Les oasis à l'épreuve du réchauffement climatique
Ces zones de végétation isolées devraient connaître une nette diminution des disponibilités en eau dans le futur
Comme tout sur notre chère planète Terre, les oasis sont elles aussi impactées par les changements climatiques qui marquent notre ère. A partir de ce constat, il n’était donc pas superflu de la part du Centre international des études et des recherches stratégiques sur la gouvernance territoriale et le développement durable dans les oasis et les zones montagneuses d’organiser, récemment, une conférence placée justement sous le thème ‘’Les systèmes oasiens : les changements et les perspectives de développement". Objectif : mettre en lumière et rappeler la nécessité d’intensifier les efforts scientifiques pour apporter des réponses aux interrogations suscitées par le phénomène des changements climatiques.
A l’origine de cette inquiétude, l’augmentation des températures d’ici 30 ans. Une prévision résultant de plusieurs réactions en chaîne, dont une modification des régimes des pluies. En conséquence, les zones oasiennes devraient être marquées par une nette diminution des disponibilités en eau et par la force des choses, une augmentation des besoins en eau agricole, sans oublier une perte de biodiversité. Du coup, il ne faudrait pas trop s’étonner d’une baisse notable de productivité de tous les secteurs socio-économiques suite notamment à une pression croissante sur les ressources naturelles. Concrètement, il pourrait y avoir une baisse des rendements agricoles de l’ordre de 10 à 15% pour les provinces oasiennes.
Les prémices de ce scénario catastrophique sont d’ores et déjà perceptibles dans les oasis de la région Draâ-Tafilalet, lesquelles couvrent 109 communes rurales, représentant ainsi 88% de sa superficie totale (les 12 % restants couvrent 16 centres urbains). Le professeur de géographie à l’Université Mohammed V de Rabat, Abdelaziz Bahou, présent lors de ladite conférence, a souligné « le faible volume pluviométrique annuel qui ne dépasse pas les 200 mm, à l'exception des versants du Haut Atlas, l’irrégularité spatio-temporelle des précipitations, leur forte évaporation, les vents rapides et poussiéreux, l’aridité du climat, sans parler de l’écart thermique entre les températures très élevées de l’été (43°C comme moyenne) et celles très basses de l’hiver (inférieures à 0°C) ». Néanmoins, il a tenu à nuancer ses propos en rappelant que l’emplacement géographique des oasis de la région Draâ-Tafilalet, à savoir, un trait d’union entre le système désertique aride et celui méditerranéen semi-aride, fait que le climat est souvent défini par de forts changements dans l’espace et dans le temps.
Après le temps des constats vient celui de l’action. Tout d’abord, Rabii Bourhim, professeur à la Faculté des sciences juridiques, économiques et sociales d’Agadir, a appelé à une synergie des efforts qui doivent converger tous vers la mise en place d’une Charte territoriale dédiée à la question des litiges autour des terres oasiennes, et ce en concertation avec l’ensemble des parties concernées. En d’autres termes, que tout le monde tire dans le même sens. Pourquoi ce n’est pas le cas ? Tout simplement car, selon lui, « il est difficile de concilier les us et coutumes et les textes de loi. Il existe des différences entre le droit positif et certaines coutumes en vigueur ».
Réduire ce fossé entre texte de loi et réalité ne constitue évidemment pas l’unique solution pour limiter l’impact du réchauffement climatique sur les oasis. Preuve en est, l'oasis de Ghriss-Ferkla dans la province d’Errachidia. D’une superficie de 42.000 ha, elle a su s’adapter aux différents changements du climat pour des résultats étonnants. En premier lieu, une étude de vulnérabilité a été réalisée pour à la fois préconiser des mesures prioritaires dont l’économie des ressources en eau et la pratique des cultures résilientes et à forte valeur ajoutée, et accorder une importance au volet social et démographique, à travers l’autonomisation des femmes, premières utilisatrices des ressources et les personnes les plus impactées par les changements climatiques. Une autonomisation qui est passée par la transformation et la valorisation des plantes aromatiques et médicinales (PAM). Un choix mû par les caractéristiques de ces plantes, économes en eau et résilientes au changement climatique en milieu oasien, tout en offrant un grand potentiel en raison de la diversité des espèces que l’on peut cultiver.
