ONMT et compagnies low cost : un expert confirme les craintes de la RAM

La filiale Transavia du groupe Air France-KLM a ouvert récemment sa 11ème destination vers le Maroc avec un vol Paris-Ouarzazate. S’estimant menacée par une "concurrence déloyale", la RAM se plaint de ne pas être consultée par l’ONMT qui subventionnerait des low cost étrangers mettant en danger sa survie. Si l’ONMT n’a pas souhaité répondre à ces accusations, un expert aérien nous a confirmé les craintes de faillite du pavillon national si l’Etat devait permettre aux low cost de s’installer à Casablanca et à Rabat en ajoutant que la nouvelle ligne de Transavia sur Ouarzazate ne devrait pas déranger la RAM.
Depuis 2006, les liaisons aériennes entre le Maroc et le reste du monde ont littéralement explosé.
Une dynamique qui a été initiée par le gouvernement Jettou mais qui s’est poursuivie avec ses successeurs. L’ONMT n’a jamais arrêté, même sous la période Addou, de multiplier les signatures avec des compagnies aériennes étrangères. On a même abandonné la fiction initiale de "subventions de démarrage de ligne" et aujourd’hui tout le monde reconnaît que dans beaucoup de cas, les lignes s’arrêtent quand les subventions s’interrompent.
Une bonne nouvelle pour le tourisme marocain sachant que le renforcement de sa connectivité aérienne permet d’augmenter mécaniquement le nombre d’arrivées des touristes étrangers. Mais si la profession se félicite de ces ouvertures croissantes, la compagnie nationale affirme en souffrir.
Ainsi, selon une source autorisée de la RAM, la compagnie sera probablement déficitaire pour l’exercice passé 2018-2019, ce qui s’expliquerait, en partie, par une concurrence déloyale de compagnies étrangères qui non seulement proposent des prix cassés mais en plus sont subventionnées par l’ONMT.
La compagnie publique dénonce en particulier deux transporteurs low-cost, Air Arabia et Transavia, en citant notamment un vol Fès-Strasbourg de Air Arabia fréquenté à 90% par des MRE et pratiquement par aucun étranger. Idem pour certaines liaisons vers Mulhouse et Naples qui sont des bassins de MRE.
Air Arabia et Transavia en ligne de mire
"Ce ne sont pas des low-cost comme Easy Jet ou Ryan Air qui nous posent problème mais plutôt Air Arabia et Transavia qui grignotent doucement mais sûrement nos parts de marché.
"Cette dernière est à l’origine d’une sur-offre sur Paris à partir des aéroports de Rabat et Casablanca.
"Aujourd’hui, la RAM est prise en étau entre Air France qui s’aligne sur nos tarifs et sa filiale qui pratique des prix inférieurs. C’est l'une des raisons pour lesquelles nous avons beaucoup souffert en 2019.
"Il faut donc que l’ONMT arrête de subventionner des compagnies à coups de millions de dirhams qui menacent directement notre rentabilité.
"Si chacun se met à défendre sa chapelle sans cohérence stratégique entre la RAM et l’ONMT, ce n’est pas dans l’intérêt du pays car c’est toute la politique touristique du Maroc qui risque de trinquer.
"Au final, si on distribue à tour de bras des aides publiques à la concurrence étrangère, il n’est pas exclu que la compagnie nationale disparaisse un jour ou l’autre", conclut notre source.
L'ONMT ne répond pas
Que faut-il penser de ces graves accusations?
Médias24 a insisté auprès de l'ONMT pour avoir ses réponses, mais en vain. Nous avons contacté un expert aérien de haut niveau niveau, reconnu dans ce domaine. Voici ce qu'il en dit.
Notre expert confirme ces craintes de la RAM en revenant sur la période 2001-2016 où le partage des tâches RAM-ONMT-Ministère-ONDA avait permis de redresser la situation financière de la compagnie mise à mal par l’arrivée des low cost après la signature de l’Open sky.
En 2002, les ministres Ghallab et Douiri avaient commencé à préparer l’accord de l’open sky. Conscients de l’arrivée imminente d’une concurrence internationale, les deux ministres ont donc encouragé la RAM à créer sa filiale low cost Atlas Blue à Marrakech.
L’Open Sky a failli emporter la RAM
Dès que l’Open sky a été signé en décembre 2006, les compagnies low cost ont commencé à arriver à grand flot, aidées par des subventions de l’Etat, officiellement qualifiées de "subventions de démarrage".
N’ayant pas les moyens de résister à cette concurrence, la RAM s’est retrouvée confrontée à une crise qui a failli aboutir à une faillite surtout qu’Atlas Blue s’est avérée trop petite pour se faire une place.
A cette époque, entre son réseau provincial important et sa filiale low cost, sa flotte était de 56 avions.
Dans le cadre du contrat programme avec l’Etat de 2011, la compagnie a pris la décision stratégique radicale d’abandonner toutes ses liaisons aériennes vers les villes de province.
Cure d’amaigrissement et concentration sur Casablanca
Le 1er novembre 2011, elle ferme 18 lignes desservies par la RAM et Atlas Blue et vend 10 avions.
