Maroc-France : le blocage des visas se poursuit
Les tensions diplomatiques entre la France et le Maroc persistent. Les refus injustifiés des demandes de visas Schengen auprès des services consulaires français au Royaume deviennent de plus en plus nombreux et attisent l’indignation des Marocains. Le porte-parole du gouvernement français a réaffirmé que l’Hexagone n’a pas l’intention de mettre fin à ces restrictions. Le point avec Pr Nabil Adel, directeur du Groupe de recherche en géopolitique et géoéconomie de l’ESCA.
Le problème de l’octroi des visas aux Marocains et les refus injustifiés continue de brouiller les relations entre Rabat et Paris. À la fin de 2021, la France a décidé de réduire de moitié le nombre de visas délivrés aux Marocains, Algériens et Tunisiens. Toutefois, en août 2022, la France a normalisé les modalités de délivrance des visas pour la Tunisie, avec un effet immédiat. Une décision qui a provoqué l’indignation des citoyens des deux autres pays.
L’Hexagone explique sa décision par le nombre croissant de migrants maghrébins en situation irrégulière sur son territoire. L’objectif de cette sanction est d’obliger les gouvernements marocain, algérien et tunisien à récupérer leurs ressortissants expulsés de France.
Le porte-parole du gouvernement, Olivier Véran, qui a été l’invité du « Grand rendez-vous » sur CNEWS, s’est prononcé sur ce sujet et a renvoyé la responsabilité aux pays d’origine. «Le blocage vient de la capacité de faire accepter, par les pays destinataires, les personnes qui relèvent de leur nationalité (…) les autorités françaises travaillent diplomatiquement avec tous les pays dont relèvent un certain nombre de ressortissants, notamment l’Algérie et le Maroc», précise-t-il.
Par ailleurs, la relation diplomatique entre Rabat et Paris reste « froide » puisqu’il n’y a actuellement aucun ambassadeur de l’Hexagone au Maroc depuis le départ de Hélène le Gall, ni d’ambassadeur du Royaume en France depuis que Mohamed Benchaâboun a été nommé directeur général du Fonds Mohammed VI pour l’investissement.
Après le départ de l’ambassadrice de la France à Rabat, Hélène Le Gal, qui commande désormais la direction Afrique du Nord et Moyen-Orient au sein du service européen pour l’action extérieure, Mohamed Benchâaboun a également quitté son poste d’ambassadeur du Maroc à Paris pour diriger le Fonds Mohammed VI pour l’investissement.
Ce que révèlent les chiffres
Ces dernières années, le nombre de visas octroyés par la France aux Marocains affiche une tendance baissière. En effet, en 2019, le nombre de visas délivré était de 346.042 et est passé à 69.410 en 2021, soit une réduction de près de 80% même si la période covid a également eu un effet sur ces chiffres.
Contacté par Le Brief pour avoir plus d’explications, Pr Nabil Adel, directeur du Groupe de recherche en géopolitique et géoéconomie de l’ESCA, dit qu’«aujourd’hui, il y a un blocage qu’on peut expliquer par plusieurs raisons. Les raisons qui sont avancées par la France concernent, d’abord, le laissez-passer consulaire. La France demande à ce que le Maroc accepte les citoyens refoulés, mais Rabat met une certaine condition. En fait, il s’agit d’un conflit entre deux gouvernements et on met les citoyens en otage, et cela, aucune règle de droit ou règle morale ne peut l’accepter». Cette démarche n’est basée sur aucun principe juridique, selon notre intervenant. «Une personne qui veut se rendre en France pour les études, emploi ou tourisme, si on lui refuse le visa, cela doit être lié à son dossier. Il ne faut pas la considérer comme un bouc-émissaire entre notre pays et la France. Cette démarche n’a aucun fondement juridique», souligne-t-il.