Ainsi, 50 ha ont été loués et une pépinière de 2500 m² a été aménagée. C’est justement là où les plantes médicinales et aromatiques sont semées et cultivées jusqu'au stade où elles sont aptes à être repiquées à leur emplacement définitif, en usant de la technique du’’ goutte-à-goutte’’, illustration parfaite d’une utilisation rationnelle de l’eau. Côté formation, le GIE PAMOT, un groupement composé de sept coopératives agricoles, instigateur du projet, a mis en place un programme de formation en vue de renforcer les capacités des femmes oasiennes en matière de valorisation des PAM, de production de compost biologique et de maîtrise de techniques d’agroécologie. Et il faut avouer que les résultats obtenus justifient amplement les efforts consentis. En effet, tout d’abord, en améliorant la production des PAM (16 espèces cultivées), les femmes du GIE contribuent à la résilience de l’écosystème oasien pour une meilleure adaptation au changement climatique. Ensuite, ces mêmes femmes disposent dorénavant de capacités et de moyens techniques et économiques pour pouvoir développer et valoriser la filière PAM agroécologique.
Bref, dans ce genre d’initiative, tout semble bénéfique. Elle permet à la fois de protéger les oasis, mais aussi de donner aux habitants la possibilité de jouir d’une vie meilleure.
Le 23 Janvier 2019
Source web : libération
Plaquette de l'AMDGJB-Geoparc Jbel Bani
Les tags en relation
Les articles en relation
Plan d’action Protection des espèces en voie de disparition
Le Haut-Commissariat aux Eaux et Forêts et à la Lutte Contre la Désertification a organisé, jeudi dernier, un atelier d’information au profit des journali...
Réchauffement climatique : l'Allemande Naomi Seibt, "l'anti-Greta Thunberg"
À 19 ans, Naomi Seibt est en train de devenir la voix des climatosceptiques. Portrait de cette jeune Allemande en lutte contre "l’alarmisme climatique". Proc...
Stratégie d’efficacité énergétique : d’importants retards à rattraper (III)
Malgré les efforts consentis dans le domaine de l'efficacité énergétique, les résultats n'ont pas été au rendez-vous. Said Mouline pointe du doig...
AVANT LA COP28, SORTIR DES ÉNERGIES FOSSILES DEVIENT UNE GAGEURE (2/3)66
Pour atteindre les objectifs de l'Accord de Paris, et rester sous un réchauffement limité à 1,5°C, l'une des réponses les plus attendues est l'...
Climat: Le GIEC tire encore la sonnette d’alarme
Le changement climatique continue de bouleverser le monde et les écosystèmes. Le phénomène ne pourra être freiné qu’en limitant les émissions de CO2 et...
Un “permis numérique” pour sensibiliser les enfants aux risques liés à Internet
Internet, les enfants et les adolescents, c’est une histoire d’amour sans fin. Une histoire d’amour dont les liens se consolident de jour en jour. De gén...
Plantes aromatiques et médicinales : Un grand potentiel mal valorisé
Les plantes aromatiques et médicinales (PAM) ont l’actualité, du 19 au 22 juillet, à Agadir. Pour sa 6e édition, le Salon national des produits de terro...
Changements climatiques : le Maroc prépare son 1er Rapport sur la transparence
Le Maroc s’investit dans un nouveau projet relatif à la Convention-Cadre des Nations unies sur les changements climatiques. Le pays travaille sur l’élabor...
L'oxygène disparaît progressivement des océans
Une nouvelle étude révèle que le réchauffement climatique fait progressivement baisser le niveau d'oxygène dans de larges parties des profondeurs des o...
L'ibis nippon reprend son envol en Corée du Sud 40 ans après son extinction
L'ibis nippon a été réintroduit à l'état sauvage en Corée du Sud, 40 ans après son extinction sur le territoire, ce 22 mai, alors que l'on ...
Nouveau projet de recherche à Meknès : La fève à l’épreuve du changement climatique
Le Centre régional de recherche agronomique de Meknès collabore avec des institutions marocaines et suisse pour étudier les mutants de la fève, visant à re...
Que retenir du rapport du groupe 3 du GIEC ?
Quels sont les points clés à retenir du rapport du groupe 3 du GIEC ? Voici un résumé des grands enjeux mis en avant par les scientifiques du GIEC. Le gr...