L’intégration agro-industrielle, le nouveau chantier
Maroc Vert a créé 180.000 emplois permanents
L’assurance agricole, une affaire de convention
Akhannouch: «L’assurance agricole est un chantier qui revêt une importance cruciale. Au-delà des objectifs de protection des revenus et de sécurisation de l'investissement agricole, c’est un levier important pour l’amélioration de la productivité
Le cap stratégique du plan Maroc Vert sera renforcé sur les quatre prochaines années. Avec un changement majeur: la priorité sera accordée à l’intégration amont-aval. Réforme des marchés de gros, des abattoirs et lancement de plusieurs projets pilotes agro-industriels. Dans «cette bataille, il est également question d’opérer un meilleur ciblage des subventions au profit de l’aval agricole», révèle le ministre de l’Agriculture, Aziz Akhannouch. Entretien.
- L’Economiste: Avec une production céréalière de 115 millions de quintaux en 2014-2015, le secteur agricole a quand même perdu 85.000 emplois. Comment expliquez-vous ce paradoxe?
- Aziz Akhannouch: La question des emplois dans le secteur agricole doit être traitée selon une analyse globale. En effet, les nomenclatures utilisées par le BIT et le HCP ne sont pas très indiquées pour traduire la situation réelle du travail dans le secteur agricole. Le recul des emplois a concerné l'emploi le moins qualifié, ce qui est positif pour le secteur agricole. Il s’agit essentiellement d’une catégorie de jeunes entre 15 et 24 ans dont le taux de scolarisation a augmenté. Entre 2007 et 2014, le taux de scolarisation des jeunes ruraux de cette catégorie est passé de 17% à près de 33% contre 10% lors des années 2000. Cependant, le volume en journées de travail a augmenté grâce aux filières intensives en main-d’œuvre (olivier, lait, agrumes, etc.) et au développement d'emplois plus stables et moins saisonniers. Il a enregistré des hausses variant entre 10 et 15% sur les périodes 2000-2007 et 2008-2014. Sur la dernière période, près de 39 millions de journées de travail ont été créées, soit l’équivalent de 180.000 emplois permanents. Ces réalisations n’apparaissent pas dans les statistiques du HCP.
- Comment appréciez-vous l’évolution du secteur agrumicole: une production en hausse soutenue et stagnation, voire recul de l’export?
- Les chiffres ne montrent pas de recul au niveau de l’export des agrumes. La valeur des exportations a progressé de 36% en 2015 passant à 3,4 milliards de DH contre 2,5 milliards en 2009. Pour ce qui est de la campagne 2015-2016, les volumes réalisés à fin mars ont atteint 470.000 tonnes, en hausse de 23% par rapport à la même période de 2014-2015.
On note aussi un meilleur équilibrage des marchés de destination avec moins de concentration sur le marché de l’UE (40% la campagne passée au lieu de 45% en 2009-2010) et une amélioration de 7 points de la part de l’Amérique du Nord ainsi qu’une légère hausse du marché du Moyen-Orient.
- L’oléiculture peine à se positionner à l’export. Quels réglages faut-il opérer?
- Les exportations des conserves d’olive se sont maintenues durant les dernières années. Elles ont atteint 68.000 tonnes en 2015 pour une valeur de 1,25 milliard de DH. La campagne précédente, elles se sont établies à 69.000 tonnes avec une valeur sensiblement identique.
Par contre, pour l’huile d’olive, on constate une amélioration des exportations qui ont pratiquement quadruplé pour atteindre 24.000 tonnes la saison dernière contre 7.000 tonnes une campagne auparavant. En termes de valeur, cette branche a généré 691 millions de DH en 2014-2015 contre seulement 195 millions de DH en 2013-2014.
- Pourquoi l’ouverture de l’assurance agricole à d’autres opérateurs a-t-elle soulevé un tollé?
- Je ne vous cache pas que nous avons été aussi étonnés par un débat si animé et de vives réactions sur cette question. L’assurance agricole est un chantier qui revêt une importance cruciale dans le cadre du plan Maroc Vert. Au-delà des objectifs de protection, des revenus et de sécurisation des investissements des agriculteurs, c’est un levier important pour l’amélioration de la productivité à travers l’incitation à l’adoption de pratiques climato-résilientes dans un contexte de risques climatiques croissants.
