Les Défis de la Réforme Sanitaire au Maroc : Leçons du Programme RAMED et Perspectives d'Avenir
Alors que le Maroc s'engage résolument dans la modernisation de son système de santé, un rapport récent de l’Institut Marocain d’Analyse des Politiques (MIPA) met en lumière les défis rencontrés. Intitulé «Le programme RAMED n’était pas à la hauteur des attentes», ce document révèle que cette initiative, destinée à améliorer l'accès aux soins pour les populations économiquement vulnérables, a été mise en œuvre dans un contexte de difficultés significatives. Ces complications comprennent des erreurs d'intégration des bénéficiaires et un manque d'expertise dans le ciblage, compromettant ainsi la qualité des soins dans les hôpitaux publics et limitant l'efficacité du programme.
En 2012, après quatre années de tests pilotes, le Maroc lançait le programme RAMED, une initiative ambitieuse visant à démocratiser l'accès aux soins pour les populations les plus vulnérables. Cependant, confronté à un système de santé déjà saturé, le RAMED a souffert de multiples imperfections, notamment un ciblage déficient des bénéficiaires, ce qui a exacerbé les pressions sur la qualité des soins offerts dans les établissements publics et n'a pas permis de couvrir pleinement les populations éligibles. La viabilité financière du programme, basée sur les maigres ressources des hôpitaux et des contributions dispersées sans le soutien d'une structure publique dédiée, a rapidement été compromise.
En 2022, pour repenser cette couverture, le ministère de la Santé a transposé les bénéficiaires du RAMED vers un nouveau système de protection sociale, révélant les défis non résolus et les leçons à tirer de cette vaste expérience.
Ces deux dernières décennies ont été marquées par une évolution des politiques publiques au Maroc, avec une attention particulière portée au social, notamment grâce à l'Initiative nationale pour le développement humain lancée en 2005. Ces politiques visaient à élargir l'accès des populations défavorisées aux services de santé et d'éducation, avec des succès mitigés souvent entravés par des obstacles à leur mise en œuvre effective. L'analyse rigoureuse du RAMED s'avère donc indispensable pour affiner les orientations du nouveau système de protection sociale et éviter les erreurs du passé.
Le programme RAMED, généralisé en 2012, visait à améliorer l'accès aux soins pour les populations économiquement fragiles et à réduire leurs dépenses médicales. Ce système introduisait une approche structurée des soins, respectant les parcours de santé et imposant des frais pour garantir la viabilité financière des hôpitaux. Avant le RAMED, l'accès aux soins pour les groupes vulnérables dépendait d'un "certificat de besoin", une attestation souvent opaque et arbitraire, rendant l'accès aux soins complexe. Le RAMED a apporté une amélioration significative avec la création d'une carte de membre valide trois ans, facilitant grandement l'accès administratif aux services de santé.
Cependant, les problèmes techniques et les critères d'éligibilité basés sur des seuils monétaires ont engendré des défis importants, notamment des erreurs d'inclusion et d'exclusion, augmentant la pression sur les capacités du système de santé et soulevant des questions éthiques sur l'équité et l'accès aux soins gratuits pour ceux qui en ont vraiment besoin. Dès son lancement, le programme RAMED a été submergé par une demande massive, augmentant la pression sur les ressources financières et les capacités des hôpitaux, avec environ 11 millions de nouveaux bénéficiaires sans réformes préalables pour les accueillir.
La gestion financière improvisée et les règles strictes d'accès aux soins ont provoqué des retards, mettant en péril la santé des bénéficiaires et poussant certains vers le secteur privé en quête de meilleurs services. En zone rurale, les distances importantes pour accéder aux soins et les coûts de transport souvent insurmontables pour les plus démunis ont exacerbé la situation. Bien que le RAMED offrait la gratuité des soins hospitaliers, il ne couvrait pas les médicaments, rendant les diagnostics gratuits peu utiles si les traitements prescrits restaient inaccessibles.
Cette situation soulève des questions sur la précipitation dans la généralisation du RAMED. Un rapport de l'OCDE a critiqué le manque de synergie et de cohérence dans l'implémentation des politiques publiques au Maroc, conduisant à des effets limités des programmes et à un épuisement des finances publiques.
Depuis 2020, le Maroc a lancé une série de programmes sociaux axés sur la santé, l'éducation et l'emploi, avec le programme de protection sociale comme pierre angulaire. Ce programme vise à généraliser la couverture médicale pour inclure tous les citoyens actuellement non couverts et à améliorer les services de santé pour les populations vulnérables. À partir du 1er décembre 2022, une transition importante a été réalisée avec le passage des bénéficiaires du système RAMED vers l'assurance maladie obligatoire (AMO), conformément à la première application de la loi-cadre sur la protection sociale adoptée en 2022.
Pour réussir cette initiative, il est essentiel d'intégrer les leçons tirées des précédents programmes. Des mesures stratégiques sont nécessaires pour élever le système de santé marocain aux normes internationales en matière de couverture, de délais d'attente et de qualité des services. Les hôpitaux publics doivent être placés au cœur des politiques de généralisation de la couverture sociale afin de garantir une équité dans l'accès aux soins. Par ailleurs, il est essentiel de promouvoir l'idée que le capital santé est intrinsèquement lié à la productivité du capital humain, stimulant ainsi le développement économique. Encourager les investissements pour le développement du système de santé est également vital, tout comme la mise en place d'un mécanisme de prise en charge des maladies chroniques, souvent coûteuses et peu accessibles pour les couches les plus fragiles de la société et une partie de la classe moyenne.
Le 08/06/2024
Rédaction de l’AMDGJB Géoparc Jbel Bani
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