Maroc - Salima Naji, anthropologue et architecte »
Entretien sans détours... avec conviction !
Enthousiaste et directe quel que soit le sujet abordé, Salima Naji nous confie ses vérités : le rapport entre les Hommes et la culture, le patrimoine, la francophonie...
Salima Naji, en quelques mots, pouvez-vous nous dire en quoi consiste votre métier ?
Je crois que j’exerce le métier d’architecte au Maroc sans jamais quitter ma casquette d’anthropologue. Ceci s’explique d’abord parce que je travaille de façon participative en suscitant l’adhésion des personnes. La dimension humaine y est centrale pour les usagers du lieu et pour les maîtres-maçons . La plupart de mes projets ont un caractère patrimonial où je sais que je sauve des lieux uniques mais aussi des façons de construire, et derrière elles, des modes d’habitat ou de vie.
Vous semblez autant attirée par le patrimoine et sa protection que par la place de l’Homme vivant au coeur de ce patrimoine ? Respect, dignité, mémoire, transmission sont des valeurs qui s’attachent autant aux Hommes qu’aux pierres ?
Je ne sépare pas en effet les choses. Tout est tellement lié ! Je pense même que la réussite de mes projets provient de cette cohérence interne. On construit, on restaure pour des personnes pas pour des murs ou pour des institutions. Et lorsque vous agissez sur un site comme le Ksar d’Assa, vous vous sentez bien humble : des gravures rupestres, des tumuli et des tombeaux de saints, des strates de lieux sacrés où les plus anciennes mosquées ont près de 10 siècles, et côtoient un réseau très denses de ruelles sur plus de 4 hectares. Vous mesurez votre geste à l’aune de ce poids du passé. Les personnes avec lesquelles j’ai échangé très tôt, étaient déjà dans une quête de leurs origines, dans un réveil mémoriel, elles m’ont dit : « Tu nous as montré la valeur de notre passé, que nous ne voyions pas. Maintenant, tout est extraordinairement visible et les gens viennent et nous le disent, merci ». A force d’inventorier, restaurer, consacrer toutes sortes d’études aux régions du Sud, lorsque je regarde un bâtiment, même très abîmé, je le vois non pas ruiné, mais dans toute la gangue qu’il devrait avoir. Je me suis rendue compte, récemment, que beaucoup ne voient jamais qu’un tas de ruines et ne comprennent l’effort qu’une fois achevée la restauration. Une dimension à la fois utopique et visionnaire accompagne chaque projet, c’est exaltant.
Un palmier miraculeux perce le plafond de la Zawya Sidi Larbi El Houarri. Une architecture vivante laisse toujours respirer les matériaux.
En parcourant votre blogue ou en vous voyant sur le terrain grâce à une vidéo, on a l’impression que votre travail est bien plus qu’un travail ! On vous sent comme un poisson dans l’eau au milieu des bâtiments de terre crue et de pierre sèche, des ruines écrasées de chaleur, des artisans qui s’activent... qu’est-ce qui vous a poussé à faire ce métier ?
Il y a un sentiment d’urgence qui me pousse à m’impliquer de la sorte et je me le reprocherai toute ma vie si je ne le fais pas maintenant. Partout on bétonne au nom de la « modernité », on rase, on quitte des lieux anciens, on reconstruit sans réfléchir, on densifie, on perd les qualités des espaces pour des lieux affreux où certes il y a moins de poussière, mais où il fait très chaud l’été, très froid l’hiver. Si vous voulez, être architecte est un métier de très long apprentissage, je sens ce travail comme une école de la vie, une humilité guère comprise d’ailleurs ... depuis 1993 où j’ai commencé à travailler sur le patrimoine jusqu’à 2002 où je suis devenue architecte en titre. A côté de ces chantiers de restauration participatifs, je construis des choses plus contemporaines et les allers et retours entre ces deux façons d’exercer mon métier, se nourrissent l’une l’autre. Mes livres enfin, sont le support à cette réflexion au long court. Relever des architectures, en comprendre leur histoire, discuter avec des doyens d’âge pour comprendre, consulter des archives coloniales ou familiales, reconstruire l’histoire de l’institution du grenier collectif ou d’un Ksar mémoriel, tout se nourrit. En Europe, il y a une tradition de l’Etat pour les archives et il y a des images des monuments depuis des siècles (gravures, plans, lithos, etc.). En cherchant, on trouve beaucoup de choses, on peut reconstruire et justifier ses choix. Ici presque tout est dans la mémoire orale, or depuis que je fais mes recherches, j’ai vu tant de bibliothèques brûler... des vieux messieurs disparaître ! Alors, je me hâte, je préfère me consacrer à ces lieux qu’à d’autres commandes plus narcissiques en termes de création.
Restauration du Grenier Id Issa, Amtoudi.