La première convention avec l’assureur Mamda en 2011 nous a permis cette année de couvrir 1 million d’hectares. Depuis la signature de cette première convention, aucun assureur ne s’est manifesté pour intégrer ce secteur alors que cela a été depuis le début prévu et encouragé. Il est à rappeler d’ailleurs que le système de subvention géré par le département de l’Agriculture est universel et cible les agriculteurs. Aussi, tout opérateur répondant aux conditions requises peut bénéficier des mêmes conditions matérialisées sous forme d’une convention avec l’Etat. Une CONVENTION, je le précise et le souligne, et non pas un marché public comme plusieurs sources se sont plu à le répéter.
L’Etat a toujours montré un grand intérêt pour l’intégration de nouveaux opérateurs dans le secteur de l’assurance agricole et a toujours vivement encouragé ceux qui veulent s’y lancer.
- Excepté le sucre et le lait, toutes les autres filières sont déconnectées de l’aval. Quels sont les obstacles de ce chantier?
- Vu la nature des produits agricoles de certaines filières, notamment le sucre, le lait, les oléagineux et le riz, leur débouché principal tient aux unités de transformation. Ce qui n’est pas le cas des autres filières. Il n’en demeure pas moins que ces quatre filières constituent des modèles d’agrégation et d’intégration amont-aval très réussis et qu’il y a lieu de généraliser aux autres filières.
Cependant, depuis l’avènement du plan Maroc Vert, des avancées remarquables ont été enregistrées au niveau de l’intégration amont-aval, notamment pour la filière des fruits et légumes, où existe une capacité importante de conditionnement et d’entreposage frigorifique qui permet de valoriser ces produits. La filière oléicole, quant à elle, a connu une extension importante de la capacité de trituration des olives. Reste cependant la qualité de l’huile d’olive qu’il y a lieu d’améliorer, notamment à travers l’agrégation et la mise à niveau des huileries. L’expérience des GIE (groupements d’intérêt économique) créés dans le cadre du Millennium Challenge Account MCA est significative.
Il y a également lieu de citer la filière des viandes rouges qui s’est enrichie des expériences d’intégration amont-aval avec des projets d’abattoirs comme ceux installés à Beni Mellal, à Taroudant ou à Meknès.
- Comptez-vous concrétiser enfin la réforme des marchés de gros et des abattoirs?
- La concrétisation de la réforme des marchés de gros et des abattoirs implique plusieurs intervenants. C’est une réforme importante qui commence à trouver sa voie vers la mise en œuvre.
Un projet pilote de marché de fruits et légumes sera lancé au niveau de la région de Rabat et des réflexions ont été entamées au niveau d’autres régions (Beni Mellal, Souss, Oriental, Gharb…). Il est à signaler que ces marchés constituent des plateformes de nouvelle génération regroupant à la fois les différents produits (fruits et légumes, produits alimentaires, produits animaux et poissons…) et les services liés (logistique, commerce en gros, administratif…). La nouvelle charte communale a ouvert la voie à des partenariats public-privé pour le développement de ces marchés qui n’est plus une exclusivité des communes.
- Et qu’en est-il des abattoirs?
- Concernant les abattoirs, plusieurs mesures ont été mises en place depuis le lancement du PMV et visent l’encouragement des investissements privés et la mise à niveau des abattoirs existants. Deux cahiers des charges relatifs à l’agrément sanitaire et la gestion déléguée des abattoirs communautaires ont été préparés et diffusés aux autres intervenants.
Ces mesures ont permis la création de 3 abattoirs privés agréés par l’Onssa (Bio Beef à Meknès, Best viande à Béni Mellal et Copag viande à Taroudant) et d’autres projets sont en cours de réalisation.
Par ailleurs, et dans le cadre du contrat-programme pour le développement de la filière viandes rouges, conclu entre le gouvernement et la Fédération interprofessionnelle des viandes rouges pour la période 2014-2020, il est prévu la mise à niveau et la création de 12 abattoirs communaux. La contribution financière du ministère de l’Agriculture est fixée à hauteur de 30% du coût global de l’investissement. Une contribution conditionnée par l’externalisation de la gestion des abattoirs et la fermeture des tueries existant dans le périmètre des abattoirs communaux agréés.
Le 26 Avril 2016
SOURCE WEB Par l’économiste
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