Flexibilité du dirham: «Le Maroc peut mener sa réforme en douceur»

La monnaie nationale n’est pas surévaluée, selon le FMI
Les fondamentaux économiques sont bons et la dette peut résister aux chocs
Nicolas Blancher, conseiller au département Moyen-Orient et Asie centrale du FMI, chef de la mission du Fonds pour le Maroc: «L’évolution du régime de change permettra à la politique monétaire marocaine d’être plus indépendante et orientée vers les besoins de l’économie domestique, contribuant ainsi davantage à la stabilité de l’activité économique» (Ph. FMI)
On est loin de la crise de 2012 où le déficit budgétaire avait explosé, et où la dette du Trésor avait commencé à s’aggraver de manière significative (58,2% en 2012, contre 52,5% en 2011, selon le ministère des Finances, pour arriver à près de 65% en 2016). Pour Nicolas Blancher, chef de la mission du FMI pour le Maroc, le pays est aujourd’hui «en situation de force». La flexibilité du dirham est une mesure de moyen terme, que le Royaume pourrait activer «en douceur», afin de doper sa compétitivité future.
- L’Economiste: La dette publique du Maroc s’est beaucoup appréciée ces dernières années. Cette situation est-elle tenable?
- Nicolas Blancher: La dette a, en effet, beaucoup augmenté après 2012, notamment en raison des difficultés macroéconomiques qu’a connues le Maroc au moment de la hausse des prix mondiaux du pétrole, du poids de la compensation des prix énergétiques, et des déséquilibres des finances publiques qui en ont résulté. Cependant, à partir de 2014-2015, les choses ont changé. La baisse des prix du pétrole, mais aussi les réformes ambitieuses engagées par le gouvernement, ont permis de réduire le déficit public et de stabiliser progressivement le poids de la dette du Trésor. A fin 2016, elle s’est élevée à environ 65% du PIB. A ce niveau, nos analyses montrent que la dette est soutenable et ne met pas en danger la stabilité macroéconomique du Maroc. De surcroît, nous prévoyons que son poids diminuera au cours des prochaines années, en liaison avec la maîtrise des finances publiques et l’accélération graduelle attendue de la croissance économique.
- Il n’y a donc pas de souci à se faire concernant les équilibres macroéconomiques du pays?
- Les importants progrès réalisés au cours des dernières années ont accru la résilience de l’économie marocaine. Néanmoins, il reste du chemin à parcourir, en raison des défis existants. A la fois sur le plan domestique, en particulier la nécessité impérieuse de réduire le chômage et les inégalités, et au niveau externe, où l’environnement international est tel que les risques demeurent élevés pour l’économie marocaine. Dans ce contexte, l’accroissement des marges de manœuvre doit se poursuivre pour mettre l’économie à l’abri des chocs, mais aussi pour créer les conditions d’une croissance plus élevée et plus inclusive à moyen terme.
- Est-ce actuellement le moment opportun pour lancer la réforme de la flexibilité du dirham?
- Tout d’abord, il s’agit d’une décision historique et souveraine que les autorités marocaines ont prise, et nous nous inscrivons en soutien à cette réforme qui servira l’économie du pays à moyen terme. De notre point de vue, l’économie marocaine est dans une position de force pour engager cette réforme. Ceci compte-tenu des progrès réalisés ces dernières années sur le plan macroéconomique, ainsi que des préparatifs opérationnels, auxquels nous avons apporté notre soutien technique, et qui sont maintenant parachevés. Contrairement à beaucoup de pays émergents dans l’histoire économique récente, le Maroc n’est pas amené à effectuer cette réforme sous la pression. Il peut se permettre de la mettre en œuvre de manière graduelle et ordonnée, dans le cadre de la vision de long terme que les autorités ont de l’intégration du Maroc dans l’économie mondiale. Le pays en tirera des bénéfices pour sa stabilité et sa croissance économique future.
- Quels sont les risques liés à cette réforme?
- Nous avons réalisé avec les autorités des analyses approfondies du risque de change dans les différents compartiments de l’économie. Le niveau de la dette extérieure en devises étrangères, privée ou publique, n’est pas élevé. Du côté du secteur privé, nous avons récemment réalisé des tests de résistance (stress tests) des banques (et à travers elles, des secteurs économiques emprunteurs) tenant compte de leur exposition au risque de change. Là encore, nous avons constaté une bonne solidité du système.
Au total, ces analyses confirment que l’économie marocaine pourrait absorber sans difficultés majeures des fluctuations accrues du niveau du dirham que, par ailleurs, nous ne prévoyons pas. Cela compte tenu de l’approche graduelle que les autorités comptent adopter pour la transition du régime de change.
- Il n’y a donc pas d’urgence mais ce serait bon pour la compétitivité future du pays…
- Exactement. Pour le moment, nous ne voyons pas de problème significatif de compétitivité. Nos analyses montrent que le dirham n’est pas éloigné de son niveau d’équilibre estimé. Nous observons, également, un processus sain de diversification de l’économie ces dernières années, en particulier un fort dynamisme des nouveaux secteurs industriels exportateurs. La perspective est bien de préserver la compétitivité de l’économie marocaine dans le futur, au cas où la variable d’ajustement que constitue le taux de change pourrait y contribuer.
Le 23 Octobre 2017
Source Web Par Ahlam NAZIH L’économiste
Les tags en relation
Les articles en relation

