La Russie pourrait-elle vraiment faire tomber la Station spatiale sur les États-Unis ?

Alors que de nombreuses personnes s'inquiètent du sort de la Station spatiale internationale, les experts militaires américains sont surtout préoccupés par le tir Asat du 15 novembre 2021, tant il est peu probable que la Russie « s'en prenne » au complexe orbital. Avec ce tir Asat, certains observateurs se demandent si les Russes n'ont pas préparé les hostilités dans l'espace en marge du conflit avec l'Ukraine. Nos explications.
Si, dans l'espace les relations entre les Russes et ses partenaires occidentaux et japonais dans le programme de la Station spatiale internationale (ISS) ont toujours été cordiales et pragmatiques, la situation a défavorablement évolué. Comme le rappelle l'Agence spatiale européenne, engagée dans plusieurs programmes avec la Russie, « même en période de fortes tensions politiques, les missions spatiales ont toujours été des exemples de coopération pacifique et concrète dans le domaine de la science et de la technologie, au bénéfice de l'humanité ».
Mais, il est à craindre que demain, la coopération spatiale avec la Russie dans de nouveaux programmes sera plus difficile, voire impossible. Cela dit, malgré les fortes tensions entre Poutine et Biden, il est évidemment très peu probable que le maître du Kremlin décide de « s'attaquer » à l'ISS comme pourraient le laisser le croire certaines déclarations d'officiels et de hauts responsables russes.
Si la Russie peut facilement perturber le bon fonctionnement du complexe orbital, voire le désorbiter de façon incontrôlée et le faire retomber sur Terre, ce n'est pas aussi simple que cela y parait. Comme expliqué dans un précédent article, en janvier 2031, date de la fin de vie de l'ISS, trois cargos russes Progress seront nécessaires pour le désorbiter de façon contrôlée au-dessus du point Nemo. Aujourd'hui, le seul cargo Progress amarré à l'ISS n'est pas suffisant pour cela.
Dans la pire des situations, Poutine pourrait ordonner aux cosmonautes russes à bord de l'ISS de l'évacuer, puis d'allumer les moteurs du Progress en accélérant très fortement avec un biais pour l'amener sur une orbite aussi basse que possible jusqu'à un stade où il ne serait plus possible de la remonter. Parmi les autres possibilités, celle de générer un très fort couple de façon à la faire tournoyer sur elle-même de façon irrattrapable.
Dans les deux cas, la Nasa ne pourrait rien faire. Elle a bien démontré la faisabilité théorique de remonter l'orbite de la Station à l'aide d'un cargo Cygnus sauf qu'ils ne sont d'aucune utilité pour ce type de manœuvre car les ports sur lesquels s'amarrent les Cygnus ne sont pas alignés dans le bon sens. C'est d'ailleurs pour cela que l'ATV de l’Agence spatiale européenne s'amarrait au même endroit que les cargos Progress russes pour remonter l'orbite de la Station.
La Station spatiale sera bien désorbitée mais seulement en janvier 2031, comme l'ont prévu les partenaires du programme. © ESA, D. Ducros
Conflit en Ukraine : et si les Russes avaient aussi préparé les hostilités dans l’espace
Soyons réalistes, les Russes ne désorbiteront pas de force l'ISS car ils n'ont aucun moyen de contrôler sa rentrée de sorte que ce qui ne sera pas détruit lors de la traversée de l'atmosphère pourrait s'écraser sur le territoire russe, chinois ou sur l'un de ses alliés ! À cela s'ajoute que la partie russe vaut tout de même plusieurs milliards de dollars et qu'ils comptent l'utiliser jusqu'en 2030.
Néanmoins, les Russes ont bien un pouvoir de nuisance en orbite basse. Et c'est peut-être là que la situation pourrait être la plus problématique pour les Américains et les Européens. D'après plusieurs spécialistes, les Russes ont peut-être préparé une nouvelle forme de guerre asymétrique avec le tir Asat du 15 novembre 2021 quand un missile a détruit un de leurs vieux satellites d'écoute électronique. En soit, la destruction d’un satellite en vol n'est pas nouveau mais ce qui a changé dans ce cas, et très peu de personnes s'en sont rendu compte dans un premier temps, c'est que ce tir Asat avait comme objectif caché de perturber le bon fonctionnement des satellites Starlink de SpaceX qui se trouvent sur une orbite complémentaire.
La distribution des débris telle que produite par l'explosion du satellite avait certainement pour but de contraindre les satellites Starlink à réaliser de nombreuses manœuvres. Il faut savoir que les débris russes génèrent des salves, des grappes d'alertes pour de nombreux satellites ! Et ça, c'est inédit.
Un nuage de débris au comportement inédit…
Habituellement, après la destruction d’un satellite, le nuage de débris a perdu toute sa cohésion au bout de 6 à 12 mois, ce qui ne semble ne pas être le cas avec ce nuage. Rétrospectivement, on peut penser que le tir Asat du 15 novembre a permis aux Russes, et c'est une hypothèse forte et plutôt surprenante, de s'entraîner pour la situation d'aujourd'hui. Pas pour menacer la Station spatiale internationale mais pour perturber le fonctionnement de nombreux satellites américains, qu'ils soient des satellites d'observation civils et militaires ou ceux de la constellation Starlink.
Il faut savoir que l'impact contre le satellite avait comme particularité des incréments de vitesse faibles de sorte que les débris ne se sont pas dispersés comme d'habitude. Force est de constater l'intelligence de la manœuvre. Les débris, avec une inclinaison d'environ 82 ° sont aussi complémentaires de l'inclinaison à 98° qui est l'inclinaison des satellites héliosynchrones.
Cette orbite est utilisée par de nombreux satellites d'observation, météorologiques ou de télédétection par exemple. Résultat, cela donne un très grand nombre d'alertes de risques de collision avec, potentiellement, des collisions de face par paquet. Comme si une mitraillette tirait plusieurs centaines de débris en grappe en direction d'un satellite !
Concrètement, plutôt que d'attaquer frontalement un satellite militaire américain, typiquement de type Keyhole, l'idée serait de détruire un satellite russe qui se trouve à proximité, de sorte que le nuage de débris généré, soumette le satellite à un « mitraillage » de débris en règle...
Le 4 mars 2022
Source web par : futura-sciences
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