Maroc : Le colloque international sur les libertés individuelles finalement interdit !

Après avoir défrayé la chronique suite aux désistements de plusieurs hommes politiques, le colloque international sur les libertés individuelles a été interdit par les autorités marocaines deux jours avant sa date de lancement.
Le colloque international intitulé « Libertés individuelles à l’ère de l’État de droit » qui devait se tenir les 22 et 23 juin à Casablanca a été interdit par les autorités marocaines quarante-huit heures avant son lancement. Plusieurs intervenants étaient invités à prendre part aux débats, notamment les pays du Maghreb, l’Irak ou encore la France. À l’initiative de Noureddine Ayouch, président de la collective démocratie et libertés (CDL), le colloque devait aborder plusieurs thématiques en relation avec les libertés individuelles telles que la liberté de conscience, l’égalité dans l’héritage entre hommes et femmes ou encore l’homosexualité. Des sujets épineux qui ont visiblement rendu certains hommes politiques, conviés à l’événement, particulièrement frileux au point d’annuler leurs participations.
« Nous pensions pourtant que tout allait bien»
Dans les colonnes du journal « Le Monde », c’est un Noureddine Ayouch étonné de l’interdiction qui dénonce le manque de courage politique. « Nous pensions pourtant que tout allait bien puisque nous avions respecté les procédures d’autorisation pour ce type de manifestations. Lundi à 9h15, nous avions déposé notre demande. Théoriquement, les autorités ont quarante-huit heures pour manifester leur refus. Sans réaction mercredi à 9h15, nous pensions donc qu’il n’y avait pas de problème », a expliqué le publicitaire.
Avant même cette interdiction, le CDL avait subi plusieurs pressions notamment de la part de salafistes sur les réseaux sociaux. Mais ce qui a été plus grave aux yeux du président du CDL ce sont les ministres qui, après avoir donné leur accord pour prendre part au Colloque, ont changé d’avis. « Ils l’ont fait après que la Fondation Al-Saoud, présidée par le ministre marocain des affaires islamiques, Ahmed Toufiq, est revenue sur sa décision d’accueillir le colloque. Mais, après tout, c’est une institution privée qui émane d’un pays étranger, elle est donc indépendante. Nous avions alors trouvé un grand hôtel à Casablanca qui acceptait de nous ouvrir ses portes. Mais les responsables ont reçu des appels pour leur signifier qu’ils devaient refuser », a-t-il regretté. Du côté des hommes politiques, Nabil Benabdellah a déclaré à nos confrères de Tel Quel qu’il avait accepté l’invitation avant de prendre connaissance du programme : « Quand Nourredine Ayouch m’a appelé, il m’a présenté le colloque comme traitant des libertés en général et que plusieurs personnalités, dont le chef du gouvernement et d’autres chefs de partis, allaient y prendre part. J’ai accepté, mais quand j’ai vu le programme, je l’ai appelé pour annuler ma participation. Parler de libertés individuelles ne me gêne pas, mais c’est une question difficile à assumer politiquement. Noureddine Ayouch a choisi un sujet marginal et polémique et dans le contexte actuel, cela ne passe pas ». Quant à Mustapha El Khalfi, porte-parole du gouvernement, toujours fidèle à la langue de bois a déclaré : « Si une personne se sent lésée, elle peut mener une action en justice ».
Le programme du colloque : Le cœur du problème
Au programme, plusieurs sujets relatifs aux libertés individuelles devaient être abordés. « Le premier jour, nous devions aborder le thème de la liberté de conscience avec l’expérience de plusieurs pays arabes comme la Tunisie, l’Algérie ou l’Irak, celui des minorités religieuses. L’après-midi, le débat aurait dû porter sur « Quelle sécularisation pour les pays arabes ? ». Le deuxième jour devait être consacré à la question de l’égalité entre hommes et femmes dans l’héritage, à la procréation médicalement assistée et à la problématique des mères célibataires. Enfin, nous devions débattre de la liberté du corps au travers de l’homosexualité, des relations hors mariage notamment. Tout ceci avec de nombreux invités, spécialistes, personnalités politiques et associatives », détaille Noureddine Ayouch. L’interdiction ne serait pas due à la pression sur les réseaux sociaux comme le souligne le président du LCD. « Certes, il y avait des gens contre, mais aussi des gens pour. Donc un débat avait lieu. Je ne crois pas non plus à la pression de l’Arabie saoudite, qui a d’autres sujets de préoccupation. Ce sont les thèmes qui ont dérangé les autorités et les mouvements religieux. Ils disent que le peuple n’est pas prêt, mais c’est faux, c’est un argument fallacieux. La raison de cette interdiction, c’est un terrible manque de courage politique. Nous avions invité tous les partis – y compris pour qu’ils expriment leurs désaccords – mais ils se sont tous désistés les uns après les autres, à l’exception du PSU ».
Néanmoins, Noureddine Ayouch ne compte pas en rester là et laisse entendre qu’il organisera quand même son colloque, ultérieurement et en abordant les choses différemment. Peut-être que là, nos politiciens auront plus de courage…
Publier le 24 mai 2018
Source web par : le matin
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