Marges des pétroliers: Akhannouch dans l’angle mort du débat
Les gouvernements successifs menés par le PJD sont certes responsables du scandale des marges engrangées par les pétroliers depuis la libéralisation des prix à la pompe. Mais faut-il pour autant exonérer le principal bénéficiaire de cette gabegie, super ministre des deux exécutifs, patron du RNI et président d’Afriquia ? L’occulter, c’est enterrer une seconde fois le rapport caviardé de la Commission Bouanou
De 13 à 15 milliards de dirhams de trop payé par les consommateurs depuis la libéralisation du secteur des hydrocarbures en 2015. La fourchette établie par le rapport de la Commission Bouanou obtenu par TelQuel (qui en a recalculé l’estimation basse) et Lakome2, révèle comment le cartel des pétroliers a largement profité de la mesure gouvernementale décidée par le cabinet Benkirane.
L’existence de deux moutures du rapport, la première, provisoire, détaillant le prix de revient et les marges engrangées par chacun des importateurs depuis deux ans, et la seconde qui devrait être présentée le 15 mai au Parlement, dont on a passablement expurgé les annexes les plus significatives, est un scandale sans nom.
https://fr.scribd.com/document/379123432/Rapport-Carburant#download&from_embed
Les pétroliers ont d’ailleurs déjà préparé leur argumentaire pour tenter d’expliquer qu’il n’est pas formellement établi que ce résultat est la seule conséquence d’une entente des prix à la pompe. Ils avancent évidemment les investissements conséquents pour constituer les stocks stratégiques de 60 jours imposés malgré les 3 milliards déjà consentis par l’Etat dans ce sens avant la libéralisation. Le cartel a ainsi donc déboursé 2 milliards depuis 2015 sur 10 milliards à l’horizon 2021, et met en avant la prise de risque quant aux fluctuations des prix, etc…
Mais le problème n’est pas seulement celui relatif à l’envolée des marges due à l’incapacité de l’Etat à mettre en place un dispositif de monitoring des prix, à l’international, et en bout de chaine ceux fixés au consommateur final. Il est d’ordre politique et c’est ce qui explique avant tout le fait que le rapport de la mission parlementaire ait été caviardé.
TelQuel citant une source du secteur écrit cependant que « l’effort pour maintenir des prix bas est fait par Afriquia, parce qu’il est leader, les autres sont obligés de s’aligner ».
Le groupe présidé par Aziz Akhannouch, par ailleurs super-ministre des gouvernements Benkirane et El Otmani, aurait donc tout fait pour juguler des marges qui auraient pu être davantage stratosphériques ? Difficile à croire.
Si les marges indécentes cumulées depuis 2015 aux dépens des consommateurs sont affolantes, c’est justement le fait du market maker et non l’inverse étant celui qui dispose du plus vaste réseau de distribution en nombre de stations-service et de la plus forte capacité de stockage lui permettant ainsi de réguler plus amplement ses approvisionnements, ses tarifs à l’importation, et donc ses prix à la pompe. Le rapport parlementaire le chiffre d’ailleurs : Afriquia disposait en 2016 de 29 % des parts de marché du gasoil importé et de 42 % des parts sur l’essence.
Affirmer que ces profits sont injustifiés tout en laissant entendre qu’Afriquia a joué les bons samaritains est de ce fait contradictoire.« Le scandale est à chercher du côté de ceux qui avaient un mandat pour servir les Marocains et qui ont failli », écrit Aïcha Akalay, directrice de la publication de TelQuel dans son éditorial, relevant les alertes dès 2016 du ministre de l’Energie, qui avait signalé une anomalie dans les prix, et de Abdellatif Jouahri, wali de Bank Al Maghrib, qui en a fait cas dans son rapport remis au roi en juillet 2017. « Les responsabilités sont claires : le chef du gouvernement, le précédent et l’actuel, les ministres de l’Énergie, des Affaires générales, tous des cadors du PJD, ont trahi leur mission publique », poursuit l’éditorialiste, faisant le parallèle avec la campagne de boycott, mais sans rappeler que celle-ci vise particulièrement Afriquia, premier bénéficiaire de cette envolée des profits, ni citer que son président est par ailleurs le membre le plus puissant de ce gouvernement et qu’il mène à la tête du RNI (faussement coalisé avec le PJD), la sourde bataille pour lui succéder à la tête de l’exécutif.
C’est ce mélange des genres entre politique et business que le peuple fustige aujourd’hui qu’il faut souligner. Le scandale des marges des pétroliers et des pressions subies par les parlementaires pour escamoter de leur rapport les faits les plus révélateurs, ne sont en réalité qu’une illustration de plus de la mal-gouvernance qui mine le pays et non celle des seules errances des ministres PJD, complices et lampistes à la fois. Ne pas le dire revient à enterrer une seconde fois le rapport caviardé de la Commission Bouanou.
Le 14 Avril 2018
Source Web : Le Desk
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