Emploi: Le gouvernement verrouille le contrat-insertion
Durée maximale: 24 mois, sans possibilité de prorogation
Si 60% mutent en CDI, l’Etat supporte la part patronale des cotisations sociales pendant un an
Coût de la mesure: 500 millions de dirhams
Abdeslam Seddiki, ministre de l’Emploi et des Affaires sociales: «Il y a eu beaucoup d’abus sur l’ancienne version des contrats d’insertion. La réduction du coût du travail vise à améliorer la compétitivité de l’entreprise et pas à créer de la précarité» (Ph. L’Economiste)
- L’Economiste: On a du mal à visualiser la stratégie nationale en matière d’emploi. Quelles sont les 2-3 mesures fortes qui ont été mises en œuvre?
- Abdeslam Seddiki: Nous finalisons actuellement un plan opérationnel de la Stratégie nationale de l’emploi qui sera présenté prochainement au comité interministériel. Mais d’ores et déjà, nous avons anticipé l’application de certaines mesures car la question de l’emploi est une urgence absolue. Les citoyens attendent de nous une réponse concrète au fléau du chômage.
Sur le plan institutionnel, nous avons lancé les Initiatives locales de l’emploi. De quoi s’agit-il? Nous allons au plus près des populations dans les provinces pour identifier, de la manière la plus fine possible, les besoins, les projets, voire des porteurs de projets auxquels l’on apporte un soutien et un accompagnement. Ce travail est fait en association avec des élus locaux, des syndicats, des associations et des autorités locales. Les résultats, on les évaluera sur la durée.
Au niveau de l’intermédiation du marché de l’emploi, nous avons obtenu l’augmentation des capacités de l’Anapec afin de renforcer son efficacité. Le réseau de l’Agence a été élargi afin de le rapprocher le plus possible des demandeurs d’emploi. Chaque université abritera une antenne de l’Anapec. Pour l’instant, il y en a quatre, mais notre ambition est de couvrir les 14 universités du pays. Il ne s’agit pas d’être là pour le décor. Je veillerai à ce que ce service soit opérationnel et que ses prestations répondent aux attentes des étudiants. Les conseillers doivent pouvoir orienter les jeunes, les aider à élaborer un CV, à créer une entreprise, etc. C’est un minimum. Par ailleurs, chaque localité de plus de 20.000 habitants devrait à terme abriter une agence Anapec. C’est un chantier mené en partenariat avec les communes.
- Mais l’Anapec sur laquelle vous misez est souvent critiquée pour son inefficacité. Que faut-il changer dans sa manière d’opérer?
- Le renforcement de ses moyens est une première étape. Il y a aussi un nouveau management qui déploie le plan stratégique 2016-2020 et de nouvelles méthodes de travail De ce service public, les demandeurs d’emploi et les entreprises attendent une qualité d’accueil, de la transparence, de l’écoute et une orientation efficace. L’Anapec n’a pas vocation à être une boîte à lettres, ni une structure sclérosée. Elle doit répondre aux attentes de sa clientèle.
- Que faut-il améliorer dans l’intermédiation du marché de l’emploi?
- Il faut introduire plus d’émulation entre le service public de l’emploi et les agences privées de recrutement car celles-ci ont un rôle important à jouer. Pour cela, il faut d’abord assainir l’environnement réglementaire en levant des obstacles comme par exemple l’obligation de verser une caution d’un million de dirhams à la CDG. C’est une de ces curiosités que l’on retrouve parfois dans nos lois et qui n’a aucun sens. Je ne sais par quelle logique le législateur assimile une agence de recrutement à une société d’intérim. A la limite, cette caution peut se concevoir dans le cas d’une agence d’intérim car elle sert à garantir les salaires des employés en cas de défaillance de la société.
Nous devrions également lutter contre une activité souterraine très développée dans ce secteur. Il y aurait au moins 600 petites structures qui exercent de manière informelle dans l’intérim.
Les 15-24 ans sont particulièrement touchés par les difficultés sur le marché du travail. Le chômage de cette tranche de la population est le double (20,8%) de la moyenne nationale. Près d'un jeune sur deux relève de la catégorie NEET: ni en emploi, ni en éducation, ni en formation
- Qu’est-ce qui ressort de l’évaluation faite des dispositifs d’insertion-emploi?
- Le contrat formation-insertion remporte un grand succès auprès des entreprises, dans les services – hôtellerie, restauration, banques, centres d’appels – et l’industrie notamment, où il est en passe de devenir le principal levier de recrutement. Cette formule cible les jeunes demandeurs d’emploi. Pour une période de 24 mois, prorogeable douze mois, l’employeur bénéficie d’une exemption de charges sociales et de l’impôt sur le revenu sur une rémunération plafonnée à 6.000 dirhams bruts/mois. Grâce à ce dispositif 600.000 jeunes diplômés ont été insérés sur le marché de l’emploi, ce qui a ramené le taux de chômage des diplômés en dessous de 20%. Mais nous avons relevé des lacunes que nous avons corrigées par des mesures d’incitation. Par exemple, pendant la période du contrat – jusqu’à 36 mois–, le salarié est sans couverture sociale, ni assurance maladie. C’est pour corriger cette précarité que le gouvernement a décidé de supprimer toute possibilité de prorogation du contrat. Ce sera désormais 24 mois et pas un jour de plus, durée pendant laquelle l’Etat va prendre en charge la cotisation à l’assurance maladie des salariés sous ce contrat. Cela va coûter 500 millions de dirhams à la collectivité. Nous avons également introduit un autre réaménagement. Si l’entreprise s’engage au terme du stage d’insertion à embaucher 60% des jeunes concernés en CDI, l’Etat supportera l’intégralité de la part patronale des cotisations sociales pour ces salariés pendant un an. Cette réforme sera publiée dans les prochains jours au Bulletin officiel.
- Pourquoi vous chamboulez une formule qui marche avec le risque que cela aboutisse à l’effet inverse de celui que vous recherchez?
- Ces contrats aidés marchent c’est vrai, mais ils consacraient une forme de précarité. Vous me diriez qu’il vaut mieux peut-être un peu de précarité que rester au chômage, j’en conviens. Mais nous avons surtout relevé que beaucoup d’entreprises usaient et abusaient de ces stages d’insertion en maintenant une partie du personnel dans un statut de salariés jetables. C’est cela que nous voulons combattre.
La réduction du coût du travail vise à améliorer la compétitivité de l’entreprise et non pas à créer de la précarité.
Un point de PIB crée «seulement» 29.000 emplois
C’est sans doute une partie des marges de manœuvre budgétaires dégagées par la décompensation des carburants qui est affectée à la réduction du coût du travail afin de relancer l’emploi, surtout pour les catégories les moins qualifiées. Le ministre de l’Emploi reconnaît que les «contrats aidés» ne suffiront pas à endiguer le problème de l’emploi des jeunes. «La réponse structurelle au problème du chômage, c’est accélérer la croissance», même si elle reste encore pauvre en contenu- emplois. Un point additionnel du PIB crée en moyenne à peu près 29.000 emplois (bruts). Une goutte d’eau si l’on rapproche le chiffre de 200.000 personnes qui arrivent sur le marché de l’emploi tous les ans.
Pour absorber toute cette population, il faudra porter la croissance autour de 7-8%! Cette année, les prévisions de la banque centrale l’estiment à 1%. Déflatée par l’accroissement démographique et l’inflation, cela fait tomber l’économie nationale dans une zone de croissance réelle négative. La Stratégie nationale de l’emploi se fixe pour objectif la création de 38.000 emplois par an.
Le 28 Mars 2016
SOURCE WEB Par L’économiste
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