Aujourd’hui vous mettez un point d’honneur à faire travailler et à former des artisans marocains, à utiliser des fonds marocains... sans réelles interventions extérieures... est-ce pour vous un principe de base ?
Coupoles restaurées dans les règles de l’art, cimetière du Ksar d’Assa, région de Guelmim
Non, je restaure aussi avec des ONG, des fonds d’ambassade et des programmes européens. La restauration de la citadelle fortifiée d’Agadir Ouzrou, dans la palmeraie d’Akka est financée par l’Union Européenne dans le cadre d’un projet de renforcement des écosystèmes oasiens. Il faudrait que je m’occupe plus activement de trouver d’autres fonds, mais j’ai appris à me méfier des fonds trop importants. Ils apportent un lot de mouches à miel, très problématique pour un projet. Trop souvent, il y a une nuée de consultations et aucune action concrète au final. Une action nécessite un réel engagement et de vrais efforts, il faut rester sur place, expliquer, convaincre, déjouer toutes sortes de pièges politiques et de récupérations douteuses, avant d’arriver à un vrai résultat. D’ailleurs, au Maroc, en dehors de l’agence du Sud, en la personne de son directeur très attaché au patrimoine, il n’y aucune action dans le monde rural qui soit tournée vers le patrimoine car l’on considère, à tord, que le patrimoine, la culture, etc. est un luxe de riches. Or, c’est aussi ce qui peut assoir un développement sage et respectueux de la couleur locale. Malheureusement, c’est l’inverse qui se produit ; mal-développement et tabula rasa sans vergogne et sans conscience des pertes patrimoniales. Le patrimoine immatériel disparaît d’ailleurs plus vite que le patrimoine bâti, notamment à cause de modèles véhiculés par les chaînes paraboliques et les feuilletons des telenovelas où les dames sont dans des peignoirs immaculés, le portable à la main, ou circulent dans des rutilantes automobiles. On s’imagine que c’est cela la « vraie vie » en Europe et que le modèle de la vraie maison digne de ce nom est l’hacienda en marbre…
Lmqsurt (oratoire) de Sidi Laghmati du Ksar Assa récemment restauré. Des stèles à l’extérieur et à l’intérieur signalent les nombreux saints environnant le lieu de prières. Le très grand Ksar d’Assa, datant de la période almoravide sur un très vieux site d’implantation humaine, fait l’objet d’une restauration totale depuis 2006 par l’Agence du Sud. Les remparts, les tours de garde, les mosquées et les demeures lignagères ont été restaurés dans les règles de l’art en n’utilisant donc exclusivement les matériaux locaux sans adjonction de ciment comme cela se fait trop souvent ailleurs.
Avez-vous peur que le spécifique patrimoine bâti marocain du monde rural ne soit en danger ? Etes-vous particulièrement inquiète pour certains sites ou pour des types d’architecture ?
En effet, dans un contexte très négatif de destruction patrimoniale accélérée ces dernières années dans le monde rural du fait de la croissance des régions jusque-là reculées ou enclavées, où ni la société civile ne sait bien souvent la perte que cela signifiera pour les générations à venir, ni les pouvoirs publics ne mesurent l’urgence de la situation et la valeur réelle de ce patrimoine, il est possible de proposer une alternative à cette lente dégradation du patrimoine bâti du pays. Pour certains, il s’agit de simples bâtiment sans valeur et que la technique peut reproduire, comme des images de carte-postale avec un décor en papier mâché, alors que l’on sait que ce sont d’abord des mises en œuvres particulières qui produisent des architectoniques spécifiques. On construit... on construit... certes il y a des besoins et dans les villes cela ne me choque pas outre mesure, mais dans les campagnes, c’est le règne du grand n’importe quoi. On détruit sans vergogne des mosquées de huit siècle, on construit des résidences privées de cinq étages au cœur de la montagne, on empiète sur le bâti de terre à Goulmima avec de monstrueux édicules de béton et de ciment qui à terme provoqueront des désordres irréversibles et qui en attendant, jurent avec les bâtiments originaux. La vallée du Dra est complètement défigurée par une architecture sans intelligence en parpaings qui vient écraser des Ksours, « architectures sans architectes » ô combien précieuses pourtant. Tout le monde parle de tourisme, mais quels paysages, quels sites pourrons-nous montrer si on détruit ou abîme tout ? Ce pays est apprécié pour sa diversité – on uniformise tout – et pour la beauté de ses paysages – on bétonne beaucoup trop la nature sans réfléchir sur notre acte d’édificateur. Je suis architecte et le revendique, notre déontologie nous impose une réflexion sur l’utilité de notre geste, j’essaie toujours de penser à cet impact du bâti et l’imagerie 3D aide à bien anticiper. Malheureusement, on veut aligner les beaux projets et les chiffres, montrer qu’on avance. En vérité, sans réflexion, on recule.
