Groasis fait pousser des arbres dans le désert
Un horticulteur néerlandais a mis au point des cocons qui permettent aux arbustes de survivre dans les milieux les plus arides. Son objectif : restaurer 2 milliards d’hectares de terres dégradées.
Pieter Hoff s’est éteint le 13 avril 2021, à l’âge de 67 ans. Il fait partie de ces inventeurs discrets, idéalistes, qui laissent derrière eux un héritage potentiellement considérable. Jusqu’en 2003, année où il revend sa société et fonde Groasis, le Néerlandais dirigeait la prospère entreprise familiale de production et d’exportation de lys. « Ses voyages dans le monde entier lui ont fait prendre conscience de nombreux problèmes, comme la raréfaction de l’eau, la déforestation, l’infertilité croissante des terres et l’insuffisance de l’irrigation au goutte-à-goutte », raconte son fils, Wout Hoff, qui a repris le flambeau et dirige désormais Groasis. Pendant une quinzaine d’années, Pieter Hoff s’est consacré à l’invention d’une solution pour planter arbres et cultures sous toutes les latitudes, tout en économisant de l’eau. Son souhait était de reboiser 2 milliards d’hectares de terre dégradée pour y éradiquer la faim, atténuer la pénurie en eau et lutter contre le changement climatique.
Sous son allure de doux rêveur, Pieter Hoff fut un travailleur acharné. Il a conçu plusieurs outils brevetés pour améliorer la croissance des arbres. Il a également mené des dizaines de projet pour tester sa technologie, qui ont fait l’objet d’autant d’études scientifiques. Son souvenir ne sera jamais aussi vivant que dans le million d’arbres qui, grâce à lui, ont été replantés dans le monde entier.
Le fondateur Pieter Hoff et son fils Wout.
Photo : DR
Des incubateurs pour les pousses
Les deux solutions phares mises au point par Groasis sont deux cocons pour protéger les arbustes, intitulés Waterboxx et Growboxx. Les jeunes arbres sont placés au centre de ces incubateurs de la taille d’un seau, qui sont ensuite remplis d’une dizaine de litres d’eau. Un couvercle recouvre ensuite le tout, ne laissant dépasser que la plante d’un côté et les racines de l’autre. Sur le couvercle de la Growboxx, des légumes, des arbustes ou des fleurs peuvent même pousser en complément. Ces cocons sont conçus pour apporter pendant un an à l’arbuste l’eau nécessaire pour que ses racines atteignent trois mètres de profondeur afin d’y puiser l’eau qui s’y trouve presque invariablement. Outre le premier apport en liquide lors de l’installation du cocon, celui-ci récolte la pluie ou capte l’eau par condensation, tout en empêchant celle présente dans le sous-sol de s’évaporer. « Ces cocons permettent aussi de stabiliser la température autour des racines, de combattre les mauvaises herbes concurrentes et même de prévenir les dommages causés par les rongeurs », ajoute Wout Hoff.
Le Waterboxx (8,99 € l’unité) est réutilisable sur 10 à 40 arbres, quand le Growboxx (4,49 €) est à usage unique. Biodégradable au bout d’un an, ce dernier libère des minéraux qui permettent à l’arbre de poursuivre sa croissance. Leur utilisation est 90 % moins chère à l’hectare que l’irrigation goutte à goutte, et permet une économie d’eau de 90 % par rapport à cette dernière. En outre, les arbres nichés dans les cocons Groasis présentent un taux de survie de 90 %. Des résultats confirmés par des dizaines de projets, similaires à celui mené dans certaines zones arides d’Espagne en partenariat avec l’université de Valladolid. Il a permis de planter 57.000 arbres dont le taux de survie avoisine les 88 % avec les cocons, contre moins de 20 % sur les arbres test qui ne l’utilisaient pas.
Des Waterboxx dans le vignoble Roberto Mondavi en Californie.
Photo : Groasis
Une pépinière d’inventions
Les cocons ne sont pas les seules inventions à avoir été brevetées par l’entreprise, qui a consacré, selon Wout Hoff, 14 millions d’euros à la R&D en 18 ans. Elle a notamment mis au point le Growsafe Telescroprotexx, un dispositif qui permet de protéger la plante du soleil, du vent et des animaux qui broutent, des forêts capillaires pour créer rapidement dans les plantations des trous idéaux pour les plants d’arbres, ou encore un fertilisant naturel à base de mycorhize. Son marché est vaste : ses techniques de plantation sont destinées aux gouvernements qui luttent contre la désertification comme aux politiques RSE des entreprises, ou encore aux ONG, agriculteurs ou même aux jardiniers amateurs. La société emploie cinq personnes à son siège social de Steenbergen, aux Pays-Bas, et travaille avec une trentaine de distributeurs et de sociétés partenaires.
