Ce que l’on sait de la descente policière dans un café de non-jeûneurs à Casablanca
Une trentaine de jeunes ont été interpellés, le 27 avril, dans un café de Casablanca, en “flagrant délit de non-respect du jeûne de ramadan”. La descente policière a été filmée par plusieurs médias sur place. Décortiquons.
Ce qui a été annoncé : La police de la ville de Casablanca a effectué, hier mercredi 27 avril, une descente dans un café du quartier Gauthier qui rassemblait une trentaine de jeunes non-jeûneurs. Ils y ont rompu le jeûne en pleine journée de ramadan.
Tous les clients et les employés du café ont été arrêtés, au milieu d’un important rassemblement de passants. Les vidéos de l’opération, relayées sur les réseaux sociaux, montraient la police conduire, un à un, des jeunes filles et garçons du café vers un fourgon.
Selon des sources de nos confrères de TelQuel Arabi, tous ces jeunes interpellés ont été ensuite libérés, en attente de leur comparution devant un juge. D’après la page Facebook du mouvement Moroccan Outlaws, certaines filles n’ont été libérées qu’après avoir dû prouver qu’elles étaient en période de menstruations, ce qui les dispense du devoir du jeûne, selon la religion musulmane.
Le contexte : L’article 222 du Code pénal dispose qu’une rupture du jeûne en public est passible d’une peine de prison pouvant aller jusqu’à six mois : “Celui qui, notoirement connu pour son appartenance à la religion musulmane, rompt ostensiblement le jeûne dans un lieu public pendant le temps du ramadan, sans motif admis par cette religion, est puni de l’emprisonnement d’un à six mois et d’une amende de 200 à 500 dirhams.”
La situation avant : Depuis les années 2000, le Maroc a connu l’émergence de plusieurs mouvements de non-jeûneurs, s’opposant à l’article 222 du Code pénal, dont le Mouvement alternatif pour les libertés individuelles (MALI) qui a ouvert le bal avec un pique-nique symbolique en 2009, et le groupe “Ma sayminch”.
Ces mouvements réclament l’abrogation des articles pénalisant les libertés individuelles, dont la liberté de manger publiquement pendant ramadan. Ils défendent la laïcité et la liberté de conscience.
Ce qui a été dit à ce sujet : Plusieurs associations, activistes, journalistes et citoyens dénoncent une “restriction de libertés” à l’encontre d’une minorité au Maroc.
Forum modernité et démocratie : dans un communiqué publié hier, le forum a condamné la descente policière dans ledit café, “en violation flagrante de la liberté de pensée, de conscience et de culte”. L’ONG a ainsi revendiqué la libération, sans condition, de tous les détenus, ainsi que l’abolition de l’article 222 du Code pénal et de tout autre article “pénalisant les libertés individuelles”.
Younes Masskine : le journaliste et ancien directeur de publication du quotidien Akhbar Al Yaoum n’a pas tardé à faire part de son étonnement. “Pourquoi dépenserons-nous nos sources sécuritaires et judiciaires (financières et humaines) afin d’interpeller et de poursuivre des gens en train de manger au sein d’un établissement désigné pour manger”, a-t-il publié sur sa page Facebook.
Pour en savoir plus : Outre l’article 222, plusieurs activistes marocains luttent pour l’abolition des articles pénalisant les libertés individuelles, dont les relations sexuelles hors mariage, l’avortement, l’orientation sexuelle, etc.
Selon le Nouveau modèle de développement, “le renforcement des libertés individuelles et publiques est une condition nécessaire à la création d’un climat de confiance et à la libération des énergies”. À ce jour, aucun gouvernement n’a mené une telle réforme du Code pénal.
Le 28/04/2022
Source web par : telquel
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