Gouvernement : L’heure du Plan B ?
Il y a plusieurs semaines, La Nouvelle Tribune écrivait, à propos de la constitution du gouvernement « Benkirane 3 », que « les carottes étaient cuites ». Il semble bien qu’aujourd’hui, M. Abdelilah Benkirane ne soit en demeure de les manger, puisqu’on ne saurait lui conseiller d’appliquer l’adage « le vin est tiré, il faut le boire » !
Quoi qu’il en soit, tout porte à croire désormais que le chef du gouvernement pressenti est dans une posture particulièrement délicate, laquelle d’ailleurs, alimente fortement les rumeurs selon lesquelles M. Benkirane s’apprêterait à jeter l’éponge, dès que l’occasion lui serait donnée d’une audience royale.
Hypothèse particulièrement plausible parce que de toute évidence le Secrétaire général du PJD ne veut pas revenir sur son refus radical d’accepter la participation de l’USFP dans son équipe, ce que demandait il y a plusieurs semaines son homologue du RNI, M. Aziz Akhannouch.
Mais, depuis début janvier, bien de l’eau a coulé sous les ponts, du fait notamment d’une pluviométrie généreuse cette année et qui augure d’une bonne saison agricole…
Dialectique arithmétique
Au sein de l’opinion publique, ou du moins chez ceux qui s’intéressent encore à la politique, deux thèses se discutent.
La première fait porter la responsabilité de l’échec de la démarche de M. Benkirane à ceux qui « veulent lui forcer la main » et ne tiennent pas compte des résultats du suffrage universel tels qu’exprimés à l’issue des législatives du 7 octobre 2016.
Le PJD a obtenu la majorité des voix, disent-ils, à lui donc de constituer un gouvernement selon ses seuls paramètres et objectifs. M. Benkirane serait donc « une victime », pénalisée de surcroît par les prétentions d’un petit parti, l’USFP, lequel devrait se satisfaire de la présidence de la Chambre des Représentants, une place qu’il ne mériterait pas au vu des voix récoltées lors des dernières élections.
Les tenants de la seconde thèse font valoir qu’une majorité étriquée comme celle obtenue par les partisans de M. Abdelilah Benkirane ne leur permet absolument pas de vouloir faire l’impasse sur la relativité même de cette victoire électorale. Et d’ajouter que ladite consultation s’était caractérisée par un très fort taux d’abstention, une large proportion de bulletins nuls et la non participation au vote de millions de Marocains et Marocaines qui ne sont même pas inscrits sur les listes électorales !
Et ceux-là d’insister également sur la nécessité de mettre sur pied une coalition large et solide afin de donner au prochain gouvernement l’assurance d’une législature sans heurts, ni surprises, ni défections…
Chacun mesurera la pertinence de l’une et l’autre positions, mais, ce qui ne saurait être discuté, tant la position est forte, ce sont les conditions et souhaits émis par le Roi Mohammed VI lors de son discours du 6 novembre 2016 à Dakar.
Les propos royaux avaient été forts clairs et si au jour d’aujourd’hui, il n’y a toujours pas de gouvernement Benkirane 3, c’est sans doute parce que la personnalité pressentie pour le constituer n’a pas vraiment respecté de telles conditions…
Il apparaît donc, ainsi, que le différend ne se situe pas vraiment entre MM. Benkirane et Akhannouch, ni même entre le PJD et l’USFP, mais plutôt entre le Chef de l’État et celui qui a été choisi le 10 octobre dernier pour former un gouvernement.
A qui gagne, perd…
Au stade où en sont les choses, les citoyens comprennent de mieux en mieux qu’un bras de fer, qui ne dit pas son nom, se déroule sous leurs yeux, avec, en filigrane, deux conceptions de la conduite des affaires publiques.
L’une, celle de M. Benkirane, est passablement totalitaire dans son essence, dans ses objectifs, dans sa perspective. Elle fait, d’ailleurs, curieusement penser au modus operandi de l’AKP turc et de son chef M. Erdogan. Et elle se résume en une phrase : « on a gagné, on rafle tout et on décide de tout », au nom de cette victoire, obtenue, certes, par le biais du suffrage universel.
L’autre, énoncée, répétons-le, lors du discours royal de Dakar en novembre dernier, est soucieuse des grands équilibres qui régissent la vie politique de ce pays, du pluripartisme, mais aussi, voire surtout, de la gouvernance publique et des attentes citoyennes qu’elle doit satisfaire.
On pourrait donc s’attendre, dans les prochains jours, à la fin de ce feuilleton, mais bien malin est celui qui peut d’ores et déjà en prédire la dernière scène.
