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«Lorsqu’on se met à la place du contribuable, la réglementation fiscale est une vraie jungle»

«Lorsqu’on se met à la place du contribuable, la réglementation fiscale est une vraie jungle»

«Les présidents de communes n’ont pas les moyens humains et matériels nécessaires pour gérer la fiscalité locale. Ils souhaitent que les services du ministère des Finances s’en occupent pour eux », souligne Khalid Safir, wali et patron de la DGCL au ministère de l’Intérieur (Ph. Bziouat)

Pour Khalid Safir, Wali et patron de la DGCL au ministère de l’Intérieur, il faut trouver le moyen de faciliter la lisibilité de la matière fiscale. Aujourd’hui, l’idée est de disposer d’un seul corpus qui rassemble toutes les législations concernées. Il s’agit d’ailleurs de l’une des recommandations des Assises et une demande de la profession comptable.

Le projet sera de mettre en place deux grandes taxes, l’une fondée sur l’activité économique et l’autre sur le foncier. C’est donc un nouveau système de gouvernance de la fiscalité locale qui se mettra en place, avec une répartition équilibrée des rôles et des responsabilités entre les différents acteurs.

- L’Economiste: Un seul code général des impôts pour les trois fiscalités est en préparation. Où en est-on?

- Khalid Safir: C’est une idée qui s’est développée entre les ministères de l’Intérieur et de l’Economie et des Finances, et plus particulièrement entre la DGI et la DGCL, lors des discussions pour la préparation des Assises nationales sur la fiscalité. Lorsqu’on se met  à la place du citoyen ou de l’entreprise, la réglementation fiscale est une vraie jungle pour le contribuable. Il faut donc trouver le moyen de faciliter la lisibilité de la matière fiscale. L’idée est d’avoir un seul corpus, un seul code qui rassemble toute la législation fiscale, à la fois la fiscalité d’Etat mais aussi la fiscalité locale et tout ce qui concerne la parafiscalité. Il s’agit donc de mettre en place un code qui va rassembler toutes ces dispositions pour simplifier la lecture aussi bien aux citoyens qu’aux entreprises contribuables. Cette idée est également une recommandation des Assises et une demande de la profession comptable. Les commissions vont se réunir pour commencer à travailler sur l’élaboration du projet de loi-cadre qui doit englober l’unification du code des impôts, avec un calendrier de mise en œuvre sur les 5 prochaines années.

- Plusieurs revendications concernent la simplification de la fiscalité locale. Comment allez-vous résoudre cette équation?

- Là aussi, lors des concertations avec l’ensemble des partenaires, la CGEM, les experts comptables, les présidents des collectivités territoriales, les contributions remontées des différents acteurs pour la préparation des assises fiscales, un grand consensus s’est dégagé pour la simplification de cette fiscalité complexe, avec 17 taxes locales et 13 redevances.

Ces 17 taxes seront globalement regroupées en deux grandes taxes, l’une fondée sur l’activité économique et l’autre sur le foncier, avec des assiettes et des bases de calcul très simples. Celle sur le foncier sera basée sur le mètre carré, avec un référentiel de l’Etat sur le prix du foncier élaboré par la DGI et l’Agence nationale de la conservation foncière. Le calcul sera simple à la fois pour le citoyen, pour l’entreprise mais aussi pour l’administration. Car, tout le monde connaît la surface de son logement, de son atelier ou de ses bureaux, avec un référentiel connu et transparent. Cela évitera les contentieux. La deuxième grande taxe sera basée sur l’activité économique. Elle doit remplacer toutes les taxes qui grèvent aujourd’hui l’investissement en taxant l’outil de travail. La taxe professionnelle ou la TTNB sont calculées sur l’investissement ou sur le stock, avant toute transaction et avant qu’il ne génère un flux financier. La taxe sur l’activité économique sera basée sur un des paramètres de l’activité de l’entreprise soit la valeur ajoutée ou l’EBE par exemple. Nous allons revoir tout cela dans les prochaines semaines pour définir le bon paramètre pour qu’il soit facilement appréhendable par l’administration et très facile pour l’entreprise.

