Tout est une question de personne
Crise de croissance, crise de leadership: cette affirmation semble décalée au regard de notre modèle de développement actuel, de nos maux en matière éducative, sociale et numérique, de la faillite de notre système de santé, de notre environnement des affaires et plus largement des indicateurs sociaux que nous affichons aujourd’hui.
Crise de leadership, crise de croissance, je souhaite, ici, partager une conviction: la corrélation est évidente entre ces deux crises.
Les constats sont clairs, les solutions identifiées par tous.
Alors qu’avons-nous de moins que les pays qui réussissent? Pourquoi n’arrivons-nous pas à initier les actions pour sortir notre pays de cette léthargie et atonie qui dure depuis des années?
Les éléments de réponse ont été donnés par Sa Majesté lors de ses discours récents. Il nous faut les bonnes personnes à la bonne place et tout de suite! Son constat est sans appel.
La crise de leadership est bien là et touche tous les secteurs de notre pays.
Le secteur public comme le privé ainsi que les corps intermédiaires comme les partis politiques ou les partenaires sociaux (syndicats et patronats).
Pour reprendre Victor Hugo: «Il n’y a pas de mauvaises herbes ou de mauvais hommes, il n’y a que de mauvais cultivateurs».
En effet, notre incapacité à créer les conditions de faire société ensemble et être dans une logique inclusive, nous entraîne dans des abîmes inexorablement.
Le monde a changé, les modèles économiques ont évolués, les citoyens ont de nouvelles attentes et de nouvelles manières d’exprimer leurs colères. Les populismes sont devenus un cadre de référence pour servir les obscurantismes de tous bords.
La vitesse des changements que nous observons à travers le monde et au sein de notre propre pays nous commande une révolution culturelle et un changement de paradigme éminent.
A périmètre égal de notre économie, nous devons changer notre manière d’appréhender notre développement.
Passer de 3% de croissance à 7% pour entrer dans la voie de l’émergence est possible si nous posons le véritable problème.
En effet, il ne s’agit pas seulement de raisonner en métiers mondiaux, fiscalité, législation. Tout cela est nécessaire mais plus suffisant. Le groupe de travail qui vient de s’installer fera le travail nécessaire pour revisiter notre modèle de développement.
En ce qui me concerne, je porte une forte conviction et souhaite aborder un autre registre.
Ce sont les hommes et les femmes qui créent de la valeur pas les institutions quelles qu’elles soient.
Mais pour accélérer cette création de valeur, ils ont besoin d’être stimulés et de suivre quelqu’un qui leur donne le cap et le sens du pourquoi faire les choses pour qu’ils puissent, eux, se concentrer sur le quoi et le comment faire.
L’avènement de ce nouveau siècle et les évolutions comportementales qui vont avec, insiste davantage sur le fait que l’intelligence collective est la base de la créativité et de l’innovation pour changer de modèle, voire de paradigme. Faire la différence dans des marchés compétitifs, plus compétitifs que nous, nécessite des talents en capacité de «disrupter» les marchés et les modèles économiques et partant, donne une impulsion de croissance réelle pour créer la richesse attendue.
Pour ce faire, il faut à nos organisations, qu’elles soient, publiques ou privées, des partis politiques, des partenaires sociaux ou des élus, là où il y a des hommes et des femmes, un style de leadership fort et stimulant, entraînant.
Jamal Belahrach, ici avec l’ancien président américain Bill Clinton, lors de la remise des prix de la Fondation Clinton (Ph. L’Economiste)
La motivation et l’engagement à changer vient des personnes que l’on a envie de suivre. Une organisation est forte lorsque le «Nous» l’emporte sur le «je».
Soyons clairs: je ne parle pas ici de management mais bien de leadership.
La différence est de taille. Le management consiste à faire les choses bien. Le leadership, à faire les choses justes. Nos organisations ont besoin des deux.
Les transformations nécessitent du courage car elles empruntent le chemin sans connaître la destination finale. Par conséquent, l’appel de Sa Majesté ne peut rester vain à l’échelle de toutes les organisations actives dans notre pays sans exclusive.
Il nous faut pour cela plus de dirigeants visionnaires en capacité de défricher de nouveaux espaces, de développer la créativité des hommes et des femmes, libérer leurs énergies et leur créer les espaces d’expressions et d’épanouissement avec des valeurs fortes pour faire une société commune moins individualiste et plus partageuse.
Réinitier la confiance
Si chaque organisation était portée par des hommes et des femmes en capacité de réinitialiser la confiance, d’agir en tant que missionnaire, de faire briller les yeux de leurs équipes, alors nous ferions ce saut de croissance historique.
Le défi de taille à relever alors sera que les dirigeants actuels acceptent d’être challengés par cette nouvelle race d’hommes et de femmes qui vont inventer le Maroc de demain.
Nos écoles, nos universités, nos associations, nos entreprises, notre administration, nos partenaires sociaux et nos partis politiques doivent être la fabrique de cette nouvelle génération.
Pour réussir ensemble, nous devrons ériger l’humilité et le droit à l’erreur en tant que qualité.
Le monde VUCA
Dans ce nouveau monde VUCA (volatil, uncertain, complexe et ambigu), il faut à notre pays des hommes et des femmes en capacité de bien comprendre ces enjeux et à nous conduire vers ce monde inclusif ou chacun aura sa place.
Ne pas avoir peur de bousculer les habitudes, de questionner l’historique et le présent, pour mieux inventer le futur.
Un leader doit être cette boussole pour l’entreprise, pour l’administration, pour toutes les organisations. Il prend des risques et agit en véritable entrepreneur.
Ce leadership, nous en avons besoin pour mener de véritables transformations qui combinent le court terme pour répondre aux attentes des citoyens, des clients et des collaborateurs mais également de voir loin, pour pouvoir voir juste. Celui-ci doit être inspirant, éclairant pour entraîner les personnes, stimuler leur créativité en les impliquant à tous les stades de l’évolution quel que soit leur type d’organisation.
Si nous voulons et nous devons sortir de cette atonie économique qui dure, nous devons fabriquer, identifier, accompagner ces talents qui fabriqueront le Maroc de 2040. Cette crise de leadership que nous vivons au Maroc est une réalité forte dont il est impératif de ne pas faire le déni. Cette réalité est mesurée par l’essentiel de la société marocaine qui est convaincue, qu’un autre chemin est possible.
Gagner 4% de croissance pour atteindre les 7% nécessaires pour entrer dans le statut de l’émergence, pour combler notre retard de développement et répondre aux besoins sociaux de notre pays est réellement possible.
Ces 7% sont une nécessité absolue pour résorber les 600.000 demandeurs d’emplois annuels (200.000 diplômés et 400.000 décrocheurs scolaires), donner une voie aux 1,7 million de Neets, développer une solidarité avec nos retraités, révolutionner notre système de santé et réinventer notre école. Ces éléments sont nos signaux d’alarme et notre URGENCE absolue pour nous faire davantage prendre conscience, d’agir vite, ici et maintenant.
Le 29/01/2020
Source web Par l'économiste
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