Un gouvernement de l’ami du roi, mais présidé par un islamiste

Le PJD est dans la tourmente. C’était sans doute aussi un des buts de ceux qui l’ont poussé à mettre les deux genoux à terre.
Les islamistes marocains auront bu le calice jusqu’à la lie. Ils ont mis un premier genou à terre, fin mars, en acceptant les conditions posées par un homme proche du roi Mohammed VI pour former une coalition gouvernementale. Ils ont mis le deuxième genou à terre, début avril, en transigeant sur la composition d’un Exécutif où non seulement ils perdent du poids mais dont fait partie l’une de leurs bêtes noires.
Six mois après les élections législatives, le Maroc a enfin un gouvernement pléthorique composé de 39 ministres et secrétaires d’État appartenant à six partis politiques nommés hier, mercredi, par le souverain. L’islamiste Saadeddine El Otmani a réussi en deux semaines ce que son chef politique, Abdelilah Benkirane, n’était pas parvenu à faire en cinq mois : former un gouvernement.
Mais il en a payé le prix fort car le nouvel Exécutif ne reflète pas tout à fait le résultat des élections d’octobre 2016 que le Parti de la justice et du développement (PJD), islamiste modéré, dont Benkirane est le chef incontesté, a gagné avec une majorité relative plus large que celle qu’il avait obtenue cinq ans auparavant.
El Otmani a d’abord accepté, comme le lui exigeait Aziz Akhannouch, un milliardaire et homme politique très proche du monarque, que l’Union socialiste des forces populaires (USFP), un parti en déclin, fasse partie de la coalition avec une autre formation encore moins importante (l’Union constitutionnelle). Leur apport de voix à la Chambre des représentants (Parlement) n’était pas nécessaire. La manœuvre était autre : plus la coalition s’élargissait, moins le vainqueur électoral serait influent.
Aux portefeuilles qu’occupent les six partis, il faut d’ailleurs ajouter ceux de souveraineté, c’est-à-dire de ministres sans appartenance politique mais directement choisis et nommés par le roi, même si cela ne rentre pas dans ses attributions constitutionnelles. Ils lui rendent donc davantage compte qu’au chef de l’Exécutif.
La liste est longue. Il s’agit notamment du ministre des Habous, Ahmed Toufiq de celui des Affaires étrangères, Nasser Bourita de l’Intérieur, Abdelouafi Laftit du responsable de la Défense nationale, Abdellatif Loudiyi ou encore du secrétaire général du gouvernement, Mohamed Hajoui, qui a rang de ministre.
Le ministère de l’Éducation nationale est lui aussi apparemment tombé cette fois-ci sous la coupe du Palais. Son patron est désormais Mohamed Hassad, ministre de l’Intérieur dans le précédant gouvernement et qui a fait toute sa carrière dans l’appareil d’État. C’est lui qui, quand il était wali de Tanger, avait fait interdire, en août 2012, un meeting des jeunesses islamistes où Benkirane devait prendre la parole.
L’entrée de Hassad, en 2014, dans son gouvernement comme ministre de l’Intérieur, avait été dure à avaler pour Benkirane tout comme l’est maintenant pour Otmani l’arrivée à ce même portefeuille d’Abdelouafi Laftit, qui était wali de Rabat jusqu’à mercredi. Quand il occupait ce poste, il avait acheté, début 2016 dans un quartier huppé de Rabat, un terrain appartenant à l’État à un prix dix fois inférieur à sa valeur de marché. Les islamistes lui avaient véhément reproché de s’enrichir sur le dos de l’État, mais les ministères des Finances et de l’Intérieur étaient sortis en trombe défendre la légalité de l’opération.
Les revers du PJD ne s’arrêtent pas là. L’un de ses poids lourds, Mustapha Ramid, perd le ministère de la Justice pour devenir ministre des Droits de l’Homme, un nouveau portefeuille sans grand contenu. Autre revers : certains ministres islamistes dans le dernier gouvernement Benkirane deviennent maintenant ministres délégués soumis à l’autorité de ministres à part entière.
Le nombre de portefeuilles dévolus au PJD (125 sièges au Parlement ) est à peine supérieur à celui du Rassemblement national des indépendants (37 sièges). Il est vrai que cette formation, créée de toutes pièces par l’Intérieur à la fin des années soixante-dix, est dirigée par Aziz Akhannouch, l’homme d’affaires proche du souverain. Cet homme qui détient la deuxième fortune du Maroc, d’après la revue américaine Forbes, garde lui-même le portefeuille de l’Agriculture et voit même ses compétences élargies. « On a le gouvernement d’Akhannouch, mais présidé par Otmani », blaguent certains Marocains sur les réseaux sociaux.
Toutes ces déconvenues provoquent des tiraillements au sein de la formation islamiste. Elles sont d’abord palpables sur les réseaux sociaux où nombre de jeunes qui disent militer au PJD ou qui sympathisent avec le parti expriment leur déception et avouent, parfois, se sentir humiliés.
Parmi les ténors du parti, des voix s’élèvent aussi pour revendiquer la tenue d’un Conseil national, l’organe suprême de la formation, pour débattre du bien-fondé des concessions réalisées.
Abdelali Hamiddine, vice-président de ce Conseil national, ose expliquer avec franchise que ce gouvernement « n’est pas le résultat d’alliances entre partis politiques libres et souverains ». « Il est l’expression de la volonté des plus forts imposée à des partis politiques dépourvus de toute volonté », ajoute-t-il.
Allant jusqu’au bout de ce raisonnement, certains islamistes se demandent même s’il ne faut pas prendre ses distances avec un gouvernement dirigé, en théorie, par l’un des leurs. Le parti est dans la tourmente. C’était sans doute aussi un des buts de ceux qui l’ont poussé à mettre les deux genoux à terre.
Le 06 Avril 2017
SOURCE WEB Par Le DESK
Les tags en relation
Les articles en relation

