Tourisme: Le retour de Kabbaj avec Hamid Bentahar dans la course à la présidence de la CNT ne fait pas l’unanimité
Alors qu’il s’était engagé à ne pas rempiler à la tête de la Confédération nationale du tourisme, le président sortant publie une lettre où il expose les raisons d’une nouvelle candidature. Du côté de ses détracteurs, on avance que son mandat a été un échec et qu’il convient de dissoudre la CNT pour qu’elle redevienne efficace dans le cadre d’une fédération internalisée de la CGEM.
Après avoir assuré à Médias24 et à toute la profession qu’il ne se présenterait pas à l’élection du 11 mai prochain qui renouvèlera les instances de la CNT, Abdellatif Kabbaj nous a fait parvenir à une lettre intitulée «Pour un retour à la CGEM, mais par la grande porte».
Dans ce courrier électronique censé expliquer les raisons de son revirement, il déclare avoir changé d’avis pour faire en sorte que la CNT reste une fédération indépendante du patronat marocain.
Une CNT qui a désormais les moyens de ses ambitions en dehors de la CGEM
Afin d’y arriver, il compte donc se représenter à la présidence en compagnie de Hamid Bentahar qui préside le CRT de Marrakech et qui est le vice-président du groupe Sofitel au Maroc.
Optimiste, il affirme que la CNT a désormais des financements ministériels qui lui permettront d’être (enfin) efficace (contrat progrès de 9M de dirhams sur 3 ans) en mettant en place des Fédérations régionales du tourisme, «chaînon manquant pour concrétiser la stratégie sectorielle vision 2020».
Revenant sur son précédent mandat, il évoque pêle-mêle «un goût d’inachevé» et surtout une volonté de garder la CNT en dehors de la CGEM sous peine «de dissolution et d’aveu d’échec».
Rappelons que lors d’une récente réunion (16 mars dernier), 80% des membres du Conseil d’administration de la CNT avaient voté pour son retour à la CGEM comme fédération interne mettant fin à son externalisation.
Même si aucun autre candidat ne s’est encore déclaré à la présidence de la CNT, cette prise de position combattue par Kabbaj, a de fortes chances de diviser ceux qui voteront le 11 mai prochain.
Selon un opérateur très connu du secteur, requérant l’anonymat, le candidat Kabbaj aura du mal à rassembler les électeurs pour plusieurs raisons.
Une nouvelle candidature de dernière minute téléguidée ?
« C’est une candidature curieuse car tout au long des 6 derniers mois, l’intéressé n’a cessé de clamer qu’il ne serait pas candidat à sa succession. Sa volte-face est d’autant plus étonnante que 80% des membres de son CA ont voté pour que la CNT redevienne une fédération interne de la CGEM», s’interroge notre interlocuteur qui ajoute que ce vote signe l’échec de son président qui a «un bilan quasi-nul».
«Dois-je rappeler que son propre vice-président (Fouzi Zemrani) a évoqué publiquement cet échec», précise notre source qui pense que la CNT n’a d’autre choix que de se dissoudre et de réintégrer la CGEM.
Pour illustrer son propos, il avance que les 80% n’ont pas pris cette décision sur un coup de tête.
«Certains persistent à parler de profession divisée mais le vote marque au contraire l’unité retrouvée des opérateurs du secteur. Si le score avait été de 45%-55%, on aurait pu se poser des questions mais nous sommes désormais dans une nouvelle ère avec seulement 20% qui refusent l’avis de la majorité.
A la question de savoir pourquoi Kabbaj, en minorité dans son Conseil d’administration, tient à se représenter, notre source affirme qu’il le fait pour la même raison qui a présidé à sa 1ère candidature.
«En fait, Kabbaj est le candidat de personnes qui n’apparaissent pas. Pour faire court, c’est un candidat d’obstruction car derrière lui, se cache Abderrahim El Omari (ex-président du CRT d’Agadir et de la Fédération nationale de l’industrie hôtelière, FNIH) qui est le vrai marionnettiste du secteur.
