Un déconfinement généralisé ferait exploser le nombre de contaminations (HCP)
Déconfinement généralisé, large ou restreint. Ce sont les trois scénarios étudiés par le HCP qui peuvent engendrer, selon ses projections, entre 18.720 et 17 millions de cas cumulés d'infection au virus, 100 jours après leur déclenchement.
Le Haut-commissariat au Plan vient de publier une étude intitulée « Pandémie Covid-19 dans le contexte national : Situation et scénarios ».
Ahmed Lahlimi le souligne d’emblée dans l’étude : « l’élaboration des scénarios sur les évolutions possibles de la situation pandémique dans notre pays, dans une perspective de sortie du confinement telle qu’elle a été conçue, est un exercice à caractère plutôt méthodologique, voire pédagogique, et ses conclusions comme de simples indicateurs de tendances, utiles pour alerter l’opinion publique, provoquer les chercheurs et éventuellement éclairer les centres de décision, sans prétention, ni à une compétence exclusive, ni à une exhaustivité thématique, ni à une légitimité institutionnelle particulière ».
L’institution a utilisé plusieurs types de données (paramètres du Covid-19, données observées de la pandémie et données démographiques du Maroc), appliquées au modèle SIR qui a été calibré par des modèles statistiques théoriques d’évolution naturelle de l’épidémie et les résultats du scénario tendanciel de confinement actuel. Le but étant d’établir des simulations de scénarios de déconfinement.
Le scénario de référence d’évolution naturelle de l’épidémie :
Ce scénario est un cas d’école qui suppose une évolution naturelle de la pandémie sans aucune barrière qui s’étend ainsi à la majorité de la population jusqu’à ce qu’une immunité collective éventuelle soit acquise. Ce scénario théorique permet en fait de mesurer les acquis des autres scénarios.
Le nombre de reproduction R0 pour ce cas de figure est estimé à 2,6; ce qui signifie que la pandémie se propage a un rythme très élevé.
Ce scénario aboutirait à un pic de l’épidémie qui est atteint tôt avec un nombre très élevé de cas infectés induisant une forte pression sur le système sanitaire et un taux de létalité élevé. Ce scénario se traduirait à terme par une contamination d’environ 80% de la population.
Le scénario tendanciel du confinement
Ce scénario prolonge la situation actuelle, toutes choses étant égales par ailleurs, c’est-à-dire toutes mesures déjà prises étant maintenues.
Le nombre de reproduction R0 pour ce cas de figure et ses paramètres sont estimés à partir des données réelles observées et sont présentés ci-contre. R0 étant de 0,76 (< 1), ceci signifie que la pandémie décroit et tend vers la disparition.
La simulation de la poursuite du confinement grâce au modèle mathématique utilisé aboutit aux impacts suivants :
- Un nombre total d’infectés cumulés, à 7.800 cas vers le début de juillet.
- Un nombre d’infectés actifs cumulés, aux alentours de 3.200 cas et une tendance dégressive vers un chiffre faible à fin juillet.
Mais du point de vu épidémiologique, tant qu’il n’y a pas un vaccin ou une immunité communautaire acquise, le SARS-COV2 continuera à se propager avec un risque de rebond. Dès lors, il est nécessaire d’envisager des scénarios de déconfinement à impact économique et social positif mais tout en contrôlant d’une part les risques de transmission et d’autre part la pression sur le système de santé national.
Scénario d’un déconfinement généralisé
Ce scénario envisage le déconfinement de l’ensemble de la population âgée de moins de 65 ans, non atteinte de maladie chronique (27,5 millions). Ce scénario déclenché suppose un nombre de 2.000 cas infectés actifs au moment du déconfinement.
Une fois cette population déconfinée, le nombre de contacts par jour augmente d’une amplitude estimée, via le modèle mis en place, de +64%, ce qui situerait le R0 à 1,248 en supposant le maintien des mesures d’autoprotection.
Une simulation sur cette base aboutirait à l’infection de 8% de la population en 100 jours. Le système sanitaire serait submergé en 62 jours avec seulement un taux d’hospitalisation de 10% des cas actifs.
Une variante de ce scénario sans application des mesures d’autoprotection aboutirait après 100 jours, à un nombre d’infectés cumulés qui approcherait les 50% de la population. Le système sanitaire serait submergé en 28 jours avec seulement un taux d’hospitalisation de 10% des cas actifs. Ce cas de figure est de même nature que le scénario "évolution naturelle".
