montée en gamme des exportations, ce qui l’expose de moins en moins à la concurrence de pays leaders en matière de coût.
Des efforts importants ont été déployés par les pouvoirs publics pour renforcer notre positionnement dans les chaînes de valeur mondiales, à travers les stratégies sectorielles et les programmes d’appui en faveur du secteur privé. L’effort de l’Etat devrait être relayé par un engagement plus conséquent du secteur privé en faveur de la modernisation compétitive.
La modernisation du tissu productif doit, inéluctablement, susciter la mise en place de politiques innovantes pour le renforcement de la compétitivité industrielle, l’évolution des PME vers des tailles plus grandes et pour attirer les investisseurs, locaux et étrangers, vers les domaines à forte valeur ajoutée.
- Le mal économique marocain reste aussi celui de la compétitivité. Que pouvez-vous proposer pour créer un déclic?
- Je crois que le terme «mal économique» relève à mon sens d’un abus de langage. C’est plus une perception que les chiffres contredisent de toute façon. Je préfère plus parler de défis de la compétitivité, lesquels interpellent de manière indifférenciée tous les pays.
Les efforts déployés par le Maroc sont très louables. Pour preuve, la confiance dont jouit notre pays auprès des institutions internationales (reconduction de la Ligne de précaution et de liquidité avec le FMI), des investisseurs étrangers relevant de groupes industriels leaders de leurs secteurs…
Cela ne devrait pas non plus nous placer dans une posture d’insouciance ou de confort. Les mutations accélérées de l’ordre concurrentiel post-crise mondiale obligent un pays comme le Maroc à accélérer encore davantage son élan réformateur pour entrer de plain-pied dans l’ère de l’émergence.
Le déclic viendrait d’abord d’un renforcement substantiel de la cohérence des politiques publiques pour en maximiser les retombées économiques et sociales, mais aussi d’une articulation judicieuse entre la politique commerciale et les différentes stratégies sectorielles à l’œuvre pour mobiliser les gisements d’opportunités associés à la sophistication du système productif national.
D’autres aspects, aussi importants, mériteraient une forte impulsion dont notamment l’approfondissement des réformes entrant dans le cadre de l’amélioration du climat des affaires, la territorialisation accrue des politiques publiques en ligne avec la régionalisation avancée au même titre que la valorisation du capital humain et le renforcement des capacités en matière d’innovation, qui sont deux vecteurs importants pour édifier des avantages compétitifs dynamiques.
Or, tous ces éléments gagneraient, en fait, à être placés au centre du débat sur le renouveau du modèle de développement de notre pays qui devrait asseoir les bases d’une économie davantage résiliente, inclusive et prospère.
Sortie sur le marché international: Le timing dépendra des conditions du marché
Une émission sur le marché financier international s’inscrit dans le cadre de notre stratégie de financement. Elle est basée sur un arbitrage entre le financement interne et le financement externe. Cette sortie est toujours d’actualité et porterait sur un montant de l’ordre de 1 milliard d’euros ou de dollars. Les caractéristiques exactes d’une telle émission ainsi que le timing de son lancement dépendent bien évidemment des conditions du marché et de l’appétit des investisseurs.
Au-delà des considérations de coûts et de risques qui sont habituellement prises en compte lorsqu’il s’agit de recourir au marché financier international, notamment l’écart entre le coût de mobilisation des fonds sur le marché domestique et celui à l’international ainsi que le niveau de la liquidité sur le marché local, une telle émission permettrait aussi d’établir une nouvelle référence pour la signature du Maroc sur le marché financier international. Et ce, après une absence de plus de 4 ans. Elle devrait permettre également de renforcer le stock de nos avoirs extérieurs et de renouer le contact avec nos investisseurs internationaux pour leur présenter les dernières réformes aussi bien sectorielles que structurelles engagées par notre pays.
Le 01 février 2019
Source web Par L’économiste
Plaquette de l'AMDGJB-Geoparc Jbel Bani
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