Très en retrait en apparence, il est extrêmement actif même s’il ne veut ou ne peut pas apparaitre sur le devant de la scène. Suffisamment influent, comme le président sortant, il met ses gens en avant pas pour faire du bon travail mais pour bloquer la route aux autres candidats», accuse notre interlocuteur pour qui la candidature de Kabbaj est téléguidée.
Ainsi, cette nouvelle candidature s’explique, selon lui, par une volonté de perpétuer le modèle de développement adopté en 2007 avec l’externalisation de la CNT de la CGEM et surtout la crainte de reconnaitre l’échec de leur stratégie en donnant raison à ceux qui l’ont combattue.
Quels que soient les ressorts de cette nouvelle candidature, la réélection de Kabbaj ne semble pas assurée mais il faudra attendre que le clan de ses détracteurs présente un candidat concurrent.
Il est probable que le secteur passera par de nouveaux affrontements avant le vote du 11 mai qui y mettra fin ou accentuera au contraire les divisions pendant la durée du mandat du futur président.
Contacté par Médias24, Abdellatif Kabbaj a indiqué qu'il fournirait des éléments de réponse plus tard. Pour sa part, Hamid Bentahar est resté injoignable.
En attendant, ci-après la lettre du président-sortant qui explique les raisons de sa nouvelle candidature :
« Pour un retour à la CGEM, mais par la grande porte »
«Si nous devions faire un bilan du mandat écoulé, il en ressortirait un goût d’inachevé qui nous pousse à continuer une œuvre gravée dans le contrat programme vision 2010 et qui nous a tous engagés vis-à-vis de la plus haute autorité, SM le ROI Mohamed VI que Dieu l’assiste.
Quand nous disons tous, c’est bien évidemment le secteur public mais également le secteur privé avec à sa tête la CGEM, signataire des contrats programmes Vision 2010 et 2020.
L’externalisation de la FNT en 2008 n’était pas une utopie, mais une démarche réfléchie et largement débattue par l’ensemble des acteurs de la chaîne de valeur du tourisme national. La CGEM a participé activement à cette externalisation, notamment par la rédaction des statuts mais n’est pas allée jusqu’au bout de sa démarche puisqu’elle a gardé en son sein une centaine d’entreprises touristiques qui auraient dues être redirigées directement à la FNT et de là à la CNT actuelle.
La CGEM n’a pas vocation à garder des fédérations internes, mais œuvrer à en faire des structures externes capables de relever les défis du secteur qu’elles représentent. C’est ce que nous avons appris de la bouche même des dirigeants de la CGEM.
Revenir comme fédération interne à la CGEM serait une première et en même temps, un aveu d’échec non assumé. Redevenir une fédération interne impose la dissolution de la CNT et le retour à une fédération dépourvue de personnalité morale. « Une émanation de la CGEM non assujettie à la cotisation et ne disposant pas de droit de vote dans l’Assemblée générale ».
Or la CNT actuelle est membre de droit à la CGEM et rien ne l’empêche d’utiliser ce droit pour exiger de la CGEM l’attention qu’elle mérite en sa qualité de représentant d’un secteur productif classé N° 1 en rapatriement de devises devant les MRE et N° 2 en création d’emplois après l’agriculture. Aussi notre retour en force à la CGEM est aujourd’hui plus que d’actualité pour occuper non pas un strapontin, mais un véritable fauteuil. L’appel a lancé ce jour aux candidats à la présidence de la CGEM et des réunions de travail sont fixées au courant de la semaine prochaine.
La CNT actuelle a pour mission d’honorer ses engagements tels que définis dans les contrats programmes Visions 2010 et 2020, entre autre la restructuration et l’organisation du secteur touristique privé. C’est en ce sens que nous avons proposé une feuille de route validée en décembre 2014. Elle prévoit un certain nombre d’actions dont quelques-unes ont été exécutées et d’autres attendent leur tour, et nous avons l’intention d’aller jusqu’au bout de notre démarche.