Scénario d’un déconfinement large
Ce scénario de déconfinement de la population active occupée âgée de moins de 65 ans et de la population âgée de moins de 15 ans, non atteinte de maladie chronique (16,7 Millions) a pour objectif d’ouvrir l’économie avec en même temps un retour progressif des activités sociales. Ce scénario suppose également un nombre de 2.000 cas infectés actifs au moment du déconfinement.
Ce déconfinement augmenterait le nombre de contacts par jour des sujets infectés de 24% et par conséquent accroitrait le nombre d’infections portant le R0 à 0,94 dans le cas du maintien des mesures d’autoprotection.
La simulation donnerait dans cette situation 31.663 cas confirmés positifs en 100 jours avec un pic de 3.200 cas infectés actifs. Ce qui se traduirait par un besoin maximal de 3.200 lits d’hospitalisation (100% d’hospitalisation), de 160 lits de réanimation (5% des infectés actifs) et aboutirait à 1.266 décès (4% des infectés cumulés).
Une variante de ce scénario sans application des mesures d’autoprotection aboutirait après 100 jours, à un nombre d’infectés cumulés qui monterait à plus de 844.000 cas. Avec ces chiffres la capacité nationale de réanimation serait submergée en 50 jours. En 100 jours, le système sanitaire ne pourrait accepter en hospitalisation que 7% des infectés actifs.
Scénario d’un déconfinement restreint
Ce scénario suppose le déconfinement de la population engagée dans l’économie représentée ici par la population active occupée âgée de moins de 65 ans non atteinte de maladie chronique (7,9 millions). Il a pour objectif d’ouvrir l’économie sans compromettre la population qui présente un risque élevé de développer des complications vis-à-vis de cette maladie. Ce scénario suppose 2000 cas infectés actifs au moment du déconfinement.
Dans ce cas de figure le nombre de contacts par jour des sujets infectés augmenterait de 13% avec un R0 de 0,864 et par conséquent accroitrait le nombre d’infections.
Ce scénario aboutirait à un niveau de 18.720 cas confirmés positifs cumulés en 100 jours avec un pic de 3.200 cas infectés actifs. Ce qui engendrerait un besoin maximal de 3.200 lits d’hospitalisation (100% d’hospitalisation des infectés actifs), et de 160 lits de réanimation (5% des infectés actifs) et arriverait à 748 décès (4% des infectés cumulés).
Une variante de ce scénario sans application des mesures d’autoprotection donnerait après 100 jours, un nombre d’infectés cumulés qui monterait à plus de 155.920 cas. Dans ce cas de figure, en se basant sur la capacité nationale en termes de lits d’hôpital (7.765) et de réanimation (854), il est ainsi estimé que la stratégie nationale d’hospitaliser 100% des cas infectés actifs atteindrait ses limites en 75 jours.
Voici un tableau récapitulatif des différents scénarios de déconfinement et de l’évolution projetée de l’épidémie :
Le respect des mesures d'autoprotection, vital
Notons que pour le HCP, « quelle que soit son efficacité prophylactique, le confinement n'est cependant pas soutenable dans la durée. Le déconfinement est un impératif dicté par la nécessité d’une politique post-pandémique de résilience économique, de stabilisation sociale et d’apaisement du climat psychologique du pays. Les modalités et le rythme de son opérationnalisation dépendront nécessairement autant des exigences sectorielles du rééquilibrage des fondamentaux de l’économie nationale que des impératifs d’une gestion concertée des séquelles sociales et psychologiques de la pandémie ».
Ainsi, il souligne que « la grande leçon mise en évidence par les scénarios envisagés est d’abord cette importance vitale de l’effort qu’il revient à chaque citoyen pour scrupuleusement respecter les pratiques de distanciation physique, de gestes barrières, de port de masque et de toutes les dispositions individuelles ou collectives d’autoprotection, pour que chacun assume sa part de responsabilité dans la protection de la nation ».
« A défaut de cette discipline individuelle de chacun de nous, la pandémie pourrait, en moins de 100 jours, multiplier par 8 le nombre des cas touchés par l’infection, doubler les besoins de lits de réanimation et mettre en échec la politique nationale d’hospitalisation des cas actifs. C’est dire le poids de la responsabilité de chacun de nous vis-à-vis de nous-mêmes, de notre famille et de la nation dont nous détenons notre identité.
Le 17/05/2020
Source Web Par Médias 24
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