Tourisme de croisière: le naufrage !
Désemparés, les professionnels du tourisme de croisière semblent avoir perdu le cap, impuissants face à la déconfiture que subit cette niche touristique qui représente pourtant un segment très porteur. Aussi bien pour le secteur que pour l’économie nationale au sens large.
Tous les indicateurs sont dans le rouge ! En se référant aux dernières statistiques de l’Agence Nationale des Ports (ANP), le tourisme de croisière a enregistré un repli de 8% sur les deux premiers mois de l’année, avec tout de même une progression au niveau des deux principaux ports de croisière marocains : Agadir (+52%) et Casablanca (+8%). Des chiffres à prendre toutefois avec des pincettes, comme nous l’explique Jalil Madih, DG d’Alizées Travel – le principal opérateur du secteur : « Les statistiques de janvier-février ne sont pas significatives, car le gros de notre activité se déroule sur la période comprise entre septembre et décembre. La programmation des escales pour les mois à venir n’augure rien de bon, la situation est même désastreuse ! ».
Une baisse structurelle
Le secteur enregistre en effet une suite de contre-performances et ce pour la 4ème année consécutive. 2016 s’est achevée sur un repli de 23% et, selon les professionnels, la tendance baissière devrait continuer en 2017 et 2018, avec une chute drastique de l’activité comprise entre -50 et -75% !
Si certains mettent cette hécatombe sur le compte d’une perception géopolitique peu favorable pour la région, Jalil Madih estime que cette débâcle du secteur est essentiellement due à des facteurs structurels. « Le tourisme de croisière s’est écroulé ces quatre dernières années car rien n’a été fait pour le préserver, alors qu’il a fallu plus de 20 ans d’efforts pour positionner la destination Maroc sur ce segment prometteur ».
Facteurs organisationnels
Pour ce professionnel, le secteur est surtout plombé par une conjoncture de facteurs organisationnels : l’accueil est calamiteux (« on n’a même plus le droit de faire entrer une troupe folklorique ! »), les procédures administratives au sein du port sont très lourdes, ce qui fait perdre un temps considérable aux croisiéristes (« les escales sont chronométrées. Quand on accoste pour une durée de 12hr, il est aberrant d’attendre 3hr qu’on tamponne votre passeport »). Le transport et les guides touristiques en prennent également pour leur grade : « beaucoup de guides ne respectent pas leur programme et font tout simplement l’impasse sur la visite de certains monuments, ce qui génère son lot de réclamations de la part des croisiéristes. Quant au transport, c’est une véritable anarchie. Les minibus touristiques sont interdits d’accès au port, alors que les taxis sont autorisés. Ces derniers font quasiment la loi au sein des ports ! », déplore le DG d’Alizées Travel.
Un autre facteur, d’ordre sécuritaire, dessert fortement le tourisme de croisière. Les ports marocains sont en effet classés au niveau 2 d’alerte, ce qui les place dans la catégorie des ports à risque aux yeux des armateurs internationaux. Ces derniers deviennent de plus en plus réticents à programmer des escales au Maroc dans un tel contexte, préférant orienter leurs navires vers les ports de Gibraltar, Ceuta ou encore les Iles Canaries. « Certaines compagnies majeures – comme Costa Travel, sont passées de 180 escales il y a quelques années à 12 en 2017, et seulement 4 en 2018 ! C’est un véritable naufrage… »
Plusieurs milliards de DH de pertes !
Un naufrage d’autant plus incompréhensible que le tourisme de croisière est un segment à forte valeur ajoutée, en termes de retombées économiques. Un croisiériste dépense en moyenne 140 euros, soit au total environ 500.000 DH pour une seule escale. En matière d’emploi, chaque escale profite à quelques 600 postes directs et indirects. Au vu de ces chiffres, il apparait clairement que le coût économique de la contre-performance du secteur se chiffre en milliards de DH de pertes, sans oublier la publicité négative de milliers de croisiéristes échaudés par leur « mauvaise expérience ».
Pourtant, à en croire les professionnels, rien n’est fait pour redresser la barre. « Ces dernières années nous avons eu des dizaines de réunions avec des officiels, que ce soient des représentants du ministère du Tourisme, de l’ONMT, de la Wilaya de Casablanca, de la Capitainerie du port,… Ces responsables écoutent certes nos doléances avec un grand intérêt, mais force est de constater qu’il y a très peu d’actions concrètes qui sont entreprises », souligne Madih, qui a du se résoudre à se séparer de plusieurs membres de son équipe en raison de la baisse drastique du chiffre d’affaires de son agence.
Cette débâcle du tourisme de croisière au Maroc est d’autant plus inquiétante que le Royaume mène un certain nombre de grands chantiers faisant la part belle à ce segment, à l’instar des ports de plaisance de Tanger et de Casablanca, opérationnels dès l’année prochaine. De belles infrastructures modernes et rutilantes, mais qui risquent de ressembler à des ports fantômes si les responsables du secteur continuent de jouer les spectateurs, face à un secteur qui n’est plus que l’ombre de lui-même.
Le 06 Avril 2017
SOURCE WEB Par Tourisme Et Gastronomie
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