Cumul de mandats : Le gouvernement peut mieux faire
Aziz Akhannouch, Fatima-Zahra Mansouri, Nabila Rmili, et dans une moindre mesure Abdellatif Ouahbi et Fouzi Lekjaa, cumulent leurs postes de ministres au gouver...

Le Roi Mohammed VI entame sa visite officielle en Russie
Le Roi Mohammed VI est arrivé dimanche soir à Moscou? où il a entamé sa visite officielle en Russie. Des entretiens avec le président Poutine sont prévus,...

Un IS à 0% pendant 5 ans comme incitation
Le roi Mohammed VI a également présidé la cérémonie de signature d’une convention de partenariat entre le ministère de l’Industrie, du commerce, de l�...

Accor Renforce Sa Présence au Maroc : Rencontre Stratégique avec Aziz Akhannouch et Fatim-Zahra Am
Le Chef du Gouvernement, M. Aziz Akhannouch, accompagné de Mme Fatim-Zahra Ammor, Ministre du Tourisme, a rencontré ce jeudi M. Sébastien Bazin, Président D...

Développement urbain : Mise en lumière de la corniche de la baie d’Agadir
Le front de mer est doté d’un éclairage public et scénique. 80% d’économie d’énergie par rapport aux anciennes installations. Le jardin historique La...

Le gouvernement dissimule des informations à son porte-parole Mustapha Baitas
Le porte-parole du gouvernement, Mustapha Baitas, trouve du mal à répondre aux questions des journalistes lors de ses conférences de presse hebdomadaires fau...

Nasrallah Belkhayate : « Il est temps d’adopter la « Diplomatie Twitter » !
A l’issue des travaux du Conseil et conformément aux dispositions de l’article 49 de la Constitution, et sur proposition du Chef du gouvernement et à l’...

Paris : soirée sous le signe de l'amitié franco-marocaine à l'initiative du Cercle Eugène Delacr
Le Cercle Eugène Delacroix (CED), une association d'élus marocains de France visant à promouvoir l'amitié entre les deux pays, a organisé, vendredi...

Analyste sud-africaine: la tournée royale en Afrique de l’Est, preuve éloquente de l’engagemen
La tournée qu'effectue actuellement du roi Mohammed VI en Afrique de l’est donne la preuve éloquente de l’engagement du Maroc en faveur d’une vérit...

Reportage. Mon voisin s’appelle Akhannouch
Au milieu des résidences luxueuses du quartier Californie de Casablanca, se niche Douar Laâtour, un bidonville où 400 familles vivent en marge du paradis. Te...

Vidéo. Matières scientifiques en langues étrangères: Ayouch recadre Benkirane
Une rencontre a été organisée, hier samedi 6 avril à Fès, sous le thème "Quelle langue enseigner au Maroc?". Ladite rencontre intervient suite à la polé...

Maroc: Akhannouch préside à Tiznit la cérémonie d'ouverture de la 3ème édition du Salon nation
Le ministre de l’Agriculture, de la Pêche Maritime, du Développement Rural et des Eaux et Forêts, Aziz Akhannouch, a présidé mercredi à Tiznit, la cér�...