«La France regarde le Maroc d’aujourd’hui avec les lunettes d’hier»
Le Maroc continue de s’affirmer en diversifiant ses partenariats aux échelles continentale et internationale. Pr Nabil Adel explique comment la France considère cette montée en puissance : «Le Maroc aujourd’hui est dans une phase de diversification de partenariats et d’émancipation culturelle et économique. La France continue de regarder le Maroc d’aujourd’hui avec les lunettes d’hier. En revanche, le Royaume a beaucoup changé en matière de développement économique, infrastructure et capital humain». Aussi, concernant la question du Sahara, le Maroc demande à la France de se positionner officiellement et clairement.
Enfin, le porte-parole de la France a souligné que les pays concernés par cette politique restrictive (dont le Maroc), «doivent faire mieux dans leur capacité à accepter leurs ressortissants qui n’ont plus leur place sur le territoire national». Ces propos sont loin de calmer les tensions entre Rabat et Paris.
«La France doit savoir que le Maroc est en train de lui échapper des mains et son attitude va accélérer cette fuite», conclut notre intervenant.
Le 27 octobre 2022
Source web par : le brief
Les tags en relation
Les articles en relation
Rétrospective 2018 – Gouvernement : Les nouveaux ministres
Le gouvernement a connu durant l’année en cours l’arrivée de nouveaux ministres. Ainsi, Sa Majesté le Roi Mohammed VI avait reçu en août au Palais roya...
Couverture contre les catastrophes: Les réassureurs impliqués
Convention avec la SCR et la CAT Elle fixe les modalités pour bénéficier de la garantie de l’Etat Le système de couverture démarre en janvier proch...
Un nouveau Fonds d’appui au financement des jeunes et des TPME
Le PLF 2020 crée un Fonds d’appui au financement de l’entrepreneuriat, alimenté avec une première dotation publique de 2 milliards de DH pour favoriser l...
UNE AUTORISATION EXCLUSIVEMENT PROFESSIONNELLE
LEVEE DE LA RESTRICTION SUR LES DEPLACEMENTS INTER-PROVINCE La circulaire de l’Intérieur ne spécifie pas clairement s’il s’agit de déplacements entr...
Saisie des biens de l’Etat: les avocats en colère contre Benchaâboun
C’est l’article 9 du projet de loi des Finances 2020 qui a fait sortir les avocats de leur silence. Objet de toutes les critiques, cette disposition stipule...
E-visas au Maroc: ce qu’en pensent les professionnels du tourisme
Les e-visas sont aux abords et les professionnels du secteur touristique sont aux aguets ! La décision de lancement des visas électroniques vers le Maroc, à ...
Paradis fiscaux: Le Maroc toujours dans la liste grise de l’UE
Le Maroc figure toujours dans la liste "grise" des paradis fiscaux de l'Union européenne, selon la liste dévoilée ce mardi. Le Royaume est considéré co...
Antonio Guterres sur le Sahara: pour l’ONU, l’option du référendum, c’est fini
Dans son dernier rapport 2021-2022 sur le Sahara, le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, n’a pas fait mention de l’option du référendum. I...
#MAROC_Sahara_Administration_Biden: Elle continue à soutenir le processus de l'ONU
Les Etats-Unis "vont continuer à soutenir le processus onusien en vue d’une solution juste et durable au différend de longue date au Maroc", a indiqué le p...
Le Roi nomme Mohamed Benchaaboun à la tête du Fonds Mohammed VI pour l’investissement
La nomination de Mohamed Benchaaboun à la tête du Fonds Mohammed VI pour l’investissement a été actée lors de la réunion du Conseil des ministres, prés...
Le FADES accorde deux prêts d’une valeur de 2,28 milliards de DH au Maroc
Le Fonds Arabe par le Développement Economique et Social (FADES) accordera deux importants prêts pour le financement de deux projets. Il s’agit du projet de...
Maroc-Algérie: une escalade « irrationnelle et dangereuse » (France Inter)
Dans une analyse des tensions entre l'Algérie et le Maroc, le journaliste français Anthony Bellanger évoque des décisions "dangereuses, irrationnelles e...