Les zones humides, un patrimoine universel en danger

Depuis le début du siècle dernier, plus de la moitié des superficies des zones humides ont atteint le stade ultime de la dégradation, la disparition
Commémorée chaque année en mai, la Journée internationale de la biodiversité a été l’occasion pour le Haut-Commissariat aux eaux et forêts et à la lutte contre la désertification (HCEFLCD) de dresser un état des lieux, portant sur les trois premières années de la mise en œuvre de la Stratégie nationale 2015-2024, dédiée à la préservation des zones humides. Ces zones qui étaient au nombre de 84, d’après une étude sur les aires protégées, datée de 1984, seraient désormais de l’ordre de 300, réparties sur 274,286 hectares, après finalisation de l’inventaire national.
Depuis le tournant des années 80 et l’adhésion du Royaume à la liste Ramsar, une convention vouée à la conservation et l’utilisation rationnelle des zones humides par des actions locales, régionales et nationales, ainsi que par la coopération mondiale, 24 des 300 sites répertoriés ont été ajoutés à la liste des zones humides d’importance internationale. Via son communiqué, le HCEFLCD a déclaré qu’à celle-ci, se sont greffés en 2018 deux de plus, le site Sebkhat Imlili et celui de Merja de Fouwarate, respectivement situés dans les régions de Dakhla-Oued Eddahab et Rabat-Salé-Kénitra.
Dérivé du terme anglais "wetland", les zones humides désignent généralement tout milieu où l'eau est le principal facteur qui contrôle le milieu naturel, la vie animale et végétale qui y est associée. De manière plus poussée, le Ramsar les définit comme une étendue de marais, de fagnes, de tourbières ou d'eaux naturelles ou artificielles, permanentes ou temporaires, où l'eau est stagnante ou courante, douce, saumâtre ou salée, y compris des étendues d'eau marine dont la profondeur à marée basse n'excède pas six mètres.
Si les définitions peuvent légèrement varier, la communauté scientifique mondiale s’accorde sans distinctions sur l’importance des zones humides.
D’ailleurs, elles occupent la seconde position en matière de richesse en biodiversité, derrière les forêts équatoriales. Et outre leurs valeurs culturelle, esthétique et biologique, elles représentent également un intérêt économique non négligeable.
Ainsi, selon leurs natures et leurs situations, les zones humides jouent de multiples rôles socio-écologiques, à commencer par la gestion des eaux, puisqu’elles permettent le stockage des eaux pluviales excédentaires et l’alimentation graduelle des nappes souterraines en temps de sécheresse notamment, tout en protégeant, d’une part, les villes contre les inondations et, d’autre part, le littoral et la cote contre l’érosion ou encore les tempêtes et ouragans, avec une réduction significative des coûts des dommages de 10% à 20%. Aussi, ces zones assurent-elles à la fois le développement agricole par l’irrigation et l’approvisionnement des marchés locaux en poisson.
En temps de canicule, elles deviennent un agréable îlot de fraîcheur et d’un point de vue touristique, elles s’accordent parfaitement avec la recréation, la détente et le tourisme écologique, antidotes au stress et autres problèmes de santé liés à des métropoles de plus en plus pressurisées. Ces lieux ne sont pas uniquement indispensables pour l’être humain mais également pour les oiseaux migrateurs, en période d’hivernage, de nidification et de repos. De plus, en ces temps de dérèglements climatiques, les zones humides sont une véritable bouée de sauvetage car, à elles seules, elles permettent de stocker 25 à 30% de carbone, l'un des principaux gaz responsables du réchauffement climatique.
A la lumière de ses bienfaits aussi bien sur la planète que sur les habitants, la préservation des zones humides s'avère essentielle et urgente. Selon les spécialistes, depuis le début du siècle dernier, plus de la moitié des superficies des zones humides ont atteint le stade ultime de la dégradation, soit la disparition, alors que plusieurs menaces planent sur l’autre moitié. L’Alliance marocaine pour le climat et le développement durable (AMCCD), une plateforme créée en 2015 et regroupant plus de 500 ONG et réseaux d’ONG marocaines œuvrant dans les domaines de développement durable et de changement climatique, fait état de plusieurs occurrences provoquant le dépérissement des zones humides dont le surpâturage, la surexploitation des ressources naturelles et le pompage excessif de l’eau pour les besoins agricoles. A cela s’ajoutent la pollution par le rejet de déchets solides et liquides ainsi que les extensions urbaines et le développement des complexes touristiques démesurés. Des complexes accompagnés d’infrastructures routières et ferroviaires hautement nocives pour les zones humides à l’instar du drainage et de la conversion en terres agricoles.
La déperdition accélérée des zones humides n’est pas une fatalité en soi. Heureusement, il existe des moyens de contrarier ce fléau. Des moyens dont le moteur n’est autre qu’une volonté globale. Ils passent tout d’abord par la mise en place et l’actualisation des plans d’aménagement et de gestion de plusieurs zones humides prioritaires, dont le développement de 4 chaînes de valeurs durables développées au niveau des zones humides : birdwatching, pêche artisanale et aquaculture intégrée, comme révélé par le HCEFLCD. Ensuite, et c’est sans aucun doute le volet le plus important, il s’agit d’effectuer un travail de sensibilisation en profondeur avec pour objectif de pousser les citoyens à s’impliquer dans la préservation des zones humides à travers l’appropriation intellectuelle. Un vaste programme qui demande des efforts considérables et une attention particulière. Mais un jour ou l'autre, les humains devaient rendre à la nature tout ce qu’elle leur accorde. Ce jour est peut-être arrivé.
Le 30 Mai 2018
Source Web : Libération
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