Nous avons signé un contrat progrès d’une valeur de 9M de dirhams sur 3 ans, avec le ministère du Tourisme et celui des Finances pour un accompagnement avec en toile de fond la mise en place des Fédérations régionales du tourisme, le chaînon manquant à la mise en œuvre de la stratégie sectorielle vision 2020.
Nous sommes persuadés que les régions joueront un rôle important dans le développement du tourisme de notre Royaume. Les professionnels seront d’un apport majeur pour la mise en place et l’exécution des plans de développement touristiques régionaux. La mise à niveau du produit et la digitalisation sont les clés de succès pour les prochaines années.
Sans produit répondant à la demande des marchés, toute promotion serait vaine et vouée à l’échec. On ne peut décemment pas continuer à financer des compagnies lowcost sans travailler l’attractivité de nos destinations. Et c’est aux régions de se mobiliser pour créer la demande et soigner la prestation pour un meilleur retour d’expérience client. Nous leur en donnerons les moyens.
Nous sommes persuadés que les Fédérations régionales du tourisme créeront une synergie entre les différents acteurs du tourisme : Hôteliers, agents de voyages, transporteurs, restaurateurs et guides pour une meilleure gestion de la chose touristique. Toutes leurs actions doivent prendre en compte les populations qui seront de fait convaincues que le tourisme est un atout et un levier économique et social pour tous et non uniquement un terrain de jeu pour les nantis.
Durant ce mandat, nous avons tenté de connecter certains métiers du tourisme, notamment les hôteliers et les agents de voyages par la signature en février 2015 d’une convention de partenariat. Hélas, sa mise en œuvre a été négligée faute de véritable volonté d'essayer de travailler ensemble.
Ce manque de dialogue entre les métiers est préjudiciable à la chaîne de valeur et profite en premier lieu aux ubérisateurs et autres plateformes dites collaboratrices qui créent une addiction qui finira par être fatale à tout le secteur. Le rôle de la CNT est de faire de telle sorte que ce scenario fasse le moins de dégâts possible et que les acteurs prennent conscience de l’importance de mutualiser leurs efforts et réapprennent à travailler de concert.
Durant ce mandat, nous avons essuyé des attaques dans la mise en œuvre de notre feuille de route, mais nous avons opté délibérément pour l’ouverture et la main tendue afin de souder, autant que faire se peut, nos rangs.
C’est ainsi que nous avons mis en place un comité d’experts en accord avec la CGEM pour se pencher sérieusement sur les difficultés subies par notre secteur, suite aux différentes crises conjoncturelles qu’il a eu à affronter. Aujourd’hui, nous avons une véritable IRM du secteur, sans fioritures et sans concessions, qui donne l’exacte réalité de notre tourisme et qui propose des pistes réalistes pour sortir de l’ornière.
Les membres du comité des experts ont fait un excellent travail et nous les en remercions. Il est temps pour nous maintenant de partager ce travail auprès de qui de droit et notamment le ministère du Tourisme qui doit être à notre écoute et se mobiliser avec nous pour que nous soyons tous dignes de la confiance qui a été placée dans ce secteur, lors de la signature du contrat programme Vision 2010 et par la suite celui de Vision 2020.
Pour ma part, un nouveau mandat est indispensable pour continuer un travail entamé et qui mérite d’être mené à son terme. Monsieur Hamid Bentahar, homme de défis, me fait l’honneur de m’accompagner dans cette nouvelle quête de réhabilitation de notre tourisme afin de prouver que la confiance qui a été placée dans ce secteur était méritée.
A l’heure où le tourisme reprend des couleurs, il serait injustifiable de rompre un équilibre que nous avons mis beaucoup de temps à instaurer et d'ouvrir une boite de pandore dont on ne connaît pas les conséquences.
Dans le cadre du comité des sages que nous avons mis en place avec la CGEM, nous avons pris l’engagement d’œuvrer dans la cohésion et un sens accru de la responsabilité. Aussi, nous lançons ce jour un appel à tous les professionnels pour nous rejoindre le 11 mai afin de relever les défis et créer le véritable Big Bang.
Le 30 Avril 2018
Source Web : Médias 24
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