- La réduction du nombre des taxes ne risque-t-elle pas d’impacter les ressources financières des collectivités territoriales?

- L’attente des présidents des collectivités territoriales est basée sur les besoins de financement pour équiper les territoires, les rendre plus attractifs pour l’activité économique, tout en réduisant les disparités territoriales. Ils veulent une meilleure répartition des impôts de l’Etat. Aujourd’hui, les communes reçoivent 30% de la TVA, les régions 5% de l’IS et autant de l’IR. Les présidents veulent améliorer ces taux. Il faut raisonner globalement, le total de la fiscalité de l’Etat et de la fiscalité locale, pour voir ce qui reviendra aux collectivités territoriales, avec une bonne répartition géographique.

- Le recouvrement de la fiscalité locale pose problème. Que faut-il faire?

- Dans le système actuel de recouvrement, la répartition des tâches n’est pas très efficiente. Je prends le cas de la taxe d’habitation, et celle des services communaux. La DGI émet les rôles, mais c’est la Trésorerie générale du royaume (TGR) qui recouvre. Le point de vue qui se dégage des discussions est de responsabiliser chaque acteur sur une famille de taxes de bout en bout, c’est-à-dire de l’émission jusqu’au recouvrement. Aujourd’hui, des ruptures de responsabilités existent dans le processus. L’objectif demain est une bonne répartition entre la DGI et la TGR, chacune s’occupant de certaines taxes mais de bout en bout.

Vous l’avez entendu lors des échanges du samedi 4 mai aux assises (ndlr: panel dédié à la fiscalité locale), les présidents de communes n’ont pas les moyens humains et matériels nécessaires  pour gérer cette charge. Ils souhaitent que les services du ministère de l’Economie et des finances s’en occupent pour eux. C’est donc un nouveau système de gouvernance de ces taxes qui se mettra en place, avec une bonne répartition des rôles et des responsabilités entre les différents acteurs. Par ailleurs, les élus qui ont participé à ce panel ont reconnu que ce nouveau dispositif de gouvernance de la fiscalité locale, aura aussi un autre avantage pour eux, politiquement et socialement parlant. Car la fiscalité est toujours un sujet de friction avec la population et donc avec leurs électeurs.

- Dans quelle mesure, cette simplification tiendra-t-elle compte des différents échelons des collectivités territoriales, les communes, les conseils provinciaux et les régions?

- Il faut raisonner globalement. Il s’agit de voir comment répartir la cagnotte selon les besoins de financement entre l’Etat et les collectivités territoriales. Et au sein des trois composantes des collectivités, il faudra voir combien donner à chacun dans le cadre de ses missions.

- Comment devra se décliner l’assistance technique que vous apportez aux collectivités territoriales pour renforcer leurs ressources financières?

- Sur plusieurs niveaux dont celui des ressources humaines. Là, nous les accompagnons, notamment les régions, pour définir des schémas directeurs de formation pour l’ensemble des élus et des fonctionnaires des collectivités, avec des modules dédiés à la gestion des régies et du recouvrement des recettes. Un autre aspect de l’assistance consiste à les aider à informatiser cette fonction. Nous sommes en train de mener un chantier avec la TGR pour mettre à la disposition des collectivités une application informatique de gestion intégrée de la recette. La TGR a commencé à la généraliser sur l’ensemble du territoire. Cela permettra aux présidents d’informatiser cette activité. Un travail s’effectue entre la DGCL et l’Inspection générale de l’administration territoriale. Il consiste à mettre à la disposition des communes où les enjeux financiers sont importants, des cadres qui vont les aider à définir les procédures pour mieux s’organiser. En fait, ce sont des audits qui sont dirigés vers l’action. Nous les  aidons à transformer l’organisation de l’administration fiscale locale.