Développement touristique, mise en valeur du patrimoine, protection des sites et respect des populations locales sont des notions difficiles à concilier, quel regard portez-vous sur la capacité du Maroc à les harmoniser ?
La prise de conscience doit être globale, il faut mesurer la valeur patrimoniale et inventer, réfléchir, proposer des formes et des usages nouveaux... il faut réfléchir et arrêter le copié-collé ! Surtout il ne faut pas renier son passé. Il faut agir avec prudence et ne pas brûler les étapes. Il faut sensibiliser par l’intermédiaire des caïds et des instituteurs, parce qu’il y a aussi des envies de bien faire. J’explique ce phénomène de dégradation du bâti par une absence de confiance culturelle. On ne connaît pas la valeur patrimoniale de notre pays. Cette attitude ne serait-elle pas un syndrome hérité de la période coloniale, un sentiment d’humiliation du fait d’un prétendu mal-développement ? Et pourtant on oublie que le Maroc était un état-nation très structuré, on oublie sa longue résistance à la pression coloniale du fait de sa forte identité nationale, on oublie que le contrôle complet du pays par les colonisateurs a duré moins de 20 ans malgré leur supériorité matérielle et militaire et que les populations des montagnes et du Sahara ont résisté plus de 22 ans ! En 1934 les dernières tribus se rendent et en 1953, après l’exil de Mohamed V, l’administration coloniale n’arrive plus à tenir le pays… au total, le contrôle intégral du territoire par le protectorat n’aura pas duré deux décennies effectives !
Tel un vaisseau de pierre dominant la cluse d’Amtoudi, le Grenier Id Issa, grenier restauré en 2007 par Salima Naji
Photo : Salima Naji
Outre le manque de confiance culturelle évident, vous parlez aussi de spéculation ?
En grande discussion avec Amghar Bakrim au Ksar d’Assa au début de la restauration.
Il y a destruction du patrimoine par refus de l’acceptation des traditions collectives, refus de l’héritage collectif. Autrefois, la propriété collective avait une valeur sacrée, aujourd’hui, ce qui appartient à tous n’appartient plus à personne ! Prenez un grenier collectif (agadir), il est entouré par une zone de protection, espace interdit à la construction, qui est sacrée qu’on appelle le horum. Jadis construire dessus aurait porté malheur, aujourd’hui certains le font dans les montagnes sans sourciller… Alors que nous avions là une vraie loi coutumière de « protection des abords des monuments » qu’il suffirait de légiférer à partir de cet article qui existe dans les codes de loi des greniers. Nous avons des zones sauvegardées dans nos montagnes ! Je veux dire que nous ne sommes pas suffisamment attentifs à la sagesse des institutions locales anciennes qui pourrait nous aider à organiser le présent.
A Ifrane dans le Moyen-Atlas, un centre de villégiature émirati construit en ciment recouvert de fausses pierres une « disneylandisation » de l’architecture dont nous nous serions passés. Comment une telle horreur a-t-elle pu être autorisée ?
Ph : Jean-François Thomas
« disneylandisation »... suite !
Ph : Jean-François Thomas
Oui, la spéculation est aussi le vrai ennemi de l’intelligence humaine et du patrimoine. Il est si intéressant pour une poignée d’individus de venir blanchir leur argent en refaisant la « attiqa » d’une ville ou d’un village. Dans cette course au prestige autour des mosquées, aussi laides que énormes (500 m² pour des villages d’une centaine d’âmes !) que l’on voit partout désormais, il est évident que derrière cette sainte action, il y a des actions moins nobles proches du clientélisme, hélas. Ces mosquées ressemblent davantage à des hangars humides qu’à un lieu de culte. D’ailleurs la communauté ou les donateurs arrêtant leur effort financier en chemin, souvent le bâtiment se résume à un écorché de mauvais parpaings et de ferraillages en attente. Il faut se méfier de la course aux chiffres. Au Maroc, une restauration se fait avec des budgets très faibles. J’ai restauré une mosquée pour 20 000 euros et la façade d’un village pour 40 000 et à chaque fois, on a donné du travail à la population locale.
Vue en contreplongée du Ksar d’Assa restauré depuis 2006 par Salima Naji
Vous avez fait des études d’architecture et d’anthropologie à Paris, n’avez-vous jamais eu la tentation de vous installer et de pratiquer en France ? Retourner apporter vos connaissances et votre enthousiasme au Maroc était une évidence ?
