Prévisions de croissance 2016 Une bataille des chiffres dans l'air

Le gouverneur de Bank Al-Maghrib a jeté un pavé dans la marre, en annonçant la semaine dernière 1% de croissance seulement pour cette année. La réaction du gouvernement ne s'est pas fait attendre : ce dernier a commandé au ministère de l'Économie et des finances un rapport détaillé pour tirer la situation au clair. En attendant, des économistes que nous avons interrogés jugent cette prévision réaliste, mais certains n’excluent pas sa révision prochainement au vu des dernières précipitations.
La guerre des chiffres sur le taux de croissance aura-t-elle encore lieu cette année ? Les signes avant-coureurs d’une telle bataille sont déjà là. Certes, certaines prévisions du taux de croissance 2016, notamment celles avancées par le Centre marocain de conjoncture (CMC) et le Haut Commissariat au Plan (HCP), en janvier dernier, annonçaient déjà la couleur, mais c’est surtout la sortie médiatique du gouverneur de Bank Al-Maghrib (BAM), Abdellatif Jouahri, le 22 mars, qui a cristallisé les débats.
Rappelons que le CMC table sur une hausse du PIB de 1,2% et le HCP, 1,3%, soit nettement moins que les pronostics de la Banque mondiale (2,7%), du Fonds monétaire international (3,1%) et bien sûr du gouvernement (3%).
La particularité de la prévision de BAM, annoncée à l'issue de la réunion trimestrielle de son Conseil tenue mardi dernier à Rabat, n’est pas seulement d'être la plus faible, mais surtout qu’elle intervient après un retour des pluies qui a fait renaitre l’espoir quant à un sauvetage de la campagne agricole et son impact positif supposé sur le PIB.
La Banque centrale explique sa prévision essentiellement par «l’ajustement, sur la base des données climatiques et de la situation de la végétation à fin février, de l’hypothèse relative à une production céréalière de 38 millions de quintaux contre 70 millions initialement». La valeur ajoutée agricole devrait ainsi, selon BAM, se contracter de 13,8% alors que le PIB non agricole continuerait à évoluer à un rythme limité de 2,9%.
La prévision de BAM a, de ce fait, surpris plus d’un. À commencer par le gouvernement qui n’a pas tardé à réagir (en année électorale, la sensibilité est à fleur de peau). La révision de croissance annoncée par Abdellatif Jouahri figurait, en effet, parmi les points abordés par le Conseil de gouvernement, jeudi dernier à Rabat, à l’issue duquel le ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement, Mustapha El Khalfi, a indiqué que les données dont dispose le gouvernement sur l'économie nationale reflètent «une situation saine, mais des défis subsistent». Il n’en dira pas plus. Le gouvernement préfère préparer ses arguments avant de se lancer dans une éventuelle bataille des chiffres. Il a, en effet, a chargé le ministère de l'Économie et des Finances d'élaborer un rapport détaillé en vue d'examiner et évaluer les données annoncées par BAM. À rappeler que l'argentier du Royaume, Mohamed Boussaid, avait indiqué que le gouvernement prévoyait de réviser sa prévision début mai. En attendant, que pensent les économistes de tout cela ?
«Nous sommes d’accord avec la Banque centrale», déclare au «Matin-Éco» M'hammed Tahraoui, consultant au CMC, en rappelant que celui-ci était le premier à avoir nettement revu à la baisse la croissance du PIB (1,2%) dès janvier dernier. Pour cet économiste, les hypothèses de base sur lesquelles le CMC s’est appuyé n’ont pas réellement changé. Le Centre s’attend toujours à une chute de la valeur ajoutée agricole et à un ralentissement des activités non agricoles, en lien avec l’atonie aussi bien du marché local qu’international. Le manque de dynamisme de la demande intérieure est, d’ailleurs, bien reflété par l’inflation qui est «anormalement faible», relève Tahraoui.
Même son de cloche auprès de Mohamed Chiguer qui estime que cette prévision est «dans la logique des choses». Cet économiste a voulu mettre l’accent, notamment, sur cette faiblesse structurelle de l’économie nationale qui consiste dans le fait que, malgré tout ce qui a été entrepris, on n’arrive pas encore à décrocher la croissance du climat, en particulier la récolte céréalière. Pour lui, la vraie industrialisation du pays n’a pas encore commencé, vu l’absence d’un enseignement de qualité et d’une vraie recherche-développement.
L’économiste Mohamed Grine estime, de son côté, que la prévision de BAM n’est pas exagérée, mais n’exclut pas sa révision prochainement, vu les dernières précipitations et leur effet sur les cultures printanières. Il relativise aussi la baisse prévue de la valeur ajoutée agricole en 2016, la récolte céréalière de 2015 ayant été exceptionnelle.
Par ailleurs, Mohamed Grine reste optimiste quant à l’impact psychologique des dernières pluies sur l’investissement et, globalement, et les retombées du Plan Maroc vert et du plan d’accélération industrielle, dans les prochaines années.
Le 28 Mars 2016
SOURCE WEB Par Le Matin
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