Groasis, qui n’a pas communiqué son chiffre d’affaires, a été financé par la vente de l’entreprise familiale, puis par une levée de fonds d’1 million d’euros auprès de 300 investisseurs privés en 2019. Une quarantaine d’investisseurs particuliers ont en outre acheté des actions dans une société holding ces dernières années. La société souhaite procéder à une nouvelle levée de fonds de 2,8 millions d’euros qui lui permettra d’étendre ses opérations commerciales, de développer son équipe et de construire une usine de Growboxx, d’une capacité de 2 millions d’unités par an. « A terme, notre objectif est de faire fabriquer nos produits dans les pays où ils sont utilisés par des producteurs sous licence, explique Wout Hoff. Une première licence pour Growboxx a déjà été vendue au Mexique, et une autre pour Waterboxx en Arabie Saoudite. »
11 milliards de litres d’eau économisés
« Jusqu’en 2021, poursuit Wout Hoff, nous nous sommes concentrés sur l’amélioration de nos produits et sur nos projets pilotes menés dans 46 pays. Nos premiers arbres font maintenant plus de 6 mètres de hauteur ! » Groasis annonce avoir rendu productifs plus de 2.500 hectares de terres où elle a planté plus d’une centaine d’espèces d’arbres. Ces opérations ont permis de créer environ 2.000 emplois dans le monde entier, en économisant 11 milliards de litres d’eau et en permettant la capture, lorsque les arbres seront arrivés à maturité, de 21.000 tonnes de CO2.
Et ce n’est qu’un début. Le mouvement lancé par Groasis devrait s’intensifier. « Nous espérons entamer la construction d’une demi-douzaine de giga-usines entre 2022 et 2024 pour permettre une production locale à faible coût de nos Growboxx et Waterboxx, déclare Wout Hoff. Nous espérons fournir au cours des cinquante prochaines années un trillion de cocons pour réaliser notre objectif. Ainsi, 30 gigatonnes de CO2 pourraient être capturées pour atténuer le changement climatique. » En attendant ce futur enviable et lointain, Groasis annonce d’ores et déjà l’arrivée d’une nouvelle invention révolutionnaire : la Walterfilterboxx, qui permettra de planter des arbres dans de l’eau polluée… et même dans de l’eau de mer. Or, comme le dit le proverbe africain, « celui qui a planté un arbre avant de mourir n’a pas vécu inutilement ».
Des Waterboxx dans la mine de Codelco au Nord du Chili.
Photo : Groasis
Source web Par : planete les echos
Les tags en relation
Les articles en relation
Le changement climatique responsable des records de chaleur de cet été, selon une étude
Les records de chaleur enregistrés dans l’hémisphère nord cet été ont été dopés par le changement climatique, selon une analyse publiée jeudi. L�...
Israël veut remplir le lac de Tibériade avec de l'eau dessalée
Champion de la désalinisation, Israël s'attèle à un nouveau défi quasi biblique: pomper ses surplus d'eau de mer dessalée pour remplir le célèbr...
TOTALENERGIES ET ALLÉGATIONS DE NEUTRALITÉ CARBONE : LA PLAINTE DÉPOSÉE POUR GREENWASHING JUGÉE
Le Tribunal judiciaire de Paris a jugé recevable le recours de Greenpeace France, des Amis de la Terre France et de Notre Affaire à Tous déposé contre Total...
Sommet sur la biodiversité : "En un demi-siècle, l’humanité a détruit ce que la planète Terre
La 7e conférence de l'Ipbes, surnommée le Giec de la biodiversité, s'ouvre lundi à Paris. Les scientifiques et représentants de 132 pays vont négo...
Changement climatique : Akhannouch lance un appel depuis Riyad
Le chef du gouvernement Aziz Akhannouch a appelé, ce lundi à Riyad, au renforcement de la coopération régionale pour faire face aux questions liées au chan...
Adnane Addioui, la voix de l'entrepreneuriat social au sein de la CSMD
A 35 ans, Adnane Addioui fait partie des 35 membres désignés pour composer la Commission spéciale sur le modèle de développement (CSMD). Qui est ce jeune q...
Dialogue flou
Le CESE, dans son rapport 2017, insiste sur le dialogue social. Il demande, entre autres, «l’institutionnalisation». On peut entendre la demande de manière...
Pourquoi le prix des véhicules électriques devrait considérablement baisser à partir de 2026
L'ONG Transport et environnement a commandité un rapport auprès de Bloomberg New Energy Finance qui estime que les tarifs des voitures électriques devrai...
G20 de Rome: l’heure des comptes a sonné sur le climat à quelques heures de la COP26
A quelques heures de l’ouverture de la COP26, c’est l’heure des comptes au G20 de Rome: les dirigeants des grandes économies de la planète se réunissen...
Ce que l’on sait de la descente policière dans un café de non-jeûneurs à Casablanca
Une trentaine de jeunes ont été interpellés, le 27 avril, dans un café de Casablanca, en “flagrant délit de non-respect du jeûne de ramadan”. La desce...
Bruxelles : Clôture du sixième Sommet Union européenne-Union africaine
Bruxelles – Le sixième sommet Union européenne-Union africaine a clôturé ses travaux, vendredi à Bruxelles, par l’adoption d’une Déclaration conjoin...
Qatar 2022 : la Fifa visée par plusieurs plaintes pour greenwashing
Cinq plaintes ont été déposées conjointement mercredi 2 novembre à l'encontre de la Fifa en France, au Royaume-Uni, en Suisse, en Belgique et aux Pays-...