Délais de paiement: Grand retard à l’allumage
La nouvelle réglementation entre en vigueur le 19 septembre 2017
Les textes d’application n’ont toujours pas été publiés
Les établissements publics rattrapés le 1er janvier 2018
La toute nouvelle loi sur les délais de paiement serait-elle en train de faire un faux départ? L’article 6 stipule que la loi entre en vigueur un an après sa publication au Bulletin officiel et que ses textes d’application doivent être publiés dans ce délai. Or, la réglementation a été publiée dans la version arabe du B.O. n°6501 du 19 septembre 2016. Plus qu’un mois pour l’échéance d’un an arrive à terme. Et aucun texte n’a encore vu le jour.
La réforme de la loi fera-t-elle donc chou blanc? «Tant que les textes d’applications ne sont pas publiés, la loi est inapplicable. Le nouveau texte n’abroge pas la loi actuelle. Par conséquent, elle reste en vigueur», confie un conseiller juridique et fiscal.
Le premier texte et non des moindres concerne la possibilité pour certains secteurs de signer des accords sur des délais dérogatoires, dépassant les 3 mois maximum prévus par la loi. La liste des secteurs potentiellement concernés n’a pas été fixée, mais elle pourrait comprendre l’agriculture, la pêche, l’agroalimentaire, le BTP… L’article 3 de la loi accorde à ces branches la possibilité de signer des accords professionnels entre le 1er janvier et 31 décembre 2017. Un délai qui arrivera à échéance dans moins de quatre mois.
Ces accords ne peuvent être conclus que par des organisations professionnelles. Les entreprises prises de manière individuelle sont exclues de cette dérogation, qui devra être motivée par «des raisons économiques objectives spécifiques au secteur», notamment sur la base des délais de paiement moyens au cours des trois dernières années précédant l’accord. Ce dernier doit impérativement prévoir un calendrier pour la réduction progressive des délais dérogatoires et l’aboutissement à l’alignement sur la loi. L’accord, qui sera limité à l’année 2017, doit également prévoir l’application de pénalités de retard. Autant de considérations qui doivent être fixées par décret. Un décret qui ne verra le jour qu’après le visa du Conseil de la concurrence. Une institution constitutionnelle en stand-by depuis plusieurs années et qui n’est pas près d’être réactivée.
Un décret similaire devra également être élaboré pour autoriser des délais spécifiques à certaines activités qui se distinguent par leur caractère saisonnier. Mais dans ce cas, la loi exige que les délais dérogatoires soient fixés sur «la base d’études objectives faisant état d’une analyse des données relatives à ces secteurs». Là encore, l’avis du Conseil de la concurrence est incontournable. Ce qui complique l’application de la loi.
Dans sa version précédente, la loi sur les délais de paiement prévoyait des pénalités de retard de 10%. Une note que beaucoup d’opérateurs privés jugeaient pénalisante. Le gouvernement et la CGEM avaient convenu d’en revoir le montant à la baisse. Sauf que les discussions n’ont toujours pas démarré. Résultat: pas de décret.
Selon les premières indiscrétions, l’objectif serait de les ramener autour de 7%. Pour rappel, les intérêts moratoires, qui sont pour les marchés publics ce que les pénalités de retard sont pour les transactions commerciales, sont indexés sur le taux moyen pondéré des bons du Trésor à trois mois, souscrits par adjudication au cours du trimestre, majoré de 1 point. Soit environ 3%. Les opérateurs concernés ne sont toujours pas fixés sur le montant des pénalités de retard qu’ils doivent appliquer.
«Dans le secteur de l’agrumiculture, ce sont les producteurs eux-mêmes qui devraient fixer les délais de paiement en fonction de chaque type de variété. L’objectif étant de mieux protéger les producteurs. Ces délais doivent tenir compte des nombreuses spécificités du secteur agricole», explique Ahmed Derrab, secrétaire général de l’Aspam et membre du conseil d’administration de Citrus Maroc.
La loi 49-15 institue également un observatoire sur les délais de paiement. Comme son nom l’indique, la structure sera chargée de fournir au gouvernement «des analyses et études basées sur des observations statistiques relatives aux pratiques des entreprises en matière des délais de paiement». Les modalités de fonctionnement de l’observatoire doivent être fixées par décret. Un texte qui n’a toujours pas été publié.
L’absence des textes d’application vide la loi sur les délais de paiement de toute sa substance et la rend inapplicable. Par ailleurs, les opérateurs sont tiraillés entre la loi actuelle et celle qui entrera officiellement en vigueur dans un peu plus d’un mois. Ce qui n’empêche pas certains vérificateurs des impôts de rejeter la comptabilité en cas de non-application des pénalités de retard.
Pour rappel, les créances nées avant la publication du nouveau texte ne sont pas concernées. Les établissements publics à vocation commerciale n’entreront dans le champ d’application de la loi qu’à partir du 1er janvier 2018.
L’exception française
En France, une personne ou une entreprise ne pouvant honorer ses échéances de crédit peut demander des délais de paiement supplémentaires ou un rééchelonnement. Dans beaucoup de cas, une simple lettre motivée suffit. Dans d’autres, elle peut recourir à la justice pour demander la suspension des créances. Mais le débiteur doit être de bonne foi et convaincre le juge qu’il passe par des difficultés conjoncturelles et qu’il sera de nouveau en mesure de régler ses dettes. Ces difficultés peuvent être un divorce, une perte d’emploi, un accident, un incendie… Certaines dettes sont exclues de ce dispositif, telles que la pension alimentaire, l’indemnité compensatoire en cas de divorce… Le report ou l’étalement des échéances ne doit pas dépasser 24 mois. Les dettes reportées sont majorées d’intérêts réduits et les règlements s’imputeront d’abord au capital. La demande peut être effectuée en référé.
Le 07 août 2017
SOURCE WEB Par L’économiste
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