- Les présidents de région se plaignent que les financements mis à leur disposition ne suffisent pas à financer les projets retenus dans les Programmes de développement régionaux (PDR). Comment régler cette équation?

-Ils attendent beaucoup pour améliorer la répartition et espèrent que certains départements ministériels, administration et entreprises publiques, s’impliquent avec eux dans la réalisation de leurs projets. Ils souhaitent ainsi que le ministère de l’Equipement s’investisse un peu plus dans tout ce qui est réseau routier, le département de l’habitat et de l’urbanisme pour la mise à niveau des centres urbains, l’ONCF s’il y a des projets ferroviaires, le département de l’eau en matière de sécurisation des ressources… Ils ont défini les priorités, ils souhaitent que les ministères les accompagnent. 

Dans les dix régions ayant adopté leurs PDR, les projets identifiés totalisent 411 milliards de DH dont 120 milliards doivent être réalisés par les régions. Le reste sera à la charge des différentes administrations et établissements publics. Or, le total que les régions vont recevoir entre 2016 et 2021 atteindra 45 milliards de DH dont 20 milliards sont déjà engagés dans le programme de réduction des disparités sociales et territoriales. Une dizaine de milliards déjà engagés dans les anciens programmes. Donc, la marge de manœuvre est très limitée. Il leur reste 10 milliards comme marge de manœuvre. Avec 10 milliards, s’ils veulent  réaliser les 120 milliards d’investissements, il leur faudra 12 fois 5 ans, soit 60 ans. Même s’ils veulent aller vers l’emprunt, aucune banque ne voudra leur prêter sur 60 ans.

- Alors, quelle solution vous préconisez ?

- Celle sur laquelle nous avons commencé à travailler consiste à prioriser avec ces 10 régions les priorités dans ces programmes. Il s’agit de sélectionner les projets qui pourront être réalisés ou démarrés pendant les trois prochaines années. Cela leur a permis de réduire le montant des 411 milliards de DH à une centaine de milliards de DH. Cette enveloppe est maîtrisable.

Sur cela, nous avons engagé des discussions avec les ministères pour qu’ils puissent y contribuer. Nous avons entamé l’accompagnement pour la recherche de bailleurs de fonds nationaux et internationaux afin de les aider à financer le gap qui leur manque.

- Comment va-t-on revoir le partage de l’impôt collecté entre l’Etat, les collectivités territoriales?

- Cela relève du gouvernement et du Parlement.

    Les opérateurs exigent plus de visibilité et d’écoute

    La relation avec le citoyen et l’entreprise prendra de plus en plus de place. Ils veulent un texte simple et lisible de sorte qu’ils puissent eux-mêmes calculer les impôts qu’ils doivent payer. Dans la situation actuelle, les contribuables se perdent. Souvent, lorsqu’ils démarrent leurs activités, ils ne sont pas au courant des différentes taxes. Ils les découvrent au fur et à mesure. Et parfois, ils ont le sentiment d’être harcelés par l’Etat et les collectivités territoriales. En tout cas, ce qui est remonté de la base est que les contribuables veulent avoir des taxes faciles et prédictibles. Pour cela, l’administration doit faire un effort pour informer le public pour qu’il puisse remplir ses obligations, rappelle le DG de la DGCL. Pour Khalid Safir, «les contribuables expriment le besoin d’avoir une relation d’égal à égal avec l’administration. Ils veulent être considérés et respectés. Quand ils se plaignent, ils trouvent une écoute et une réponse à leurs attentes».

    Le ministre des Finances est conscient de cette donne et compte opérer un rééquilibrage dans la prochaine loi de finances. Autre attente des contribuables: avoir des instances indépendantes pour gérer les réclamations. Le dernier point qui remonte de la base porte sur l’égalité devant l’impôt: tout le monde paie, même celui qui travaille dans l’informel, indiquent des contribuables.

Le 07/05/2019        

Source web Par L’économiste

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