Finances publiques: Des pistes pour réduire les inégalités sociales
Malgré les efforts fournis par les pouvoirs publics au cours des dernières décennies, l’injustice sociale s’est aggravée, entre autres en raison du faible rôle redistributif de l’impôt, de dépenses fiscales créatrices d’inégalités et d’un manque de cohérence des programmes sociaux. Aujourd’hui l’Etat est conscient de la nécessité de revoir son approche mais insiste sur le fait qu’il ne peut plus agir seul.
La 12e édition du Colloque international des finances publiques a démarré le 21 septembre à Rabat. Organisée par le ministère des finances et la Fondation internationale de finances publiques (Fondafip), cette édition a retenu comme thème «Finances publiques et justice sociale».
Un thème classique mais d’actualité partout dans le monde, y compris au Maroc où les derniers discours du Roi ont souligné l’aggravation des inégalités et des déficits sociaux et appelé les pouvoirs publics à améliorer leur action et à revoir le modèle de développement du Maroc.
L’aggravation des inégalités sociales au Maroc a pendant de longues années été rapportée par de multiples études et rapports nationaux et internationaux. Aujourd’hui, le phénomène est ressenti dans le quotidien des citoyens qui manifestent leur colère de différentes manières, notamment sur les réseaux sociaux. D’où l’urgence d’agir avec efficacité. Selon Mohamed Benchaâboun, ministère de l’Economie et des Finances, les raisons de l’injustice sociale sont complexes: il y a des facteurs exogènes comme la mondialisation, les crises économiques et financières, les Plans d’ajustement structurel ; mais aussi des facteurs endogènes comme les politiques publiques et le modèle de croissance.
Pour Noureddine Bensouda, Trésorier Général du Royaume, le Maroc a connu deux périodes distinctes :
- La première, depuis l’indépendance jusqu'aux années 1980 où les pouvoirs publics ont surtout favorisé le développement économique, misant sur la théorie du ruissellement (le succès des opérateurs économiques est censé bénéficier à toute la population). Ils ont toutefois accompagné cet effort par des actions dans le domaine social : l’Entraide nationale, la Promotion nationale, la Caisse de compensation et les Cantines scolaires.
- La deuxième, à partir des années 1990, soit après le Plan d’ajustement structurel de 1983 et ses impacts sur l’emploi et les secteurs sociaux (éducation, santé, habitat et transport). Le Maroc a reconnu l’existence et l’étendue de la pauvreté et de l’exclusion sociale et a mis en place une stratégie sociale :
. Programme des priorités sociales
. Programmes d’approvisionnement en eau potable, de désenclavement et d’électrification rurale
. Programme du logement social
. La compensation.
Ces actions ont été poursuivies et renforcées après l’accession au Trône du Roi Mohammed VI :
. Couverture médicale de base : AMO et RAMED
. Initiative nationale pour le développement humain (INDH)
. Programme Tayssir
. Initiative royale « 1 million de cartables »
En fait, nul ne peut nier l’impact de ces actions. Mais cet impact demeure faible et nécessite la poursuite des actions, chose rendue difficile par trois contraintes :
- Les contraintes budgétaires: Les recettes de l’Etat se tassent (réduction des taux d’imposition de l’IS et l’IR, persistance de l’informel, ralentissement économique) parallèlement à l’augmentation des dépenses, d’où une pression sur les finances publiques qui réduit ses marges de manœuvre dans le domaine social.
- L’inefficacité de l’action publique :
. L’impôt joue faiblement son rôle redistributif : prédominance des impôts indirects, comme la TVA, qui ne favorisent pas la justice sociale
. Impact limité de l’impôt direct progressif (baisse de la base imposable et des taux)
. Les dépenses fiscales sont des vecteurs d’inefficience et d’iniquité
. Les programmes sociaux pêchent par leur manque de cohérence : plus de 100 programmes, qui empiètent les uns sur les autres, gérés par de multiples départements et ciblant mal les populations éligibles
- Le faible rôle des autres parties prenantes dans la réduction des inégalités : les collectivités territoriales, le secteur privé, la société civile…
Les pistes de réforme
Mohamed Benchaâboun a insisté sur la nécessité d’une approche globale pour traiter la problématique des inégalités sociales. «L’Etat à lui seul ne peut pas apporter toutes les solutions», a-t-il précisé.
Le ministre des Finances mise fortement sur le secteur privé, notamment la PME, principal créateur d’emplois et de richesses. Il est ainsi conscient que le gouvernement doit appuyer l’entreprise par :
- L’amélioration du climat des affaires,
- La réduction des délais de paiement et le remboursement des créances (TVA…)
- Le renforcement du rôle de l’investissement public dans la création de richesses
- L’adoption de la Charte de l’investissement et la réforme des CRI.
