Réforme du CMI : Baisse des commissions et cession de contrats, vers un nouveau paysage du paiement électronique au Maroc ?
Le Centre Monétique Interbancaire (CMI) a réagi aux récentes recommandations du Conseil de la concurrence, formulées à la suite d’une plainte déposée par la société NAPS. Face à la pression croissante des régulateurs, le CMI a dévoilé un plan de réformes incluant une réduction des commissions et une restructuration progressive de ses activités. Cette initiative pourrait-elle marquer un tournant dans un marché du paiement électronique longtemps verrouillé par ce géant du secteur ?
Depuis le 1er octobre 2024, les commerçants affiliés au CMI bénéficient de commissions réduites. Au-delà de cet ajustement, l’organisme amorce un repositionnement stratégique, notamment en cédant une partie de ses contrats d’adhésion des commerçants aux systèmes de paiement électronique, que ce soit par terminal (TPE) ou en ligne (PEL). Ce processus, étalé sur douze mois, vise à alléger la domination du CMI, qui détient actuellement 97 % des transactions sur ce marché.
Réaction tardive mais décisive sous la pression du régulateur
Cette initiative intervient dans un contexte de forte pression réglementaire. Bank Al-Maghrib a imposé un plafonnement du taux d’interchange à 0,65 %, présenté comme un soulagement pour les plus de 55 000 commerçants concernés. Cependant, cette réduction est perçue par beaucoup comme une réponse tardive, résultat direct de la plainte déposée par NAPS en mai 2023.
Le rapport du Conseil de la concurrence, publié en septembre 2024, a révélé un marché étroitement contrôlé par le CMI, empêchant tout concurrent de s’y faire une place. En conséquence, le CMI a pris des engagements à la fois structurels et comportementaux pour éviter des sanctions plus lourdes. Parmi ces engagements, la cession de contrats avec les commerçants vise à redistribuer les parts du marché et à favoriser une plus grande concurrence.
Un marché à redessiner, mais sans révolution immédiate
Le système de taux d’interchange élevé, en place depuis plusieurs années, a consolidé l’emprise du CMI sur le marché. En limitant les marges des acquéreurs, cette structure a freiné l’essor du paiement électronique au Maroc, qui ne représente aujourd'hui qu’1 % des transactions nationales. Conçu à l’origine pour promouvoir l’interopérabilité et la lutte contre la fraude, le CMI s’est paradoxalement transformé en principal obstacle à la modernisation du secteur.
Bien que la cession de certains contrats constitue une avancée, le CMI conservera son rôle d’infrastructure technique du paiement électronique, garantissant à la fois la sécurité et la fluidité des transactions pour les différents acteurs. Cette position stratégique lui permettra de fixer les conditions tarifaires pour les nouveaux entrants, laissant planer des doutes quant à la réelle ouverture du marché.
Les commerçants en première ligne
La réduction des commissions est une victoire pour les commerçants, dont beaucoup se plaignaient des frais élevés qui pesaient sur leurs marges. Avec la révision du taux d’interchange, les coûts de transaction devraient baisser de manière significative, un soulagement pour les petites entreprises en particulier.
Néanmoins, la question centrale demeure : cette baisse des frais suffira-t-elle à dynamiser l’adoption massive du paiement électronique ? Pour que le marché s’ouvre réellement, les nouveaux acteurs devront proposer des solutions de paiement innovantes, flexibles et accessibles, notamment pour les petites structures.
Le Conseil de la concurrence et Bank Al-Maghrib suivront de près la mise en œuvre des engagements du CMI, avec une surveillance active sur deux ans pour s'assurer que le marché ne retombe pas dans une situation de monopole.
Une redistribution des cartes, mais des incertitudes subsistent
Si les mesures prises par le CMI constituent un pas en avant, elles ne bouleversent pas fondamentalement l’équilibre du marché. Pour que la concurrence s’installe durablement, il faudra plus qu’une simple réduction des frais. Les mois à venir seront décisifs pour déterminer si ces réformes mèneront à une véritable transformation du secteur du paiement électronique au Maroc.
Rédaction de l’AMDGJB Géoparc Jbel Bani
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