J’ai la nationalité française par ma mère, même si je suis née à Rabat. J’ai une mère qui a épousé le pays en même temps que mon père… J’ai travaillé huit ans à Paris avant de rentrer, car même avec mon double bagage culturel et même si je suis très attachée à la langue française – sa richesse, la subtilité du langage, les références, son élégance – je me sens beaucoup plus utile ici. C’est plus difficile, je ne gagne pas ce que je gagnerai sans doute en Europe, je suis soumise à toutes sortes de contraintes certes, mais je suis très heureuse. Je ne me suis jamais posée la question des appartenances en opposition mais en complémentarité. Mon cursus est un cursus français d’excellence jusqu’au doctorat. Je suis très reconnaissante à mes parents et les professeurs de ce cursus dans les lycées français du Maroc et les Alliances françaises. La francophonie me touche. J’étais à Québec il y a quelques semaines pour un colloque et devant des personnes s’étonnant de la qualité de mon français, j’ai expliqué que, oui, le français est une langue internationale quand on va en Afrique (voilà un bilan positif des colonies) on le ressent très fortement. Que les 300 mots qui permettent de baragouiner en anglais nivellent les échanges vers le bas, là où la difficulté du français rend plus ambitieux... Ah quand le français était langue d’échange international de qualité, où valeurs et œuvres littéraires circulaient avec les hommes comme au XVIII°siècle... ! J’ai donné une conférence il y a 15 jours à Marrakech pour un congrès d’architecture arabe, et les Libanais ont adoré mes digressions en français qui donnaient une dimension particulière à mon propos. Chez eux, le français est une langue poétique inégalable m’ont-ils expliqué, la langue du cœur !
Mosquée de Tinzounine effondrée par abandon. Ces hauts-lieux du sacré sont actuellement délaissés pour de vulgaires hangars de béton flambants neufs inadaptés au climat sensés être des mosquées plus « propres » que les anciennes en terre. Pourtant, n’est-ce pas « un des signes de Sa puissance de [nous] avoir créé de poussière » (Coran, 30), nous qui retournerons à la poussière ?
Vous aimez vous exprimer en français ! Au-delà de la francophonie marocaine due à l’histoire et au-delà de vos études parisiennes, pourquoi êtes-vous si généreusement attachée à la langue française ?
Je ne sais pas, c’est une évidence pour moi. J’aime cette belle langue qui est ma langue de pensée, j’aime cette culture si riche, qui est de toutes les façons l’une de mes langues maternelles. Langue nourricière en tous les cas. Langue de mon parcours universitaire à Paris, langue de travail lors de sommets ou rencontres pointues ici au Maroc où le français reste le médium de présentation de beaucoup de projets de qualité, langue du quotidien qui n’empêche pas les mélanges, ni n’implique une exclusive. Une langue se partage avec d’autres langues bien sûr, mais chacune a sa couleur et construit un univers particulier. Mais là aussi, cette langue est en danger, parce qu’on ne croit qu’à une seule langue internationale.
Le français serait en danger selon vous ?
Sauver cette langue c’est aussi sauver les lycées français dans le monde, ils deviennent de plus en plus chers, de plus en plus inaccessibles. Inventer de nouveaux financements et créer des sortes de fondations locales qui permettraient d’appuyer et de nourrir une certaine vision de la culture généreuse par définition me semble important.
Paysage présaharien du Jbel Bani. Les oasis y sont des merveilles d’intelligence.
Salima Naji... en bref :
Architecte DPLG (École d’architecture de Paris-La-Villette), et Docteur en Anthropologie sociale (Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales, Paris), diplômée du Laboratoire de Troisième cycle Arts, Esthétiques Sciences et Technologies de l’Image de Paris VIII, Salima Naji est l’auteur de plusieurs ouvrages de référence sur les architectures vernaculaires du Sud Marocain qu’elle sillonne sans relâche, depuis plus de douze ans. Elle a également été commissaire de plusieurs expositions sensibilisant à la valeur du patrimoine marocain. Elle a recueilli la Médaille d’or Arts Sciences et Lettres de la Société Académique d’éducation et d’encouragement (couronnée par l’Académie Française) en 2006 et a été sacrée Inspiring women, expanding Horizon par la Mosaic Foundation à Washington en 2008.
Elle exerce au Maroc en privilégiant les matériaux locaux dans le respect de l’environnement et de la culture des lieux, conformément aux enseignements du grand architecte égyptien disparu Hassan Fathy. Elle a reçu le Prix Jeunes Architectes, de la Fondation EDF en 2004 tandis qu’elle a été décorée par la cérémonie du takrim par l’Ordre National des Architectes du Royaume du Maroc en janvier 2010.
Parallèlement à ses recherches, elle exerce son métier d’architecte en explorant les procédés constructifs ancestraux tout en s’investissant dans des actions concrètes de sauvetage ou de développement culturel (greniers de l’Anti-Atlas, mosquées rurales du Haut-Atlas, Ksours et kasbates, etc.)
Le 27 Mai 2016
SOURCE WEB Par zigzag-francophonie
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