Stress hydrique : Un expert appelle à une vision futuriste dans la gestion d'eau
La crise de l’eau au Maroc est réelle. Elle inquiète aussi bien les observateurs, écologistes et militants, que les élus de la nation. À septembre 2021, le Royaume a connu des une moyenne de précipitations entre 10,5 mm et 308 mm, ce qui constitue un déficit estimé à 48 % à l’échelle nationale par rapport à la moyenne des précipitations pour la même période l’an dernier.
La sécheresse et la pénurie d’eau observées au cours de cette année 2022, ont suscité une grande inquiétude de même que des questions sur les mesures pratiques et urgentes à prendre pour fournir à la population de l’eau potable à partir des systèmes d’eau durable et comment renforcer les processus d’exploration d’eau supplémentaire, en plus des mesures prises par le ministère de tutelle pour financer le programme d’urgence et sa mise en oeuvre, en tenant compte du niveau de déficit en eau et de la rareté des précipitations pluviales.
Au regard de cette situation exceptionnelle que connaît notre pays, le ministère de l’Équipement et de l’Eau a confirmé qu’à un ensemble de mesures et de solutions ont été élaborées de manière proactive pour palier la pénurie d’eau qui peut survenir dans certaines villes et villages.
En coordination entre les différents acteurs, le département de Nizar Baraka a indiqué qu’un ensemble de mesures urgentes ont été prises au cours du mois de décembre 2021 visant à assurer l’approvisionnement en eau potable en préparant un ensemble de conventions entre les différents acteurs afin de remédier au déficit hydrique. Ces accords concernent les bassins de Moulouya Tensift, Oum Rabii et, plus récemment, Guir-Ziz-Rhéris, avec un coût total estimé à 2,335 milliards de dirhams.
Dans une déclaration à Hespress, le ministère de tutelle a indiqué que le volume des stocks d’eau dans les barrages jusqu’au 20 mai 2022 s’élevait à environ 5,28 milliards de mètres cubes, soit 32,8% de taux de remplissage total, contre 49,8% enregistrés à la même date l’an dernier, notant que le stock d’eau actuellement disponible permettra de sécuriser les besoins en eau potable de toutes les grandes villes alimentées par les barrages dans des conditions normales, à l’exception de celles relevant du Moulouya, Oum Rbii, Tensift et Guir-Ziz-Rhéris, qui peuvent connaître une pénurie d’eau compte tenu du faible stock d’eau actuelle dans ces bassins.
Sollicité par Hespress Fr à ce sujet, Mohamed Benata, ingénieur agronome, Dr en Géographie, et fervent défenseur de l’environnement, estime qu’il faut avoir une vision très avancée et futuriste lorsqu’il s’agit de la gestion d’eau.
« L’affaire de la sécheresse n’est pas une conjoncture de passage qui nous est tombé sur la tête, mais plutôt une affaire structurelle, c’est-à-dire que tous les 5 ans, nous subirons 2 à 3 ans de sécheresse. Maintenant, les individus qui sont dans les postes de responsabilité doivent envisager et prévenir la sécheresse qui viendra après, et très certainement l’année prochaine ce qui représente un gros problème pour le pays « , s’inquiète Benata, également Président de l’ESCO, membre fondateur de l’ECOLOMAN. Il estime que la pénurie d’eau que nous vivons aujourd’hui est « la responsabilité des ministères de l’Agriculture et de l’Équipement et de l’eau « .
En effet, l’écologiste a rappelé une récente déclaration du ministre de l’Agriculture, qui avait annoncé l’ajout de quatre stations de pompage d’eau en plus de la nouvelle station mise en place à Oulad Stit qui a épuisé le Moulouya. » Ils doivent être tenus pour responsables de ça, parce qu’il s’agit d’une fausse politique publique dont on est en train de payer le prix cher aujourd’hui, en plus des dernières décisions qui nous ont menés à cette situation « , soutient Benata.
Pour l’écolo, » il est inconcevable qu’on ait une quantité limitée d’eau au Maroc, et des précipitations timides qui faiblissent d’année en année, et à côté on s’engage à créer de nouvelles zones agricoles pour faire de l’export« .
« Aujourd’hui, tout a été épuisé, notamment les barrages d’Oum Rbii, Darâa, Oued Souss etc et toutes les ressources hydriques faiblissent de jour en jour, notamment les nappes phréatiques du Maroc qui ont été fortement touchés, à l’exception du Nord, qui connaît de temps à autre quelques précipitations, et du coup n’est pas très impacté par cette rareté d’eau. Donc il faut avoir une vision futuriste dans ce dossier de gestion de l’eau et non attendre la crise pour décider si nous devons limiter la consommation en eau et recourir aux coupures« , déplore Benata.
D’ailleurs, l’écologiste assure qu’on est déjà arrivé au stade des coupures. » Oujda, Nador et Berkane connaissent aujourd’hui des coupures d’eau. Et même la qualité de l’eau n’est plus comme avant notamment à Berkane où l’eau est salée, vu qu’on a abusé du Moulouya et la source de Moulay Ali en plus du barrage de Mechraa Hammadi, aujourd’hui asséché. Ils pompent maintenant des sources qui alimentent le Moulouya pour servir Berkane, Nador et région« , affirme-t-il.
Ce qui est pire, poursuit-il, » c’est qu’on souffre d’une pénurie d’eau, et les responsables le reconnaissent, mais on continue de motiver les gros producteurs agricoles en leur donnant des subventions pour mettre en place l’arrosage goutte à goutte, en plus du forage des puits qui se fait de manière anarchique ».
« Donc l’administration a créé une situation catastrophique et on ne sait pas à quoi s’attendre au futur, si ce n’est une catastrophe hydrique. On demande juste à Dieu de nous donner de la pluie pour remédier à cette situation critique« , conclut l’expert.
Le 29/06/2022
Source web par : hespress
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