Ce qui paraîtrait logique, c’est que le constat de l’échec de M. Abdelilah Benkirane soit établi au plus haut niveau de l’Etat. Si ce dernier avait pu réussir, il l’aurait sans doute fait bien avant aujourd’hui. Et si l’on avait voulu qu’il réussisse, le dénouement serait intervenu il y a longtemps…
Alors donc que certains en viennent à évoquer un possible arbitrage royal, d’autres croient qu’ « après l’heure, c’est plus l’heure ». Et que la crispation de M. Benkirane et l’absence de réaction de M. Akhannouch depuis plus de quinze jours, prouvent bien que « les carottes sont effectivement cuites » !
Enfin, on ne saurait terminer une telle analyse sans évoquer le mutisme et l’absence de réaction d’une force politique, le PAM, pourtant arrivé second aux législatives de 2016.
Son leader, M. Ilyass El Omari, n’est pratiquement pas intervenu durant ces cinq mois (et plus) sinon pour déclarer au lendemain même du 7 octobre 2016, que son parti ne participerait pas à un gouvernement dirigé par le PJD et M. Benkirane.
Le PAM est-il dans l’expectative parce qu’on l’aura gardé « en réserve de la Monarchie » ?
Ne serait-il pas tout ou partie d’un « Plan B » qui, forcément, existe même si son contenu n’est sans doute connu que de quelques privilégiés ?
Car, comment imaginer, cent cinquante jours après les élections législatives, que les plus hautes autorités de l’Etat n’ont pas pris la pleine mesure de cette crise institutionnelle ?
En politique, comme en d’autres choses, tout blocage force à la réflexion, à l’innovation, à l’audace, surtout quand les textes constitutionnels sont incomplets…
Une vérité qui, peut-être, sera évidente pour tous dans quelques jours…
Le 14 Mars 2017
SOURCE WEB Par lnt.ma
Les tags en relation
Les articles en relation
Un gouvernement de l’ami du roi, mais présidé par un islamiste
Le PJD est dans la tourmente. C’était sans doute aussi un des buts de ceux qui l’ont poussé à mettre les deux genoux à terre. Les islamistes marocain...
Akhannouch : le continent africain est bien outillé pour intégrer les chaînes de valeurs mondiale
Le Maroc, sous la Vision éclairée de SM le Roi Mohammed VI, a placé, ces 20 dernières années, l'intégration africaine au cœur de sa vision de dévelo...
Diplomatie Le Gouvernement marocain décide de suspendre tout contact avec les institutions europée
Tout contact est suspendu à l'exception des échanges au sujet du recours relatif à l'accord agricole. Le Conseil du gouvernement a écouté un exp...
Une nouvelle politique du médicament en cours de finalisation au Maroc
Le ministère de la Santé et de la protection sociale finalise le projet d’une nouvelle politique du médicament au Maroc. Les détails dans cette revue de p...
Candidature du Maroc au Mondial 2030 : Akhannouch préside la première réunion consacrée à l’a
Aziz Akhannouch, chef de gouvernement, a présidé, ce jeudi 22 juin 2023 à Rabat, la première réunion ministérielle consacrée à la candidature du Maroc q...
Développement urbain : Mise en lumière de la corniche de la baie d’Agadir
Le front de mer est doté d’un éclairage public et scénique. 80% d’économie d’énergie par rapport aux anciennes installations. Le jardin historique La...
Le Musée Timitar à Agadir : un projet cher à Aziz Akhannouch avance à grands pas
Aziz Akhannouch, chef du gouvernement marocain et maire d'Agadir, attache une grande importance à la concrétisation du projet du Musée Timitar, et les pr...
Festival des amandiers Les produits du terroir à l'honneur à Tafroaut
Le Festival ambitionne de contribuer à la valorisation du patrimoine de l’Anti-Atlas et à l’amélioration des conditions socio-économiques des population...
Adoption d’une politique nationale de transformation économique
Création d’emplois, transformation économique. A la Chambre des représentants, le Chef du gouvernement, Aziz Akhannouch, a rappelé les engagements pris et...
Carburants : Le Maroc aux premiers rangs pour la cherté des prix, comparé à ses voisins arabes
S’il est deuxième pour le prix moyen de l’essence, qui atteint 17,78 dirhams le litre, le Maroc se classe au premier rang en termes de cherté des prix pou...
Maroc : le départ à la retraite à 63 ou 65 ans ?
À l’instar de nombreux pays, le Maroc exprime la nécessité de reporter l’âge de départ en retraite pour rétablir l’équilibre financier des régimes...
Aziz Akhannouch : Les assurés par la CNSS passent de 7,8 millions de personnes à plus de 23,2 mill
Une bonne partie de la population marocaine est désormais couverte par la CNSS. Les chiffres présentés par le chef de gouvernement, Aziz Akhannouch, devan...