Remaniement ministériel: Prendre conscience du déficit au niveau des élites politiques
Le remaniement opéré au niveau du gouvernement de Saad Dine El Otmani a fait couler beaucoup d’encre. Alors que le Roi Mohammed VI avait appelé dans son discours du trône, à injecter du « sang neuf » au sein de l’exécutif, l’opinion publique a été surprise (et déçue) de se retrouver face aux mêmes visages, ou presque.
Le gouvernement, dans sa nouvelle mouture, est donc passé de 39 ministères à 25 avec une représentativité, presque invisible, de la jeunesse. Des technocrates ont pris les rênes des ministères à très grande responsabilité tel que Khalid Ait Taleb, nommé à la tête du ministère de la Santé. Quant à la représentativité féminine, elle a accusé une chute décevante.
Dans ce sens, Hespress Fr s’est entretenu avec Abdelhamid Benkhattab, professeur de sciences politiques à la faculté de droit Agdal-Rabat.
Hespress Fr : Que vous a inspiré ce remaniement ? que pensez-vous de l’équipe nommée?
Abdelhamid Benkhattab : Le remaniement ministériel est un procédé qui est tout à fait normal dans l’action gouvernementale puisqu’à partir d’un certain moment, le travail du gouvernement et la cohésion de l’équipe gouvernementale se trouvent en quelque sorte dans une situation de léthargie, et il faut donc, après un temps, redynamiser un peu le travail de l’équipe et intégrer de nouveaux visages. Ça permet de rajeunir (parfois) l’équipe gouvernementale, de relancer le travail, de créer plus cohésion parce que l’action gouvernementale est une action qui est susceptible d’engendrer une certaine usure chez les ministres, et du coup c’est normal de revisiter cette équipe.
Sur les réseaux sociaux, les Marocains ont fait part de leur avis, estimant qu’il était juste question de redistribution des cartes alors qu’ils s’attendaient à de nouvelles compétences à de nouveaux visages, mais surtout à ce que certains noms soient écartés, ce qui n’a pas été le cas…
Le problème c’est que nous constatons une certaine usure des élites politiques au Maroc malheureusement. Nous n’avons pas, jusqu’à présent, créé une sorte de transition intergénérationnelle, c’est-à-dire, nous avons une élite qui a été formée dans les années 60 et 70 jusqu’aux années 80 et après y’a eu un certain vide. Les universités marocaines ne produisaient plus d’élite en quelque sorte de même que les partis politiques qui ont cessé de jouer cette fonction de formation et de socialisation politiques des élites. Et un moment donné toutes les élites ont été usées. Il n’y a pas eu de nouveaux visages.
Et je crois que l’état actuellement est en train de chercher ses nouveaux visages. Généralement, on parle de technocrate, mais il ne s’agit pas de technocrate là, mais de nouveaux visages puisque ses technocrates sont déjà disponibles au sein des partis politiques. Donc, il s’agit tout simplement de chercher des visages nouveaux notamment auprès des jeunes et des femmes. Malheureusement on ce qui concerne ses derniers, nous n’avons pas créé de nouvelles élites.
On a cru à un moment donné que les élections pouvaient entraîner la liste nationale des jeunes et des femmes pour créer une élite politique féminine et jeune. Mais malheureusement, jusqu’à présent, on n’est pas encore arrivé à ce but-là. Je crois qu’il est temps de chercher ces nouveaux visages, notamment au sein des universités, au sein des partis politiques aussi, puisque ses derniers temps, l’action politique institutionnalisée n’est plus alléchante pour les élites intellectuelles. Pourquoi ? Parce que le travail partisan est devenu un travail très lourd et très institutionnalisé et qui fait perdre en quelque sorte une certaine liberté aux jeunes et aux élites intellectuelles.
Donc je pense que les partis politiques doivent jouer un rôle dans ce sens pour justement mobiliser davantage les jeunes et les intellectuels et les encourager à faire de la politique. Parce que, effectivement les jeunes font de l’action politique, mais c’est une action politique qui n’est pas institutionnalisée. C’est-à-dire, ils sont très actifs au niveau de l’espace bleu, Facebook. Ils font du cyber activisme plus qu’ils ne font de l’action politique institutionnalisée. Je pense qu’il est temps de prendre conscience du déficit que l’on a au Maroc au niveau des élites politiques institutionnalisées, c’est-à-dire qui travaille au sein des partis politiques et au sein des institutions politiques de l’état.
Vous avez parlé d’une jeunesse qui doit être représentée au sein du gouvernement. Le Roi Mohammed VI en avait également parlé, et les citoyens le souhaitent, mais…
Le changement du gouvernement et du type gouvernemental se fait souvent en fonction du mode de scrutin en place. Le mode de scrutin qui est appliqué au Maroc, qui est proportionnel et à partir de ce moment-là les partis politiques sont représentés au gouvernement selon leur poids électoral et selon le nombre de sièges qu’ils ont remporté.
Maintenant il y a un problème, c’est que lorsqu’il y a un remaniement ministériel et une diminution des postes ministériels, automatiquement cela se répercute directement sur la représentativité d’un certain nombre de partis. Ce sont généralement les petits partis qui en souffrent alors que les grands partis arrivent tout de même à résister. Par exemple, dans ce remaniement, on voit que le PJD a gardé six postes ministériels, alors que les indépendant n’en ont gardé que quatre. Donc les grands partis ne souffrent pas.
La catégorie sociale femme par exemple a vu sa représentativité diminuée à quatre postes ministériels. Pour les jeunes, on a essayé tout de même d’accorder une certaine parole aux jeunes puisque le secrétaire général de la jeunesse du PJD a été nommé ministre et puisqu’on constate qu’il y a un certain nombre de jeunes dans cette équipe-là. Mais, je crois qu’il reste toujours du travail à faire.
Justement, que pensez-vous de la représentativité de la femme au sein du nouveau gouvernement ?
La représentativité féminine a énormément souffert puisqu’on a vu que le nombre de femmes a diminué à quatre. C’est une chose que je perçois comme incompatible avec l’esprit de la constitution, notamment l’article 19 qui parle de la parité homme-femme. Je crois dans ce cas-là qu’il faudra peut-être dans l’avenir faire plus d’effort pour faire en sorte que les femmes arrivent à des postes ministériels clés.
Le 12 octobre 2019
Source web Par Hespress
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lundi 14 octobre 2019
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