Benchaâboun a également appelé le secteur privé à améliorer sa gouvernance et à renforcer ses fonds propres.
Bien entendu, pour le ministre des Finances, le rôle de l’Etat ne se limitera pas à l’appui aux entreprises. Les priorités sont :
- La mise en œuvre effective de la déconcentration administrative pour territorialiser le développement
- La mise en place du registre social unique pour mieux cibler les populations à soutenir
- La réforme de l’éducation et du système de santé
- L’évaluation et la restructuration des programmes sociaux
- L’harmonisation de l’action des parties prenantes: Etat, collectivités territoriales, entreprises et établissements publics, entreprises privées et société civile
Pour Jean-François Girault, ambassadeur de France au Maroc, les dépenses publiques doivent désormais s’orienter davantage vers le développement du capital immatériel (l’humain, en misant sur la santé et l’éducation), que vers le développement des infrastructures.
Pour Noureddine Bensouda, la solution passe par :
- Un diagnostic précis : combiner les données de la comptabilité nationale et celles de la comptabilité du secteur public pour mieux connaître les réalités sociales
- Une vision claire : définir les grands choix en termes de politiques publiques et les faire partager à toutes les parties prenantes
- Un changement moins fréquent des lois : le cas de l’Allemagne est évoqué, un pays où les lois fiscales changent peu
- Une appropriation de la légistique par les acteurs : les normes d’origine législative, un droit de plus grande qualité
- Un respect de la loi : l’Etat doit veiller au respect systématique de la loi qui doit s’imposer à tous
- Une reddition des comptes : tout manquement à la loi doit être sévèrement sanctionné.
Le 22/09/2018
Source web par: medias24
Les tags en relation
Les articles en relation
Programme Intelaka : Un taux de rejet de 25%, assez élevé selon le Wali de BAM !
Depuis son lancement, le programme Intelaka a financé environ 13.000 entreprises soit un volume de crédit de 3 Mds de DH. Malheureusement le taux de rejet res...
Investissements : le Maroc en force à Madrid
Les travaux d’une rencontre d’affaires de haut niveau sous le thème «Investir au Maroc pour une prospérité commune» se sont ouverts, ce lundi à Madrid...
Démarrage à Aït Melloul de la 5ème édition de l'Université dans les prisons
La 5ème édition de l'''Université dans les prisons'', organisée par la Délégation générale à l'administration pénitentiaire et...
#MAROC_Sebta_Melilla: Vers une souveraineté maroco-espagnole?
Le quotidien El Espagnol explique que le boom économique dans les provinces du nord Maroc fait suite au très grand intérêt que le roi Mohammed VI porte à c...
Tourisme : Un engouement historique pour la Cité des Alizés durant cet été
Essaouira a enregistré un record de visiteurs durant la saison Selon la commune d’Essaouira, la ville a cassé cette année tous les compteurs en réalisa...
Amara assure officiellement la gestion du ministère des Finances
Le décret attribuant à Abdelkader Amara la gestion du ministère des Finances a été publié au Bulletin officiel du lundi 6 août. Amara assure ainsi off...
Fifa 2018: Luka Modric sacré joueur de l'année
Le meneur du jeu de 32 ans, triple champion d'Europe avec les Merengues et finaliste de la Coupe du monde avec "l'équipe au damier", a devancé son ex-...
Salima Naji, Chevalière de l’Ordre des Arts et des Lettres
L’architecte marocaine Salima Naji, spécialiste des constructions respectueuses de l’environnement a été décorée ce vendredi 28 septembre Chevalière d...
Maroc-Algérie : Mohammed VI annule sa participation au sommet de la Ligue arabe
Le sommet devait s’ouvrir ce mardi 1er novembre à Alger en présence du souverain marocain, qui avait été l’un des premiers dirigeants à confirmer sa ve...
Un programme digne des grands festivals de jazz : Agadir à l’heure de la 2ème édition de l’An
Avec le soutien officiel de la wilaya d’Agadir et du consulat général de France à Agadir, en partenariat avec la Région du Souss-Massa, la commune d’Aga...
La région de Rabat se positionne sur l’échiquier touristique
Rabat, « Ville lumière, capitale de la culture du Royaume » a enregistré une augmentation de 7% en termes d’arrivées en 2018 par rapport à 2017 soit 232...
Refonte du code général des impôts: dernière ligne droite avant adoption
Le projet de refonte du CGI est quasi-finalisé sur le plan technique, et devrait aboutir d’ici fin 2018. Initié il y a un peu plus d’une année, ce projet...