Fiscalité: à quoi peuvent prétendre les salariés à l'issue des assises?
Plus que quelques jours avant la tenue des assises de la fiscalité, et certaines organisations professionnelles multiplient les sorties pour défendre les leur...

Enfin des chiffres sur l’aggravation des déficits extérieurs
La crise économique qui découle de celle générée par la Covid-19, a des aspects communs pour un grands nombre de pays, et notamment la baisse de l’activi...

#MAROC: « Sévère » contraction de l’activité économique prévue en 2020
Plusieurs approches ont été déployées pour fournir des ordres de grandeur approximatifs de l’impact de la crise sur l’activité économique et les équi...

Christine Lagarde réagit à sa nomination pour la Présidence de la Banque centrale européenne
Christine Lagarde, la Directrice générale du Fonds monétaire international, a fait ce 2 juillet une déclaration dans laquelle elle réagit à sa nomination ...

Le FMI prédit une croissance mondiale de plus en plus faible
Le PIB du globe devrait progresser de 3,2 % en 2016 et 3,5 % en 2017, marquant un recul respectif de 0,2 et 0,1 point par rapport aux précédentes prévisions....

Kristalina Georgieva : Le Maroc dispose de fondamentaux macroéconomiques solides
Le Maroc dispose de solides fondamentaux pour faire face aux chocs systémiques, a affirmé, mardi à Marrakech, la directrice générale du Fonds monétaire in...

Réglementation agricole : le Maroc 3e en Afrique en matière de réformes
L’agriculture est l’un des piliers, si ce n’est le pilier, de l’économie marocaine. Le royaume a de quoi être fier, puisqu’il figure dans le top 3 d...

Le déficit commercial s'aggrave de 13,1% à fin mai
A fin mai 2017, le déficit commercial s'est creusé de 13,1%. Cette aggravation est dûe à une hausse des importations de biens (+14.317 MDH), plus import...

Baisse du taux d'activité à 46,7% au troisième trimestre de 2016
Le taux d’activité s’est élevé à 46,7% au troisième trimestre de 2016, contre 47,9% un an auparavant, enregistrant une baisse de 1,2 point, selon le Ha...

Croissance: le Maroc suit une trajectoire favorable
La situation économique du Maroc devrait s’améliorer. Il est prévu que les déficits jumeaux se réduisent à moyen terme. Mais il faudra faire attention �...

Afrique: voici les 15 pays les plus riches en 2022 et 2027, selon le FMI
Le Fonds monétaire international (FMI) vient de mettre à jour ses projections de croissance au niveau mondial sur la période 2022-2027. En Afrique, les prév...

Maroc : l’emploi agricole en milieu rural au cœur de la 14e édition du Salon de l’agriculture
La 14e édition du Salon international de l’agriculture au Maroc (SIAM 2019) se déroulera du 16 au 21 avril à Meknès sous le thème, «l’agriculture, lev...