Résultat, sa flotte n’est plus que de 46 avions pratiquement tous concentrés sur Casablanca dont elle veut faire son hub et d’où elle souhaite accentuer sa pénétration vers les marchés africains. 2.000 agents quittent la compagnie à travers un plan social sans précédent.
De 2011 à 2016, la stratégie de Driss Benhima était très claire à savoir se concentrer sur l’aéroport de Casablanca contre la promesse par l’Etat de protéger la compagnie dans cette ville, mais aussi sur Rabat, aéroport de dégagement c’est-à-dire qui absorbe le trop-plein de Casablanca avec la même zone de chalandise.
Un comité des slots a donc été créé avec le soutien du Ministre Rabbah, grand supporter de la stratégie de Benhima, qui donnait la priorité sur ces aéroports saturés à la RAM et aux autres compagnies classiques comme Air France, British Airways, Ettihad, Emirates … et Air Arabia, compagnie marocaine, qui garde aussi tous ses droits sur Casablanca et Rabat.
Résistant à la pression des low costs qui voulaient tous s’installer à Casablanca, l’ONDA et l’ONMT ont fait un partage très clair des tâches en leur permettant de s’emparer des marchés de la province au profit du tourisme et des MRE avec des liaisons point à point entre le Maroc et l’Europe.
Seules exceptions inexpliquées et dommageables, les autorisations de laisser Ryan Air s’installer à Rabat et le low cost canadien Air Canada Rouge à Casablanca.
Pendant cette période, et contre toute attente, Air Arabia a brillamment réussi à faire sa place et grossir sur Casablanca et la province en s’affirmant comme une compagnie low cost capable de s’opposer à la concurrence étrangère sur les marchés réservés aux low costs, ce que la RAM n’avait pas réussi à faire avec sa filiale Atlas Blue.
Un choix stratégique radical mais payant
Réaliste, la RAM a accepté que l’ONMT donne des subventions à des low cost qui ne sont pas présents sur le même marché qu’elle. Si cela fonctionnait, c’est parce qu’il y avait une vision de séparation des marchés qui était partagée par l’ONMT et par le ministère du transport.
La grande majorité du marché provincial était réservée aux low cost tandis que la compagnie nationale renforçait son réseau Afrique -Reste du Monde à travers son hub de Casablanca.
Cette stratégie sous-tendait que la RAM n’était plus dans le tourisme. Si elle avait toujours ses ATR permettant de desservir des villes de province à partir de Casablanca, elle a abandonné plusieurs points à point à vocation touristique comme Madrid-Marrakech, Londres-Marrakech, Paris-Essaouira…
Cette stratégie a été plus que payante car très rapidement, elle lui a permis de se développer sur son hub, de revenir à l’équilibre financier puis de redevenir rentable et augmenter sa flotte. En été 2015, elle animait une flotte de 68 avions dont douze en location.
Le retour des low cost à Casablanca signerait la faillite de la RAM
Notre expert partage l’avis de la RAM : "Aujourd’hui, si on commence à faire revenir les low cost à Casablanca et à Rabat, qui avaient été écartés de l’aéroport Mohammed V, grâce à la connivence entre Rabbah et Benhima, et à ne plus protéger la RAM dans son hub, il est normal que la compagnie nationale n’accepte pas que l’on distribue des subventions à ses concurrents sur son marché propre.
L’équilibre des années 2011-2016 est toujours valable. Une compagnie nationale centrée et protégée sans complexe sur son hub plus Rabat, un low cost marocain, Air Arabia, qui se renforce avec le soutien de l’ONMT tout en évitant d’attaquer les lignes de RAM, surtout pas sur Casa-Dakar, et 50 compagnies étrangères, encouragées s’il le faut par des subventions, partout ailleurs au Maroc.
Des subventions partout sauf à Casablanca et Rabat
"Pour résumer, l’aviation civile doit continuer à protéger la RAM dans son fief pour avoir un instrument de projection de l’économie nationale tout en permettant aux low cost de développer le marché du tourisme et des MRE.
"Si cette répartition est respectée, la compagnie nationale n’aura plus à se plaindre des subventions attribuées par l’ONMT.
Un hub en dessous des attentes de la RAM
"Concernant le hub de Casa, il faut reconnaitre que malgré l’arrivée du terminal 1 qui est réservé à la RAM, le niveau de services n’est pas à la hauteur de ce qu’il devrait être pour un hub international. Aujourd’hui, la RAM n’a clairement pas l’aéroport qu’elle mérite pour se développer.
"Au final, il faut donc éviter de casser la configuration mise au point précédemment par la RAM, l’ONMT, l’ONDA et le ministère du transport. A ce propos, il faut préciser que ce n’est pas un hasard si les responsables de l’ONMT et de l’ONDA étaient tous d’anciens numéros 2 de la RAM", conclut notre source.
Médias24 publiera les explications de l'ONMT si l'office accepte de nous répondre et de répondre aux interrogations de l'opinion publique.
Le 14/11/2019
Source web Par Médias 24
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