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Pour Pierre Rabhi, la COP 22, c’est de la perte de temps…

Pour Pierre Rabhi, la COP 22, c’est de la perte de temps…

4 novembre à Casablanca. Conférence de presse de Pierre Rabhi à l’Eglise Notre Dame de Lourdes. DAVID RODRIGUES / LE DESK

Passer des paroles aux actes pour préserver la planète, c’est tout à fait possible selon Pierre Rabhi, agro-écologiste et amoureux de la nature, célébré comme un messie là où il passe. Mais pour lui, ça ne passera pas à travers la COP 22, loin de là. Pessimisme ou simple réalisme ? Interview

Pierre Rabhi, agro-écologiste et fondateur de différents mouvements comme La Terre et L’Humanisme, est bien connu pour ne pas mâcher ses mots. Ce n’est pas à 78 ans qu’il va se taire. La terre, il l’aime et la respecte. Ce penseur français d’origine algérienne vit depuis plusieurs années en France où il a une ferme agro-écologique. Reconnu comme un spécialiste dans ce domaine, il est invité en Afrique ou en Europe pour prêcher « la bonne parole  ».

Dans ces conférences, il explique en résumé que le monde ne changera pas tant qu’il n’y aura pas de prise de conscience de la part du peuple. Chacun d’entre nous aurait le pouvoir de ne pas suivre les politiques menées depuis des années qui tendent à détruire la planète. C’est sûr, ce paysan comme il aime le dire, ne croit plus aux gouvernements et aux représentants qui depuis lundi 7 novembre enchaînent les assemblées à Marrakech pour mettre en œuvre à partir de 2020, le si « historique » Accord de Paris.

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Comme à l'accoutumée, une foule compacte est venue écouter, le semeur d'idées, Pierre Rabhi à l'Eglise Notre Dame de Lourdes de Casablanca. DAVID RODRIGUES / LE DESK

Pierre Rabhi serait-il en fait pessimiste ou juste réaliste des promesses entendues à maintes reprises par les pays, faisant croire que le problème est désormais pris en considération et que tout est fait pour sauver la planète ou plutôt l’humanité ?  A chacun d’en juger.

Vous prônez l’agro-écologie depuis 50 ans, comment ce concept s’est développé au Maroc ?

Il ne s’est malheureusement pas assez développé d’où la nécessité du centre de formation dédié à l’agro-écologie que nous avons fondé il y a 3 ou 4 mois de cela, près de Marrakech. Il faut faire connaître ce concept et le propager car nous sommes dans une problématique agricole extrêmement grave. Il faut arrêter avec cette agriculture dite moderne, c’est-à-dire avec l’usage massif de produits chimiques qu’on met dans la terre pour la fertilité et pour lutter contre les parasites. Ce centre qui est le premier que nous ouvrons au Maroc, a pour but d’apprendre aux agriculteurs, aux paysans, aux jardiniers, à tout ceux qui le souhaitent, des méthodes agro-écologiques qui respectent évidemment l’environnement et qui vont au final améliorer les conditions de la société.

Quels sont les freins qui empêchent l’essor de l’agro-écologie au Maroc ?

Je suppose qu’elle n’a pas été beaucoup proposée. Si je prends l’exemple de la France, le ministre de l’Agriculture parle enfin d’agro-écologie comme d’une politique nationale. Jusqu’à présent, elle était considérée pour certains comme régressive et non pas progressive. Maintenant, l’opinion, je dirai même au niveau planétaire, commence à se rendre compte qu’on ne peut pas se nourrir avec des denrées qui ne sont pas vraiment vivantes.

Quel regard portez-vous sur le développement durable (le plan solaire, les éoliennes ou encore la gestion des déchets) au Maroc ?

Je ne peux être que satisfait. Les consciences marocaines sont en train de s’éveiller à ces problématiques comme dans d’autres pays. Je continue à dire que si nous continuons à tout détruire, à tout polluer, cela signifie qu’insidieusement, nous allons vers le suicide. Quand vous voyez, des pays qui autorisent les OGM, c’est totalement criminel ! On introduit dans la vie des organismes génétiquement modifiés qui vont avoir des conséquences extrêmement graves, non seulement sur l’environnement, sur les animaux mais aussi sur les être-humains. Toute l’opinion publique doit comprendre qu’il y a une tendance qui est liée au profit uniquement financier et qu’elle est en train de mettre en danger l’ensemble de la planète.

Depuis lundi 7 novembre, s’est ouverte la COP 22 à Marrakech. Le comité de pilotage a assuré depuis des mois que la COP 22 serait la COP de l’action, vous y croyez ?

Ces histoires de COP, ça me fait un effet soporifique ! On fait croire au monde qu’on s’occupe réellement des problématiques sur le climat alors qu’en fait, on fait diversion en organisant ces grandes messes internationales. Car si les gouvernants étaient si réveillés que cela, ils prendraient des décisions radicales et tout de suite. Il faut arrêter le massacre. L’écologie, c’est la vie. Il n’y a pas la nature et nous. La terre et l’homme sont indissociables. Il serait dommage de ne pas enfin prendre conscience que nous avons à prendre soin de la vie à laquelle nous devons la vie pour notre survie.

L’Accord de Paris qui est entré en vigueur vendredi 4 novembre n’est pas contraignant. Est-ce que selon vous, c’était donc une erreur ?

C’est au bon-vouloir des pays… Un chef d’Etat aussi haut soit-il, est totalement dépendant de la nature et de la vie et s’il considère la planète comme une ressource qu’il faut piller et avec laquelle, il faut faire du fric, à ce moment-là, rien n’a été compris. La planète est une oasis magnifique. On devrait en prendre soin et être reconnaissant d’y vivre et non pas l’épuiser. C’est là où pour moi, l’humanité n’est pas intelligente.

Mais ne pensez-vous pas que sans financement, on ne pourra pas faire bouger les lignes ?

Il faut que l’être-humain change. Regardez ce qu’il se passe aujourd’hui : on bombarde, on massacre, on tue… Vous savez ce qui est dépensé comme argent pour la fabrication des armes ? C’est là tout le problème. L’être-humain est devenu dangereux pour lui-même. Il est devenu dangereux pour la nature. S’il n’y a pas ces changements-là, rien ne va bouger.

Pour la première fois, les Etats non-étatiques (la société civile, les villes et le secteur privé) vont participer à une COP. Pour vous, ce n’est pas une bonne nouvelle ?

Nous perdons du temps. Qu’on continue à gloser, à se réunir, à faire des déclarations, pendant ce temps, le bateau coule ! Chacun d’entre nous devrait faire un pas dans le bon sens. Si une personne peut cultiver son jardin, c’est déjà un acte politique car vous vous engagez à honorer la vie de vos propres mains. Il y aussi des boycotts à faire. Quand je vois tous ces pousseurs de caddys qui vont donner leur argent aux multinationales et qui vont ensuite les critiquer. On est dans l’incohérence la plus totale. Donc il faut revenir à la cohérence.

Le 09 Novembre  2016
SOURCE WEB Par Le Desk

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